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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 3,1.1900/​1901

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No. 27 (Décembre 1900)
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Jacques, G. M.: Épilogue
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https://doi.org/10.11588/diglit.34205#0158

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L'ART DÉCORATIF

EPILOGUE
ï'ExposiTiox universelle est fermée. L'heure des
1—, aperçus de détail est passée, et Ton peut
essayer d'embrasser d'un regard les grands faits
qu'elle a résumés.
Dans le domaine de cette revue, on en voit deux.
L'un est l'effort de tous les pays avancés pour
secouer le joug des vieilles habitudes dans les
métiers artistiques. Toutes les réserves, les cri-
tiques, les charges à fond, les lazzi ne peuvent
empêcher qu'une volonté générale d'entrer dans
une voie nouvelle se soit nettement accusée. Ses
manifestations ont pris toutes les formes, depuis
les ânonnements craintifs de ceux qui voudraient
bien s'aventurer, mais n'osent pas lâcher la rampe
du passé jusqu'aux audaces les plus hasardeuses,
les plus folles; mais le désir, pins que le désir, la
décision arrêtée est évidente chez tous. Il y a
quelque chose en marche qu'on n'arrêtera pas.
C'est désormais un fait acquis que personne ne
peut plus se contenter de ressasser les copies de
vieux modèles sans se voir délaisser pour des
concurrents plus hardis; que ce n'est plus dans
les vieux musées et les recueils de reproductions
d'objets historiques que les industriels doivent
chercher leurs inspirations, mais dans les publica-
tions au sang jeune, à l'affût de tout ce qui se fait
de neufj de toutes les trouvailles, bonnes quand il
s'en trouve, mauvaises au besoin, car ces der-
nières aussi fouettent la pensée par la discussion.
Le temps est Uni où il y avait pour chaque objet
ur.e recette invariable, où les modèles étaient tout
faits d'avance. Aujourd'hui, il faut en faire soi-
même; et pour en faire, il faut savoir ce qu'ac-
complissent les autres, non pour le calquer, mais
pour se rendre compte des directions, de l'en-
semble des efforts, des tendances et de la marche
de la pensée de son temps, et par là, déterminer
le sens à donner à son propre effort.
L'autre grand fait que l'Exposition nous a mon-
tré, c'est l'effort immense, unanime, sans précé-
dent, d'un pays pour prendre le premier rang
dans l'industrie et l'art industriel. Les choses
qu'ont montrées le gouvernement et les exposants
allemands ont été jugées différemment par les
uns et les autres, mais il n'y a eu qu'une voix
pour reconnaître le caractère grandiose du spec-
tacle de cet État et de cette nation unis dans le
même effort pour prendre la tête du monde. Si le
don de charmer égalait chez l'Allemand la ré-
flexion, la raison, l'application à pénétrer les
principes et à savoir, la volonté persévérante,
toutes les facultés en un mot qui viennent de se
déployer avec tant de grandeur, les autres
peuples n'auraient plus qu'à s'avouer vaincus et
à céder à l'Allemagne la suprématie de l'art dans
le métier.
Heureusement pour nous, il n'en est pas ainsi.
Même dans ses pires faiblesses, la France garde

cette indéfinissable qualité qui fait que ce qui sort
d elle fascine, séduit, grise les autres peuples.
Son pouvoir de rayonnement subsiste.
Tandis qu'en admirant le labeur de l'Allemagne
les écrivains de tous pays jugeaient qu'il y a'
dans le résultat « quelque chose de morne et de
funèbre D — je me sers des mots que j'ai trouvés
dans vingt écrits — ils -< s'emballaient .) pour nos
productions, qui leur semblent pourtant sujettes à
maints reproches, non sans raison.
Cette faculté de rayonnement, de séduction
que la France seule possède, c'est notre force.
Mais nous nous trompons quand nous la croyons
invincible, et serions imprudents de nous confier
en elle sans penser plus loin.
Il s'est passé dans les trente dernières années
un fait extraordinaire : un peuple universellement
réputé comme réfractaire aux arts, considéré
partout comme type du manque de goûq s'est
un beau jour aperçu que ce qu'on pensait de lui
sous ce rapport était vrai, s'est mis à l'œuvre et
s'est créé en peu d'années, par la plus énergique
volonté, un art exquis dont les autres nations
se sont emparées pour s'en faire à leur tour un
nouveau point de départ. J'ai nommé l'Angleterre.
Cet exemple doit nous donner à penser. l'Angle-
terre est peu redoutable pour les autres pays au
point de vue de la valeur artistique de ses pro-
duits ouvrés, parce que le grand mouvement d'art
né chez elle ne s'est pas propagé dans la nation :
il reste concentré dans une élite intellectuelle qui
l'accapare, pour ainsi dire, pour sa propre jouis-
sance et ne paraît pas chercher à faire de lui
l'une des forces vives de la nation. Il y a à
Londres et dans deux ou trois grandes villes une
poignée d'artisans d'art et quelques industriels
artistes qui font des meubles, des bronzes, des
tissus de haut goût; mais la grande industrie les
ignore ou n'en a cure.
Autrement en Allemagne. Ici la nation tout
entière s'est mise en branle, depuis l'empereur
jusqu'au plus mince artisan de village. M. Marius
Vachon — un écrivain qui a vu de près le mouve-
ment des industries artistiques en Allemagne — a
montré dans son livre : PoM?* 7?cn
— qui devrait être dans toutes
les mains — le spectacle de cette nation unie
dans l'œuvre à la fois de prospérité matérielle
et de patriotisme sous la conduite d'un gouverne-
ment qui donne tout, l'argent, les hommes,
l'intelligence, pour la mener à bonne fin.
Or, le prodige accompli par l'Angleterre, l'Alle-
magne peut l'accomplir aussi. Les dons que la
nature a refusés à la race, le travail, la raison, la
persévérance peuvent les infuser en elle. Les
espèces se transforment par les besoins du milieu,
les races aussi.
Voilà le danger pour nous.
Notre don de charmer, c'est une arme puis-
sante. Mais ne nous y fions pas trop. Nous nous

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