JANVIER 1901
dans un illogisme équivalent à celui de ces an-
ciens errements, et, d'autre part, ne soit point par
trop sèche. Dans le meuble dont nous parlons,
M. Colonna montre une agréable solution de
cette difficulté. La silhouette du meuble est tout
à fait plaisante; la distribution de la devanture
heureusement entendue et proportionnée. L'em-
plombement des vitres, régulier dans leur partie
inférieure, capricieux dans le haut, est aussi
d'un fort agréable effet.
L'autre, dont hauteur est M. de Feure, est
une table à thé en bois d'acajou bruni et ciré.
C'est une petite pièce exquise. La sculpture de
la ceinture et surtout la marqueterie des pan-
neaux sont empreintes de la marque si person-
nelle de M. de Feure. Combien de tels dessins,
sont, pour la décoration des objets, supérieurs à
ces représentations niaisementsentimentales,par
lesquelles on prétend nous parler de la nature,
nous toucher à la façon de la nature sur chaque
pouce carré de tout ce qui nous entoure! Cher-
cher l'inspiration dans la fleur, oui, car les
combinaisons que nous pourrions tirer de notre
propre fonds ne peuvent égaler la variété, l'im-
prévu, la gaîté de celles qu'on peut faire naître
des transformations de fleurs. Mais prétendre
charger chacun des objets que nous voyons ou
touchons, comme le voudraient certains, de nous
G. DE FEURE (L'ART NOUVEAU BtNG)
TABLE A THÉ
rappeler l'émotion de la fleur, c'est nous en
donner la nausée!
M. de Feure s'est révélé à l'Exposition
comme un ouvrier d'art de premier ordre, et les
meilleurs juges voient en lui l'un des maîtres de
demain. Espérons que l'influence de ses œuvres
contribuera à nous débarrasser d'un préjugé
qui constitue l'un des plus grands obstacles qui
subsistent à l'acheminement vers le sain.
Dans la section allemande d'électricité à
l'Exposition, on remarquait un dessiné,
ainsi que ses meubles, par M. Bruno Môhring,
l'architecte du restaurant allemand qui ht courir
tout Paris d'abord, puis tous les visiteurs de
l'Exposition, et dont les salons furent reproduits
dans le n° 24. de l'Ar/ grâce à un tour
de force de photographie devant lequel toutes
les autres publications avaient reculé. Bien que
cette installation ne rappelle en rien le restau-
rant allemand, on y retrouve la même puissance
dédaigneuse de la multiplicité des détails et
frappant par le caractère de robuste énergie
qu'elle imprime aux ensembles. La sculpture de
la balustrade, des quatre coins de la table et du
dossier des chaises, dont le motif est d'une
grande simplicité, est une décoration comprise
dans le sens le plus large. La vision immédiate
de tous ses traits est d'un effet certain.
O. GERDEIL.
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dans un illogisme équivalent à celui de ces an-
ciens errements, et, d'autre part, ne soit point par
trop sèche. Dans le meuble dont nous parlons,
M. Colonna montre une agréable solution de
cette difficulté. La silhouette du meuble est tout
à fait plaisante; la distribution de la devanture
heureusement entendue et proportionnée. L'em-
plombement des vitres, régulier dans leur partie
inférieure, capricieux dans le haut, est aussi
d'un fort agréable effet.
L'autre, dont hauteur est M. de Feure, est
une table à thé en bois d'acajou bruni et ciré.
C'est une petite pièce exquise. La sculpture de
la ceinture et surtout la marqueterie des pan-
neaux sont empreintes de la marque si person-
nelle de M. de Feure. Combien de tels dessins,
sont, pour la décoration des objets, supérieurs à
ces représentations niaisementsentimentales,par
lesquelles on prétend nous parler de la nature,
nous toucher à la façon de la nature sur chaque
pouce carré de tout ce qui nous entoure! Cher-
cher l'inspiration dans la fleur, oui, car les
combinaisons que nous pourrions tirer de notre
propre fonds ne peuvent égaler la variété, l'im-
prévu, la gaîté de celles qu'on peut faire naître
des transformations de fleurs. Mais prétendre
charger chacun des objets que nous voyons ou
touchons, comme le voudraient certains, de nous
G. DE FEURE (L'ART NOUVEAU BtNG)
TABLE A THÉ
rappeler l'émotion de la fleur, c'est nous en
donner la nausée!
M. de Feure s'est révélé à l'Exposition
comme un ouvrier d'art de premier ordre, et les
meilleurs juges voient en lui l'un des maîtres de
demain. Espérons que l'influence de ses œuvres
contribuera à nous débarrasser d'un préjugé
qui constitue l'un des plus grands obstacles qui
subsistent à l'acheminement vers le sain.
Dans la section allemande d'électricité à
l'Exposition, on remarquait un dessiné,
ainsi que ses meubles, par M. Bruno Môhring,
l'architecte du restaurant allemand qui ht courir
tout Paris d'abord, puis tous les visiteurs de
l'Exposition, et dont les salons furent reproduits
dans le n° 24. de l'Ar/ grâce à un tour
de force de photographie devant lequel toutes
les autres publications avaient reculé. Bien que
cette installation ne rappelle en rien le restau-
rant allemand, on y retrouve la même puissance
dédaigneuse de la multiplicité des détails et
frappant par le caractère de robuste énergie
qu'elle imprime aux ensembles. La sculpture de
la balustrade, des quatre coins de la table et du
dossier des chaises, dont le motif est d'une
grande simplicité, est une décoration comprise
dans le sens le plus large. La vision immédiate
de tous ses traits est d'un effet certain.
O. GERDEIL.
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