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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

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No. 4 (Janvier 1899)
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M. Félix Aubert
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L' art au restaurant
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https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0193

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■^5> L’ART DÉCORATIF ’<

productions de M. Aubert. C’est que M. Aubert
est un charmeur. On ne l’analyse pas; devant
cet art où le talent et des connaissances rares
se cachent sous de si aimables dehors, on
aime mieux s’abandonner au plaisir qu’il fait
naître qu’en chercher les raisons. Nous comme
les autres. J.

L’ART AU RESTAURANT
Les cafés, brasseries et restaurants se sont
transformés depuis quelques années avec des
fortunes diverses, et leurs nouveaux aspects
ont certainement eu leur part d’influence sur
leurs nouveaux destins. Car décorer et meubler
ces établissements n’est pas chose facile. Ils
ont leurs convenances spéciales, et chacun d’eux
a les siennes. Il y a vingt ans, après un demi-
siècle de cafés blanc et or et de banquettes en
velours rouge d’Utrecht, le public était prêt à
trouver amusant tout ce qu’on aurait voulu.
Les cabaretiers de Montmartre vinrent au bon
moment avec leur moyenâgerie en carton. Mais
il n’en va plus de même aujourd’hui. L’éducation
artistique du public marche à grands pas; on
met les bouchées doubles pour rattraper le
temps perdu. Les résurrections de vieilleries
passent de mode : à peine si l’on en veut encore
pour l’art officiel. Il faut du nouveau qui soit
réellement du nouveau. Or, ce n’est qu’en
s’adressant à des artistes dignes de ce nom que
l’on peut le trouver.
Quand c’est d’un restaurant mondain qu’il
s’agit, la chose demande un tact extrême. La
clientèle d’un tel établissement ne s’en laisserait
pas imposer par les gros effets qui suffisent
aux brasseries; il faut savoir être discret, même
intime; et néanmoins, les hôtes de passage qui
viennent y secouer un instant la torpeur des
habitudes journalières, «se changer», ne doivent
pas se retrouver là comme chez eux: ce ne
serait pas la peine. Un salon — qui soit un
salon, mais pas comme celui où l’on est tous
les jours: voilà le programme.
On ne pouvait trouver un art remplissant
mieux ces conditions que celui de M. Majorelle,
à qui le Café de Paris s’est adressé pour re-
nouveler trois de ses salons. C’est, en effet,
un art tout d’intimité que celui de M. Majorelle,
et c’est en même temps un art d’exception.
Sous ce dernier rapport, on pourrait le com-
parer à celui de Boule au siècle dernier. Peu
de personnes sans doute voudraient meubler
leur maison du haut en bas dans ce genre ;
il y a dans son décor très-marqué quelque
chose' qui «tire, l’œil»; sans violence, de la
manière la plus aimable du monde, mais
enfin qui «tire' l’œil», et qui est, par là,

contraire aux allures tranquilles que veut la
quiétude de notre intimité. Mais justement
pour la même raison, l’art de M. Majorelle
s’adaptait à merveille aux salons d’un restaurant
élégant, et c’est avoir fait preuve de discerne-
ment que de l’avoir choisi.
La féconde imagination de M. Majorelle s’est
déployée à l’aise dans cet ensemble. La plu-
part des pièces qui le composent sont des
trouvailles, tant par la nouveauté des formes
que par celle des détails qui viennent les en-
richir. Les cheminées, le plafond à rinceaux
tournants du grand salon, les étagères aux
angles du même salon, les portes, les encadre-
ments de fenêtres, puis une foule de détails
comme les boutons des portes, les plaques de
garde, etc., témoignent d’une richesse d’inven-
tion peu commune, en même temps que d’un
sens très-délicat des formes.
La manière de M. Majorelle est aujourd’hui
trop connue pour que nous entrions dans une
description; et d’ailleurs, dans cet art tout de
finesse et fourmillant de détails, les descriptions
et même les reproductions n’apprennent que
peu de chose. Observons cependant que la
transformation dont les meubles exposés dans
les derniers temps par M. Majorelle donnaient
l’indice s’accuse encore ici. L’artiste tend de
plus en plus à soumettre son exubérante fan-
taisie à la logique des constructions ; la mem-
brure des meubles est maintenant bien accusée
et robuste, sans que la délicatesse des formes
en souffre aucunement. D’autre part, la mar-
queterie, qui joue un si grand rôle dans sa
manière, est beaucoup moins en évidence
qu’autrefois ; les motifs, quoique variés à l’in-
fini, dérivent tous du même sujet (la feuille
du maronnier), et la couleur ainsi que la com-
position sont conçus de manière qu’elle se fonde
mieux dans la tonalité générale des pan-
neaux. Il en résulte que l’attention ne s’épar-
pille plus sur le détail, et l’harmonie des cou-
leurs y gagne en unité; surtout, il s’établit
entre la construction et la décoration une sorte
de lien qui manquait aux compositions antérieures
de l’artiste.
En somme, l’œuvre atteste d’importants pro-
grès chez M. Majorelle. Nous sommes loin
du temps — pourtant encore si proche —
où ses meubles serraient de près les dévergon-
dages du «quaint furniture» des Anglais. Du
reste, avec l’artiste si bien doué, doublé d’un
ingénieux technicien, qu’est M. Majorelle, il
faut s’attendre encore à d’autres changements,
qui feront de son œuvre une des plus inté-
ressantes manifestations de l’art français moderne,
sans qu’elle perde cependant son caractère
d’exceptionalité. j.
 
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