L'ART DÉCORATIF
jeune mère, une femme du peuple, Msant peser
son enfant dans h boutique du boulanger? Ce
fut A succès du Salon cette année-ià.
Toutes les femmes, les mondaines comme les
autres, et plus d'un homme aussi s'èpanouis-
saient de plaisir devant le bébé rose souriant
dans le plateau de la balance, la jeune femme
rayonnmte, L bonne hgure paterneile du bou-
l:tnger marquant le poids. Ce n'est pas là de
l'art? C'est possible. Celà veut dire en tous
cas que la. peinture possède, pour èmouvoir,
des armes contre lesquelles on ne saurait lutter.
Bonne ou mauvaise, c'est vers ses sailes que
le public continuera de se diriger au Salon ; ou
plutôt, le Salon, c'est la peinture. Le temps
n'y changera rien.
Ce qui est vrai — et c'est ici que l'amer-
tune du peintre contre l'objet d'art s'explique —
c'est que depuis que 1A/^ est remis
en honneur, une clientèle vient à lui, et qu'elle
se forme au détriment de la peinture. Est-
ce un bien ou un mal? 11 nous parait que
c'est plutôt indiiférent. Que l'amateur collec-
tionne des tableaux, des bibelots, des auto-
graphes ou des timbres, selon ses goûts et sa
bourse, la terre n'en tournera ni plus ni moins.
Que les peintres n'aient pas à se rejouir, ceià
se comprend; mais qu'y faire? Rien d'autre
qu'en prendre son parti.
Nous ne voyons pas grand mal au sort
modeste qu'on fait à ÎM^J au Salon.
D'abord, celà ne l'empêchera pas de faire son
chemin. Puis, à vrai dire, nous ne pensons
pas que le côté vraiment intéressant pour tous,
vraiment humain de lNrv soit celui qui
se produit au Salon ; ou du moins, celles de
ses manifestations réellementsusceptibles d'élever
le niveau artistique de la vie privée et de la
vie pubiique n'y sont et n'y peuvent être qu'en
petit nombre. 11 y aurait à établir deux caté-
gories dans ce qu'on nomme «les objets d'art».
D'abord, celle des objets sans application aux
usages de la vie, ou dont l'appîication à tel
ou tel usage n'est qu'un accessoire secondaire,
un semblant. Bons ou mauvais, on ne voit
guère en quoi ces objets sont de lA?'.y
plutôt que telle sculpture ou tel dessin, à moins
que par le volume. Ce décompte fait, il reste
un certain nombre, pas élevé, d'objets d'art
rèellement appliqué, parmi lesquels quelques-
uns peuvent fournir un point de dèpart à l'in-
dustrie, qui seule peut èpandre le beau dans
la vie de la gènèralité. Au Salon, ceux-ci dè-
tonnent plutôt dans le milieu par l'absence à
peu près ou tout à fait complète de ce qu'on
est habitué à dèsigner sous le mot d'art ; disons
la vërité, ils y semblent des intrus. Mais leur
portèe dèpasse l'enceinte du Salon; exposès
dans les salles, aux portes ou ailleurs, ils doivent
fatalement faire ècole.
On peut rèpondre à celà que la prèsence au
Salon d'objets usuels de bon goût est un puis-
sant moyen de divulgation, et le meilleur agent
de l'avènement d'une conception plus juste, dans
l'esprit des masses, de tout ce qu'embrasse l'art.
D'accord. Conclusion: la question resteouverte.
Cette annèe, la classe des objets d'art n'est
pas remarquable dans son ensemble. On a
beaucoup cherché, beaucoup trouvé pendant
quelques annèes; il faut que celà se tasse. Peut-
être aussi les artistes rèservent-ils leur elfort
pour l'Exposition de ipoo.
Les cèramistes ne se sont mis en frais que
tout juste. M. Delaherche, M. Dalpayrat,
M. Bigot, M. Dammouse exposent de beaux
èchantillons de leur art bien connu — si connu
qu'il devient difhcile d'en parler.
