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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 2,2.1900

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No. 21 (Juin 1900)
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Thomas, Albert: La peinture à l'exposition centennale
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https://doi.org/10.11588/diglit.34204#0141

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JUIN igoo

LA PEiNTURE
A L'EXPOSITION
CENTENNALE
A ssiSTER en toute sérénité au développement
esthétique du plus grand, du plus riche, du
^ plus curieux et du plus inquiet des siècles,
contempler les principales phases de cette
évolution, démêler les tendances qui divisent les
écoles et dont la conciliation s'opère un instant
par l'effet merveilleux de quelques génies, suivre
ainsi, le long de cent années, le rythme vivant de
notre art national et l'accompagner jusqu'au bord
du brumeux avenir avec un sentiment de con-
fiance pris dans l'admiration réfléchie du passé,
voilà certes une joie rare et profonde et nous remer-
cierons les organisateurs de la Centennale de nous
l'avoir donnée. Mais la science, l'impartialité, le
discernement de M. Roger-Marx et de ses collabo-
rateurs nous ont réservé un plaisir plus délicat
encore et d'essence plus précieuse : celui de rendre
hommage à des talents presque inconnus, d'appor-
ter à des artistes seulement estimés la part d'admi-
ration due à leur labeur sincère, à leur passion de
beauté, à leur œuvre où brille un immortel rayon.
Sans doute, il est intéressant d'apercevoir, une fois
de plus, chez Ingres, sous la convention des pro-
cédés académiques, une pénétration psycholo-
gique incomparable et le goût quasi sensuel de la
grâce féminine ; sans doute, on aime à se répéter,
devant quelque toile de Corot, que le paysage
français doit tout à ce maître exquis, l'interpréta-
tion des formes dans l'atmosphère, la fluidité des
ciels, le sens subtil des valeurs. Tout de même il
est plus doux encore de découvrir chez Chasseriau
ou Dehodencq des mérites supérieurs à la réputa-
tion dont jouit la mémoire de ces artistes et de
rencontrer chez un oublié comme Trutat la sève et
le savoir des meilleurs maîtres. Laissant les noms
justement glorieux, je me bornerai donc à signaler
aujourd'hui quelques-uns de ceux qui mériteraient
la gloire ou du moins le souvenir.
Ingres et Delacroix ont fait tort à Chasseriau.
Leurs personnalités obsédantes et tyranniques ont
accaparé toute notre attention, nous ont dérobé
cette personnalité moins impérieuse, mais, forte et
riche pourtant, active et tourmentée, pleine d'éclat,
de chaleur et de grâce. et le
îepzWao'/MZz; sont dignes d'être regardés au Louvre,
après les œuvres du grand classique et du grand
romantique. Le lyrisme, la fougue, la vision pitto-
resque et splendide de l'un se retrouvent ici, dans
la dans ALïc&efA et i'/zzfè-
7';i??^7-<f<?/;<27*;?7M;le style et l'art physionomique
del'autre, sa pureté de dessin, sa netteté de cou-
leur, son adresse à modeler le galbe des visages et
des mains, apparaissent dans M portrait des
étnws, avec je ne sais quoi de plus étoffé et
de plus vif qui est bien de Chassériau. Un fragment
de. /a Paux, provenant de la Cour des Comptes,
nous révèle de plus un décorateur abondant, noble,
harmonieux,épris de nature et de poésie.L'auteur de
cette fresque rêvait d'unir la forme d'Ingres à la
couleur de Delacroix, il promettait de le faire un
jour dans la splendeur d'un troisième génie. Mais il
mourut à trente-sept ans, avant d'avoir achevé son
destin.
C'est la mort aussi qui priva Trutat de sa gloire.
Trutat? On s'effare de ne pas connaître ce nom.

