L'ART DÉCORATIF
Dans !e département des verriers, voici d'abord
M. Tidany, dont le somptueux dépioiement
écrase ses voisins par sa richesse inouïe; c'est
vraiment dommage pour M. Koepping, tout
petit à côté, en dépit de la ravissante déiica-
tesse de ses verres de table — déjà connus
des lecteurs de /'Hr/ — et de ses
nouveaux dacons, dont le col, s'élancant d'une
courte panse, semble l'enlèvement d'une fusëe.
Revenir à M. TiTany: des nouveautés auprès
desquelles les splendeurs d'avant ne sont plus
rien. Celà dèbe 1a description. Du reste, tou-
jours amëricain; le dessin et les formes, bien
ou mal, comme celà tombe.
Très-chercbeurs, les verriers. Voici, dans
leurs rangs, M. Ringel d'IIIzach (de Mulhouse)
qui montre, sous le nom d'«émaux agglomérés»,
des médaillons en haut-relief, la plupart de tons
foncés, quelques-uns patinës par places. Tel
en est le hni, qu'on les jurerait ciselés. Pas
du tout; c'est du verre moulé, sans retouches
après coup. Les patines sont données par 1a
composition même du moule. Vus par trans-
parence, l'elfet est curieux, en tous cas tout
nouveau. C'est du vitrail en sculpture, si l'on
pouvait ainsi parler. On devine que les ob-
jections à l'idée ne manquent pas; mais rien
ne dit que l'auteur du procédé ne les levera
pas, par la manière dont il l'appliquera. Sait-on
jamais ?
Passons au métal. En fer forgé, rien à citer.
Tout au plus trois ou quatre objets, dont les
auteurs en sont encore à se complaire au vieux
jeu de patience de façonner un cep de vigne
ou un rosier en ce métal. Le rësultat paie bien
mal leur peine! Du cuivre et du bronze ciselé
ou repoussé, rien à dire non plus, sinon de
mentionner en passant les jolis travaux de
M^e Ericson-Molard et de M^ Beetz. 11 est
singulier de constater combien l'art du cuivre
et du bronze a pris jusqu'ici peu de part, en
France, au mouvement de rènovation. II y a
pourtant là de quoi tenter l'artiste ! Quelques
architectes s'appliquent, à peu près seuls, de
rechercher des formes pour les applications
usuelles de ces beaux mètaux.
L'ètain, lui, n'a pas à ce plaindre! Pendant
quelques annèes, sa vogue a tourné au snobisme.
On dirait que cela se calme. Au Salon, il est
très-peu reprèsenté. M. Bafher expose un ser-
vice à vin, M. Boucher un pichet et deux
chandeliers d'une composition simple mais
neuve, M. Brateau quelques petites pièces, et
c'est tout .... du moins tout ce dont on
peut parler.
Dans les travaux en mètaux nobles, au con-
traire, ce n'est pas la quantité qui manque;
seulement, après avoir fait le triage, il n'en
reste pas beaucoup. Citons un encrier de M.
Spicer-Simson et plusieurs miroirs à main de
M. Jacquin, montès les uns en argent, un autre
en ivoire et argent, un autre encore en bronze
patiné : objets d'un dessin sobre et ferme, 1a
plupart sans hgures ni hgurations horales.
A marquer parmi les objets d'art appliqué —
tel qu'il faudrait le comprendre — qu'on peut
voir au Salon.
Du bibeiot en argent à l'orfèvrerie, le passage
n'est pas long. Ici, l'art français triomphe sur
toute 1a ligne. II faudrait citer tout, ou à peu
près. Aucune branche de l'art appliquè ne s'est
transformèe si heureusement et si profondèment
depuis quelques années.
Faut-il l'attribuer à l'instruction artistique
professionelle que le syndicat de l'orfèvrerie s'est
attentivement efforcè de dèvelopper, ou bien
au fait qu'aucune autre branche n'est plus
propre à faire valoir les aptitudes naturelles de
l'artisan français et ses qualitès de tempèrament?
