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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,1.1899/​1900

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No. 18 (Mars 1900)
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Une préface
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-r-4ëD- L'ART DÉCORATIF

UNE PRÉFACE
-g- ES feuilles de l'album ^Gtzz'zzzz'zzn/^, édité par
là Afzzz'xozz âfmfzz7'zz^,y seront exposées pendant
^^ les derniers jours de ce mois. Al. Gustave
Geffroy a écrit une préface pour cette mani-
festation originale et sans précédents de l'art
d'avant-garde. On peut dire que notre très distin-
gué confrère s'est surpassé lui-même dans l'élé-
gance dont il sait envelopper une critique large,
clairvoyante, et les jugements d'un esprit aussi pon-
déré que libre. On nous saura gré de reproduire
ici cette belle page. J.

« G^z'zzzz'zzzzf^ présente,en ses vingt feuilles,comme
une esquisse d'un mouvement d'art européen. Tous
les efforts n'y sont pas, et ne pouvaient y être
représentés. Mais il y a les noms essentiels d'artis-
tes dont l'œuvre est dès à présent définie, et qui
sont restés en pleine activité de pensée et de tra-
vail. Il y a ceux qui préparent savamment leur
moisson de demain, il y a ceux dont le rêve pour-
suit des formes encore vagues et qui subissent une
mode en croyant atteindre aux généralisations.
Ceux-là aussi ont bien fait de venir à ce rendez-vous
loyal et de prendre contact avec des aînés qui peu-
vent leur enseigner par l'exemple comment on peut
trouver toute magnificence dans la vie simple.
Ces artistes qui sont déjà entrés dans l'histoire
de l'art de notre temps sont en tout point sembla-
bles aux comédiens qui ne jouent jamais mieux les
rôles de jeunesse et de passion que lorsqu'ils ont
été éprouvés au feu de la vie. Le jeune homme qui
sort d'un Conservatoire où l'on a décerné les pre-
miers prix aux dons que l'on a cru deviner en lui, à
son assurance charmante, à son ardeur juvénile,aux
promesses d'avenir dont il a fait le serment,ne sau-
rait rien créer avant de s'être créé lui-même. C'est
plus tard, quand il aura savouré la douceur et
l'amertume des fruits tentateurs qu'il faut dérober
au jardin de la vie, c'est plus tard qu'il prendra
conscience de la richesse et de la profondeur des
sensations qu'il avait la si belle ambition d'exprimer
avant de les connaître. Le jeu de l'acteur qui va
vieillir devient alors merveilleux de tendresse, de
force, de naturel, on s'extasie sur sa jeunesse per-
sistante, on trouve faible et incertain, auprès de sa
tragique assurance, l'aplomb artificiel du timide
débutant.
Il en est ainsi pour tous les servants de l'art.
C'est la vie qui les façonne tous pour leur noble
entreprise, et ils n'arrivent à transcrire superbe-
ment la beauté qu'au jour où le regret vient se
mêler à leur désir, où leur avidiié de voir, de com-
prendre, de posséder, commence à mesurer le
temps et à exalter leurs forces suprêmes.
Ces feuilles de Gzzrzzzz'zzizJ offrent quelques
beaux exemples de la possession de la vie, de la
réflexion ne desséchant pas la passion, l'animant
au contraire, l'amenant à son plus haut degré
d'exaltation et de fièvre II est impossible de voir
sans émotion ces belles pages : Degas confesse,non
pas comme on l'a prétendu, sa seule ironie devant
les apparences, mais son amour, sa vénération
pour les formes de la vie, pour les rythmes des
mouvements, et c'est la raison intime qui fait
s'acharner son observation aux fins chevaux de
courses, aux corps de femmes manifestant libre-
ment la vie instinctive, aux pas assurés et aux
envols aériens des danseuses ; Rodin dresse en
quelques lignes souples, remplies d'un clair lavis,

