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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,1.1899/​1900

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No. 17 (Février 1900)
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John Ruskin
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Chronique
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https://doi.org/10.11588/diglit.34203#0251

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L'ART DÉCORATIF

JOHN RUSKIN
-g^ USKIN, mort !e 20 janvier à i'àge de quatre-
vingts ans, représentait, en Angteterre, non
seuienrentun grand mouvement d'arc :1e
préraphaélisme ; mais encore tout un en-
semble de tendances philosophiques et sociales,
dont l'effet fut énorme sur la pensée, sur la vie de
l'Angleterre et du monde, pendantladernière moitié
du dix-neuvième siècle. Ce n'estdoncpas seulement
un artiste et un critique d'art que perd l'univers, en
la personne de Ruskin.
C'est plus. Pour des milliers et des milliers
d'êtres humains, Ruskin était un maître en l'art
de vivre, à la fois prophète et éducateur. En le
perdant, ils perdent leur Messie. Car encore qu'on
l'ait souvent mal compris, c'est bien, en elfet, une
sorte de religion qu'il a fondée, moins celle de la
Beauté, dont le culte peut rester solitaire, que celle
de l'Harmonie, dont la vertu ne saurait être que
sociale. C'est par là qu'il se distingue des deux
grands hommes qui exerçaient avec luile patriarcat
de la pensée dans l'Europe qui n'est point latine.
Nietzsche, parla Force, Tolstoï,parlaPitié,tendent
à détruire. Ruskin avait au contraire édifié. Loin-
taine, il est vrai, mais noble, harmonieuse, sinon
bien solide, la maison de vie et de pensée qu'il a
construite lui survivra dans la mémoire des hommes.
Elevé par uu père épris d'art et de voyages et
une mère profondément religieuse, entre les trésors
des musées de toute l'Europe et la Bible, Ruskin
se destina d'abord au ministère évangélique, puis
à la peinture. Une brochure écrite pour défendre
Turner, le paysagiste anglais, dont il admirait le
génie méconnu, le conduisit à d'autres voies. La
brochure devint un volume, le volume fut suivi de
quatre autres qui, sous le titre ZW7V7*as ZZo-
révolutionnèrent la critique d'art en Angle-
terre. Ruskin devint, en même temps que l'ami,
l'inspirateur de Hunt, de Miliais, de Rosseti. Avec
eux, plutôt au-dessus d'eux, il fonda le préraphaé-
lisme, qu'il défendit avec une vigueur et une élo-
quence merveilleuses.
A quarante ans, Ruskin avait ëdihé une théorie
de l'art, une théorie tenant toute entière dans ces
mots : € La Beauté, c'est la vérité ; la Vérité, c'est
la beauté. Ce n'était que le commencement de sa
tâche.
La seconde portion de sa vie fut occupée à dé-
montrer au monde que les principes de beauté et
de vérité qu-il appliquait à l'art, que cette cons-
tante préoccupation de culture morale et de signi-
hcation intellectuelle dont il nourrissait et vivifiait
son culte des formes ; que tout son système, enfin,
de critique et de pensée en tant qu'artiste, étaient
applicables à la vie pratique, à la vie politique, à
la vie sociale, à tout ce que l'homme doit faire,
être ou créer. De la beauté il tirait unephilosophie;
de l'art, une morale. Le beau, disait-il, se confond
avec le vrai et le bien. Il fournit aux problèmes
sociaux des solutionsaussi nobles, presque toujours
les mêmes. Il domine donc toute l'activité humaine.
Il est la source d'une religion.
Jusqu'en i8go se succédèrent les œuvres où
Ruskin exposait, à travers l'orage des contradic-
tions, sa religion de l'harmonie. Vingt volumes,
imprimés et publiés par ses soins,firent connaître sa
pensée à toute l'Europe. L'industrie qui enlaidit le
monde, le machinisme qui enrégimente et broie les
activités humaines,la guerre qui ravage,l'hypocrisie
religieuse qui flétrit les choses les plus belles furent
les ennemis qu'il dénonçait partout. Mais il relevait