Probablement l'un et l'autre. Quoi qu'il en
soit, quelle richesse, quelle varièté et quelle
nouveautè de formes à succëdé aux vieux
clichès d'il y a seulement quelques annèes !
Les petits chefs d'œuvres de bijouterie ne se
comptent plus. Même à côtë des admirables
pièces de M. Lalique, les pendants, les broches,
les boucles de M. Foy, de M. Jeanselme, de
MM. Beaudouin et Lorant-Heilbronn, de dix
autres encore sont des œuvres exquises. Si l'on
ajoute aux noms de ces professionels du bijou
ceux d'artistes tels que M. Nocq, M. Prouvè,
M. Mangeant, etc., on voit l'orfèvrerie française
reprèsentèe par une phalange dont on chercherait
en vain l'èquivalent ailleurs.
M. Victor Prouvè, dont le nom vient d'être
prononcè, dépense un talent fècond sous des
formes très-diverses; sans parler de sa peinture
— et c'est un regret de ne pouvoir 1e faire, car
une de ses toiles du Salon, «Vision d'automne»,
est d'un sentiment dëlicieux et pleine de solides
qualitès de mètier, il expose à côtë de ses bijoux
des reliures en cuir dècoré par l'estampage,
donnant le relief à certains points, et par la
mosaïque, donnant la couleur à d'autres. Ces
travaux sont à citer dans l'important contingent
que fournit au Salon l'art de la reliure.
Un mot ici de M. Hestaux, bien que les
travaux de celui-ci ne soient pas en cuir, mais
en bois sculptè: seulement, les bois, teintès
de tons propres à l'artiste, prennent un as-
pect qui se rapproche plutôt de celui du cuir
au premier abord. Quelques incrustations de
nacre dissèminëes dans 1a sculpture achèvent de
donner quelque chose de fantastique au catac-
tère de ces objets. Ce sont des plateaux de
formes diverses devant — à ce qu'ii nous a
Dans !e département des verriers, voici d'abord
M. Tidany, dont le somptueux dépioiement
écrase ses voisins par sa richesse inouïe; c'est
vraiment dommage pour M. Koepping, tout
petit à côté, en dépit de la ravissante déiica-
tesse de ses verres de table — déjà connus
des lecteurs de /'Hr/ — et de ses
nouveaux dacons, dont le col, s'élancant d'une
courte panse, semble l'enlèvement d'une fusëe.
Revenir à M. TiTany: des nouveautés auprès
desquelles les splendeurs d'avant ne sont plus
rien. Celà dèbe 1a description. Du reste, tou-
jours amëricain; le dessin et les formes, bien
ou mal, comme celà tombe.
Très-chercbeurs, les verriers. Voici, dans
leurs rangs, M. Ringel d'IIIzach (de Mulhouse)
qui montre, sous le nom d'«émaux agglomérés»,
des médaillons en haut-relief, la plupart de tons
foncés, quelques-uns patinës par places. Tel
en est le hni, qu'on les jurerait ciselés. Pas
du tout; c'est du verre moulé, sans retouches
après coup. Les patines sont données par 1a
composition même du moule. Vus par trans-
parence, l'elfet est curieux, en tous cas tout
nouveau. C'est du vitrail en sculpture, si l'on
pouvait ainsi parler. On devine que les ob-
jections à l'idée ne manquent pas; mais rien
ne dit que l'auteur du procédé ne les levera
pas, par la manière dont il l'appliquera. Sait-on
jamais ?
Passons au métal. En fer forgé, rien à citer.