M. Moreau-Nèlaton, voisin d'une tuilerie
dans ses sèjours frèquents à la Tournelle, a pris
goût à la céramique, et fait mouler et cuire dans
cette modeste usine, avec les terres de la localitè,
de simples poteries joliment dècorèes. Après les
tons sombres ou morts des grès Aammés, c'est
une joie pour l'œil que ces heurs et frondaisons
èclatant gaiement en couleurs à la fois vives et
tendres — on ne mit trop comment celà se
fait — sur le fond jaune-thè adoptè par M. Mo-
reau-Nèlaton — le jaune-thé des Chinois, inèdit
en Europe jusqu'ici. Avec celà, les dessins d'un
peintre qui, dans la circonstance, reste peintre,
mais sait qu'il ne doit pas trop le faire sentir ....
juste le point nommè. En un mot, le pimpant
de la vieille poterie française, rajeuni par un
artiste d'aujourd'hui. Celà fait du bien.
Autre cèramiste nèophyte, croyons-nous :
M. Michel Cazin. La formule de celui-ci est
tout le contraire de celle de M. Moreau-Nèla-
ton : le dècor en relief, ton sur ton, sur des
grès en grisailles. 11 y a de bons effets à tirer
decettemanière.
M. St. Lerche a réuni dans une vitrine un
grand nombre de ses jolies faïences dècorèes;
il y a joint des appliques en formes de papillons
et de libellules, les unes en ècaille patinèe par
places et incrustèe de nacre, d'autres en étain
ëgalement incrusté de nacre ou en faïence à
rehets metalliques.
Exposée sous le nom de M. William Lee
(sûrement un sculpteur) on remarque une vitrine
de belles céramiques, des grès hammès, à ce
qu'il nous paru, de tons sombres, de formes
distinguées. Parmi ces pièces, plusieurs sont
munies de couvercles métalliques ciselës d'un
beau modelè. Ce sont là de vrais et beaux ob-
jets d'art, dont on n'empruntera pas facilement
la formule à l'auteur.
jeune mère, une femme du peuple, Msant peser
son enfant dans h boutique du boulanger? Ce
fut A succès du Salon cette année-ià.
Toutes les femmes, les mondaines comme les
autres, et plus d'un homme aussi s'èpanouis-
saient de plaisir devant le bébé rose souriant
dans le plateau de la balance, la jeune femme
rayonnmte, L bonne hgure paterneile du bou-
l:tnger marquant le poids. Ce n'est pas là de
l'art? C'est possible. Celà veut dire en tous
cas que la. peinture possède, pour èmouvoir,
des armes contre lesquelles on ne saurait lutter.
Bonne ou mauvaise, c'est vers ses sailes que
le public continuera de se diriger au Salon ; ou
plutôt, le Salon, c'est la peinture. Le temps
n'y changera rien.
Ce qui est vrai — et c'est ici que l'amer-
tune du peintre contre l'objet d'art s'explique —
c'est que depuis que 1A/^ est remis
en honneur, une clientèle vient à lui, et qu'elle
se forme au détriment de la peinture. Est-
ce un bien ou un mal? 11 nous parait que
c'est plutôt indiiférent. Que l'amateur collec-
tionne des tableaux, des bibelots, des auto-
graphes ou des timbres, selon ses goûts et sa
bourse, la terre n'en tournera ni plus ni moins.
Que les peintres n'aient pas à se rejouir, ceià
se comprend; mais qu'y faire? Rien d'autre
qu'en prendre son parti.
Nous ne voyons pas grand mal au sort
modeste qu'on fait à ÎM^J au Salon.
D'abord, celà ne l'empêchera pas de faire son
chemin. Puis, à vrai dire, nous ne pensons
pas que le côté vraiment intéressant pour tous,
vraiment humain de lNrv soit celui qui
se produit au Salon ; ou du moins, celles de
ses manifestations réellementsusceptibles d'élever
le niveau artistique de la vie privée et de la
vie pubiique n'y sont et n'y peuvent être qu'en
petit nombre. 11 y aurait à établir deux caté-
gories dans ce qu'on nomme «les objets d'art».