et vantait la dignité humaine jusque chez les plus
humbles. Grâce à lui, sous ses prédications et celles
de William Morris, le poète artiste, la décoration
des appartements, la forme des maisons se modi-
fièrent insensiblement. Des fabriques s'élevèrent
sans machines, pour lui plaire. Il y eut des excès, il
y eut des erreurs de la part de ses disciples. L'es-
thétisme ridicule dont trop de manifestations nous
assaillent est une de ces excroissances. L'enseigne-
ment de Ruskin n'en a pas moins été comme un
levain puissant d'art et de beauté dans la vie du
monde anglo-saxon. Il l'apénétré déplus de douceur
et d'humanité. Encore que la réaction ait été vive
et prompte, le ruskinisme fut à son époque un agent
civilisateur dans la moitié du monde.
Ruskin est mort, mais les livres de Ruskin restent.
Et sonêloquence.d'abord ornée, abondante et riche,
plus tard rapide et nourrie, cette noble éloquence
qui fait de lui peut-être le premier prosateur de
de l'Angleterre dans notre siècle ; et son enseigne-
ment si universel et sigénéreux qu'on n'en examine
point de trop près les assises un peu légères;
et sa vie, enfin, qui fut un modèle d'unité, d'harmo-
nie et de courage, tout cela reste pour rendre le
nom de Ruskin immortel.
Faisons suivre cette biographie concise, écrite
par M.Abel Chevalley, du Zà777j>x, des belles lignes
suivantes, de M. Henry Fouquier, le plus digne
peut-être, en France, de déposer une couronne sur
la tombe de Ruskin, parce que le plus proche de
lui sous des dehors différents.
« Avec les églises de Florenee, où vous, Ruskin,
découvriez Masaccio et Lippi, sous le badigeon des
barbares civilisés du grand siècle, avec le Fiesole
de Fra Angelico, qui peignait à genoux ses vierges,
avec Orvieto et Assise, le Campo-Santo pisan vous
révéla deux siècles d'un art moins sûr de lui-même,
moins savant que celui de Raphaël, mais plus près,
en sa jeuneusse, de votre idéal. Vous avez trouvé là
en sa fleur, le double effort de l'esprit humain vers
la Vérité et vers la Beauté. Là vous estvenue cette
conception, qui fut votre enseignement, que l'art
doit toujours être l'expression d'une pensée et que
cette pensée doit être haute, morale, telle qu'elle
mérite d'être appelée religieuse, alors même qu'elle
reste humaine et ne s'attache pas à un dogme
L'école préraphaélesque est de votre rêverie. Son
action a été considérable et bonne. N'eût-elle fait
qu'augmenter le trésordenosjoies intellectuelles, ce
serait déjà une grande chose. Je sais bien que,toute
médaille ayant son revers, de l'esthétique sont nés
nos ridicules esthètes. Ils viennent de vous, mais
comme les inquisiteurs viennent du crucifié du Cal-
vaire ! Et si, à l'heure dernière, vous avez eu cette
apparition qu'on prête parfois aux mourants et où
s'évoque pour leurs yeux quî vont se fermer ce qui
fut la gloire et l'amour de leur vie, ignorant les
botticelliennes de nos brasseries, vous vous êtes
endormi en voyant une fois encore les fresques
délicieuses et inspirées de vos vieux maîtres du
Campo-Santo ! H

CHRONIQUE
*r^xposiTioNS DU Mois. —- L'exposition du Cercle
Volney présentait un ensemble agréable et
^ correct, plutôt fait pour amuser les curio-
sités mondaines, que pour toucher fortement
les sensibilités artistiques. Des peintres de renom y
montrent leur habituelle adresse, leurs procédés un
peu connus, leur manière un peu monotone.

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