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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

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No. 2 (Novembre 1898)
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Chronique de L'Art Décoratif
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https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0125

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PUVIS DE CHAVANNES


LA MADELEINE (APPARTIENT A M. DURAND-RUEL.)
La France ne compte pas ses grands peintres, et
pourtant, la mort de Puvis de Chavannes laisse un
vide qui ne sera point comblé. Car dans la grande
peinture décorative, nul n’approchait de lui. Il sa-
vait les hauteurs et les dangers de cet art, qu’il
avait, avec son prédécesseur Chassériau, fait sortir
d’un long oubli, plus, réinventé pour la France con-
temporaine.
La peinture décorative est devenue de mode de-
puis qu’on a reconnu dans son œuvre le génie de-
vant lequel chacun doit s’incliner. Les peintres de
tableautins ne craignent plus de se risquer à bros-
ser de grands panneaux, sous le prétexte d’en faire.
Entre l’œuvre de Puvis de Chavannes et cette pein-
ture là, agrandissement prétentieux des bagatelles
de l'art, rien de commun. Puvis possédait le grand
style, l’expression dans les grandes lign.es, celle
qu’il faut remonter aux fresques de Giotto pour
trouver avant lui, et que Théophile Gautier, son
piemier admirateur, signalait déjà dans ses com-
mencements, au Salon de 1861.
A soixante-dix-sept ans, l’âge n’avait pas affai-
bli ses moyens ; ses dernières œuvres respirent,

comme celles de ses quarante ans, cette dignité se-
reine qui fait de ses compositions comme quelque
chose de saint,et commande le respect à tous.C'est
surtout aux Salons du Champ-de-Mars, le jour du
vernissage, qu’on pouvait voir cette force du génie
qui s’impose. En face de « Geneviève veillant sur
Paris endormi », ce public de premières, si peu
soucieux d’art, changeait d’allures ; la « blague »
perdait ses droits et le silence se faisait. Tout le
monde ne comprenait peut-être pas, mais chacun
se sentait en face d’une chose à respecter.
Puvis de Chavannes était une exception dans le
monde entier et surtout en France. Seul en ses
conceptions parmi tant de peintres français,n’ayant
pas même formé école, car nul n’eût osé se risquer
à l’imiter, il n’avait ni le brillant coloris des uns, ni
la lumière des autres, ni l’esprit de ceux-là. Si l’on
voulait absolument lui trouver une parenté avec
quelque autre peintre français, c’est à Ingres
qu’il faudrait penser : mais entre la poésie péné-
trante de l’un et la pédanterie du vieil académicien,
quel abîme !
Des profanes refusent à Puvis de Chavannes la
couleur et le dessin. Comme si ce n’était pas parla
plus douce et la plus merveilleuse harmonie de l'un
et de l’autre qu’il savait faire pénétrer ses concep-
tions dans les cœurs ! Autre chose est la couleur
dans les grands pans animés par de telles compo-
sitions que dans l’étroit cadre d’un tableau de
genre. Les chatoiements du second deviendraient
l’offusquant sur les premiers, en troublant la vision
de l’architecture qui les encadre. Puvis de Cha-
vannes l’avait senti dès le premier jour, et dans ses
œuvres, les couleurs de la nature apparaissaient
comme tamisées à travers son imagination qui
l’idéalisait.
Dans son contraste avec l’ensemble de la pein-
ture française, l’œuvre de Puvis de Chavannes res-
tera pour cette dernière un haut et précieux ensei-
gnement ; elle lui dira que la toile de chevalet n’est
pas le dernier mot de l’art, et lui montrera la gran-
deur du domaine qu’elle a trop négligé pour s’abs-
traire du milieu ; elle lui rendra la notion perdue
de son vrai rôle, de sa place dans les espaces, et
sera la première pierre de l’école dans laquelle elle
doit chercher son avenir.
Les grandes toiles décoratives de Puvis de Cha-
vannes pour le Musée d’Amiens, pour celui de
Lyon, sa ville natale, pour l’Hôtel-de-Ville de Poi-
tiers, pour celui de Rouen, pour la bibliothèque de
Boston, et surtout celles du Panthéon, de la Sor-
bonne et de l’Hôtel-de-Ville de Paris sont des œu-
vres impérissables. Elles sont aussi l’honneur de
l’art et du pays qui les a vu créer, car en aucun
temps et nulle part, l’art n’a parlé au monde un lan-
gage plus noble.
M. G.

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