D'abord, celle des objets sans application aux
usages de la vie, ou dont l'appîication à tel
ou tel usage n'est qu'un accessoire secondaire,
un semblant. Bons ou mauvais, on ne voit
guère en quoi ces objets sont de lA?'.y
plutôt que telle sculpture ou tel dessin, à moins
que par le volume. Ce décompte fait, il reste
un certain nombre, pas élevé, d'objets d'art
rèellement appliqué, parmi lesquels quelques-
uns peuvent fournir un point de dèpart à l'in-
dustrie, qui seule peut èpandre le beau dans
la vie de la gènèralité. Au Salon, ceux-ci dè-
tonnent plutôt dans le milieu par l'absence à
peu près ou tout à fait complète de ce qu'on
est habitué à dèsigner sous le mot d'art ; disons
la vërité, ils y semblent des intrus. Mais leur
portèe dèpasse l'enceinte du Salon; exposès
dans les salles, aux portes ou ailleurs, ils doivent
fatalement faire ècole.
On peut rèpondre à celà que la prèsence au
Salon d'objets usuels de bon goût est un puis-
sant moyen de divulgation, et le meilleur agent
de l'avènement d'une conception plus juste, dans
l'esprit des masses, de tout ce qu'embrasse l'art.
D'accord. Conclusion: la question resteouverte.
Cette annèe, la classe des objets d'art n'est
pas remarquable dans son ensemble. On a
beaucoup cherché, beaucoup trouvé pendant
quelques annèes; il faut que celà se tasse. Peut-
être aussi les artistes rèservent-ils leur elfort
pour l'Exposition de ipoo.
Les cèramistes ne se sont mis en frais que
tout juste. M. Delaherche, M. Dalpayrat,
M. Bigot, M. Dammouse exposent de beaux
èchantillons de leur art bien connu — si connu
qu'il devient difhcile d'en parler.
M. Moreau-Nèlaton, voisin d'une tuilerie
dans ses sèjours frèquents à la Tournelle, a pris
goût à la céramique, et fait mouler et cuire dans
cette modeste usine, avec les terres de la localitè,
de simples poteries joliment dècorèes. Après les
tons sombres ou morts des grès Aammés, c'est
une joie pour l'œil que ces heurs et frondaisons
èclatant gaiement en couleurs à la fois vives et
tendres — on ne mit trop comment celà se
fait — sur le fond jaune-thè adoptè par M. Mo-
reau-Nèlaton — le jaune-thé des Chinois, inèdit
en Europe jusqu'ici. Avec celà, les dessins d'un
peintre qui, dans la circonstance, reste peintre,
mais sait qu'il ne doit pas trop le faire sentir ....
juste le point nommè. En un mot, le pimpant
de la vieille poterie française, rajeuni par un
artiste d'aujourd'hui. Celà fait du bien.
Autre cèramiste nèophyte, croyons-nous :
M. Michel Cazin. La formule de celui-ci est
tout le contraire de celle de M. Moreau-Nèla-
ton : le dècor en relief, ton sur ton, sur des
grès en grisailles. 11 y a de bons effets à tirer
decettemanière.
M. St. Lerche a réuni dans une vitrine un
grand nombre de ses jolies faïences dècorèes;
il y a joint des appliques en formes de papillons
et de libellules, les unes en ècaille patinèe par
places et incrustèe de nacre, d'autres en étain
ëgalement incrusté de nacre ou en faïence à
rehets metalliques.
Exposée sous le nom de M. William Lee
(sûrement un sculpteur) on remarque une vitrine
de belles céramiques, des grès hammès, à ce
qu'il nous paru, de tons sombres, de formes
distinguées. Parmi ces pièces, plusieurs sont
munies de couvercles métalliques ciselës d'un
beau modelè. Ce sont là de vrais et beaux ob-
jets d'art, dont on n'empruntera pas facilement
la formule à l'auteur.