des figures qui donnent à nos yeux,par le sortilège
d'une science infinie, l'illusion de la chair, delà
forme massive, d'une apparition extraordinaire de
réalité ; Carrière inscrit, par l'enlacement des bras
d'une mère autour dun enfant fragile, le beau
drame éternel de la vie donnée et reçue,l'inquiétude
qui veille, l'inconscience qui repose, la responsa-
bilité qui tressaiille, le sommeil en travail de vie, il
netracepas un trait qui soit inutile, car toute
forme chez lui est inséparable de l'expression ;
Renoir fait chanter tout un poème de jeunesse, de
charme vital, par cette belie fillette empanachée,
aux yeux ingénus, à là bouche sensuelle, au visage
d'enfant, à la gorge de femme,qui transparaît à tra-
vers le dessin le plus souple,leplus léger, leplus
joli, le plus nacré.
Voici des inquiets, des chercheurs. Vincent Van
Gogh fut un des plus douloureux parmi les hommes,
un champ de bataille ravagé par l'art, par la poi-
gnante ambition delà vérité et de la beauté : cette
plaine de blé, d'enclos, de maisons, où s'accomplis-
sent les travaux des champs sous le ciel bleu, dit
son tourment épris de sérénité. Gauguin esquisse
une des petites existences dont il a senti le charme
furtif en Bretagne et à Taïti.Vuillard suggère le char-
me intime des choses prochaines. Bonnard mani-
feste sa grâce agile. Maurice Denis veut, par cette
petite nymphe couronnée de pâquerettes, une déco-
ration de lignes et une harmonie de tons, de même
que Brangwyn, par cette scène tnélancolisêe d'un
air de flûte. Van Rysselberghe trouve, dans l'ani-
mation d'un portées jeux de couleurs, les échanges
de reflets, où se plait son analyse. Subitement,
Valioton nous récrée de précision et de sa malice
par ce raide décor de salon, cette femme au piano,
ces expressions sinistres des écouteurs,et Toulouse-
Lautrec se révèle une fois de plus admirable par son
dessin impeccable, sa finesse aigue, l'assurance
avec laquelle il fait surgir cette promeneuse au
profil chevalin, cette autre macabre, les regards bri-
dés, les nez pointus des chercheurs et des regar-
deurs, les panaches de femmes mêlés aux pompons
des municipaux, toute la mise en scène d'un lieu de
plaisir dont il extrait une savante horreur.
La page tournée, c'est une image paisible de
liseuse, de l'art solide et attentif de Liebermann ;
une réminiscence gothique, de fin style, de Minne ;
une réunion fantomatique de petites filles en blanc
avec une femme en noir, de Muller; les espagnoles
de Zuloaga ; une scène de mœurs, de Stremel ; des
arabesques de Toorop, de Behrens.
Je n'avais qu'à présenter cette manifestation de
talents venus de tous les points de l'Europe, de
Hollande, de Belgique, de Suisse, d'Allemagne,
d'Espagne, de France, sous cette belle enseigne de
Ggz-zzzz'zzzzJ qui dit le renouveau, qui appelle l'avenir,
"les récoltes du siècle futur "annoncées par Zola,
G^z'/zzz'zzn/, le mot si laconiquement, si mystérieuse-
ment jeté à la foule par le condamné à mort Angio-
lillo.
Pour le reste, pour des critiques, je n'ai pas à les
formuler davantage. Que les artistes qui se ren-
contrent ici librement soient seulement incités à
faire eux-mêmes leur examen. Je viens précisément
de relire les belles paroles dites par Chardin à
Diderot et à Grirnrn le jour où il les rencontra au
salon de iy6$ : & Messieurs, messieurs, de la dou-
ceur. Entre tous tes tableaux qui sont ici, cherchez
le plus mauvais ; et sachez que deux mille malheu-
reux ont brisé entre leurs dents le pinceau, de déses-
poir de faire jamais aussi mal. Parrocel, que vous
appelez un barbouilleur, et qui l'est en effet, si

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