Tout au plus trois ou quatre objets, dont les
auteurs en sont encore à se complaire au vieux
jeu de patience de façonner un cep de vigne
ou un rosier en ce métal. Le rësultat paie bien
mal leur peine! Du cuivre et du bronze ciselé
ou repoussé, rien à dire non plus, sinon de
mentionner en passant les jolis travaux de
M^e Ericson-Molard et de M^ Beetz. 11 est
singulier de constater combien l'art du cuivre
et du bronze a pris jusqu'ici peu de part, en
France, au mouvement de rènovation. II y a
pourtant là de quoi tenter l'artiste ! Quelques
architectes s'appliquent, à peu près seuls, de
rechercher des formes pour les applications
usuelles de ces beaux mètaux.
L'ètain, lui, n'a pas à ce plaindre! Pendant
quelques annèes, sa vogue a tourné au snobisme.
On dirait que cela se calme. Au Salon, il est
très-peu reprèsenté. M. Bafher expose un ser-
vice à vin, M. Boucher un pichet et deux
chandeliers d'une composition simple mais
neuve, M. Brateau quelques petites pièces, et
c'est tout .... du moins tout ce dont on
peut parler.
Dans les travaux en mètaux nobles, au con-
traire, ce n'est pas la quantité qui manque;
seulement, après avoir fait le triage, il n'en
reste pas beaucoup. Citons un encrier de M.
Spicer-Simson et plusieurs miroirs à main de
M. Jacquin, montès les uns en argent, un autre
en ivoire et argent, un autre encore en bronze
patiné : objets d'un dessin sobre et ferme, 1a
plupart sans hgures ni hgurations horales.
A marquer parmi les objets d'art appliqué —
tel qu'il faudrait le comprendre — qu'on peut
voir au Salon.
Du bibeiot en argent à l'orfèvrerie, le passage
n'est pas long. Ici, l'art français triomphe sur
toute 1a ligne. II faudrait citer tout, ou à peu
près. Aucune branche de l'art appliquè ne s'est
transformèe si heureusement et si profondèment
depuis quelques années.
Faut-il l'attribuer à l'instruction artistique
professionelle que le syndicat de l'orfèvrerie s'est
attentivement efforcè de dèvelopper, ou bien
au fait qu'aucune autre branche n'est plus
propre à faire valoir les aptitudes naturelles de
l'artisan français et ses qualitès de tempèrament?
Probablement l'un et l'autre. Quoi qu'il en
soit, quelle richesse, quelle varièté et quelle
nouveautè de formes à succëdé aux vieux
clichès d'il y a seulement quelques annèes !
Les petits chefs d'œuvres de bijouterie ne se
comptent plus. Même à côtë des admirables
pièces de M. Lalique, les pendants, les broches,
les boucles de M. Foy, de M. Jeanselme, de
MM. Beaudouin et Lorant-Heilbronn, de dix
autres encore sont des œuvres exquises. Si l'on
ajoute aux noms de ces professionels du bijou
ceux d'artistes tels que M. Nocq, M. Prouvè,
M. Mangeant, etc., on voit l'orfèvrerie française
reprèsentèe par une phalange dont on chercherait
en vain l'èquivalent ailleurs.
M. Victor Prouvè, dont le nom vient d'être
prononcè, dépense un talent fècond sous des
formes très-diverses; sans parler de sa peinture
— et c'est un regret de ne pouvoir 1e faire, car
une de ses toiles du Salon, «Vision d'automne»,
est d'un sentiment dëlicieux et pleine de solides
qualitès de mètier, il expose à côtë de ses bijoux
des reliures en cuir dècoré par l'estampage,
donnant le relief à certains points, et par la
mosaïque, donnant la couleur à d'autres. Ces
travaux sont à citer dans l'important contingent
que fournit au Salon l'art de la reliure.
Un mot ici de M. Hestaux, bien que les
travaux de celui-ci ne soient pas en cuir, mais
en bois sculptè: seulement, les bois, teintès
de tons propres à l'artiste, prennent un as-
pect qui se rapproche plutôt de celui du cuir
au premier abord. Quelques incrustations de
nacre dissèminëes dans 1a sculpture achèvent de
donner quelque chose de fantastique au catac-
tère de ces objets. Ce sont des plateaux de
formes diverses devant — à ce qu'ii nous a