Le livret donne cette indication brève : Trutat
(Félix), né à Dijon, le 27 janvier 1824, mort dans
la même ville, le 8 novembre 1848. Sa fe77777?3 7222e,
couchée sur une peau de tigre, avec auprès d'elle,
unthyrse de bacchante, est la grande révélation
de la Centennale. Par la fermeté et l'aisance de la
facture, la souplesse de sa ligne, sa couleur, pleine
et chaude, la délicatesse de ses ombres sur la
chair, par un goût stngulier d'anachronisme qui
lui fait donner à cette Ménade l'allure d'une jeune
dame de l'ancienne Venise, Félix Trutat semble un
élève immédiat du Titien. Les deux portraits où
l'artiste nous montre le profil de son père en uni-
forme de soldat, où lui-même esquisse sa tête
hardie et blonde près du visage de sa mère pen-
sive, témoignent d'un sens profond du caractère et
de l'intimité psychique. On contemple avec émo-
tion l'œuvre de ce maître de vingt-quatre ans, on
songe à tout ce qu'eussent donné cette science, cet
amour de la tradition joints à cette puissance
d'expression et de vie.
Des artistes sont complètement inconnus qui
comme Trutat, méritaient d'être célèbres, d'autres
sont célèbres pour un seul aspect d'un talent riche
et divers. Tel est ie cas de Daumier. Le caricatu-
riste en lui nous a masqué le peintre. Les Æ?7!:-
gTVtzzAs, le PnTzfeztzz, le dfozzt'ezzzezzf ^o/uzArfre, les
affirment cependant, en même
temps qu'une douloureuse pitié pour les misères
sociales, une ampleur, une originalité de vision,
une sûreté dans la notation rapide du geste et de
la tache qui font de leur auteur le premier des im-
pressionnistes.
Un beau peintre, trop peu connu, c'est encore
Monticelli. Monticelli, imagination fantasque et
rayonnante qui se complaît à dès évocations de
féérie, à des chatoiements de satins, à des ruis-
sellements d'eaux vives et de gemmes. Le Rare zfe
Rnùzzf-CJoMz? est la plus brillante conception de cet
esprit chimérique. 11 faut voir cette œuvre presti-
gieuse, la fête galante menée sous les feuillages
obscurs, les formes amoureuses au fond de l'ombre,
la brusque coulée du soleil sur les dentelles et les
soies, les boucles et les bagues, la nacre des
épaules, l'or moite et souple des nuques penchées.
Diaz est sans doute, de même qu'un scintillant
paysagiste, un peintre de genre plein d'éclat et de
verve, mais son Dérnozzèz'o/:, ses V/e7'gex /cVes pa-
raissent bien ternes, bien raisonnables auprès des
C/zz:7'77:e7zxex J'o/senœx et de ['étourdissant Pz;7*e zfé
NalzR-CfoMz?. Il y a chez Monticelli l'ivresse des
Mille et une Nuits et de l'Embarquement pour
Cythère ; l'Orient de Gustave Moreau ne jettera
pas plus de flammes colorées, les scènes Louis XV
de Gaston Latouche, dans une clarté moins ra-
dieuse, exhaleront moins de rêve et d'ardente
poésie.
Mais la liste serait longue des artistes dont le
grand public devrait connaître l'œuvre et le nom.
Je cite au hasard Court, Bouchot, Granger, por-
traitiste si vivant, Heim, Granet, Boilly, ce dernier,
par l'observation cordiale et la minutie de faire,
tout proche des petits maîtres hollandais, Legros
qui porta en Angleterre un talent de premier ordre
et dont l'Fx-Vofo s'égale aux toiles les plus ro-
bustes de Courbet, Dehodencq, orientaliste puis-
sant à la façon d'Eugène Delacroix, auteur de cette
&!72.se AUg'7'e.s, si prodigieusement grouillante,
hurlante et bigarrée, Guillaume Régamey, peintre
militaire, touché d'un souffle héroïque, Ricard enfin,
héritier de Viney, de Corrège, de Murillo. Ricard !
ce nom devrait évoquer pour tous une galerie de
portraits admirables , d'un modèle simple et

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