L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,2.1901)

L'ART DECORATIF

ment injustiHé. Car nul peintre-verrier ne
connaît mieux les secrets de son métier. Ii a
étudié, restauré, reproduit les verrières de
toutes ies époques Ajoutez à ce!a que ses fré-
quentations sont franchement modernistes et
que peu sont aussi quaühés pour interpréter
!'art contemporain. Pour s'en convaincre, i!
suffit d'étudier l'ordonnance du vitrai! reproduit
ci-contre : /^ A/A Le faire est !arge et d'une
beüe santé. Plaquez en esprit, sur ce paysage et
ces figuressoüdes, d'éc!atants verres américains,
certains verres marte!ës angiais; souügnez !'ex-
pression desvisages mode!ésen c!air à!'aide du
verre antique et réfléchissez un instant à !'impres-
sion de joie etde lumièrequedonnera ce vitrai!.
C'est exc!usivement au verre anglais que
M. Carot a recouru dans !e p!afond !umineux :
/'Or/D//, qui décora !'une des quatre coupoles de
!a Saüe des Fêtes. Suivant !e programme imposé,
!es quatre points cardinaux devaient être sym-
boüsés exctusivement par des échantiüons de
!a flore et !a faune des régions qu'its indiquent
D'où ici, !e faisan et les chrysanthèmes. La
raison du choix des verres : !e jour n'étant pas
franc interdisait !e verre américain trop opaque
et !e verre antique eût laissé voir !es armatures
de !a Gaierie des Machines.
Les peintres-verriers contemporains sont
unanimes à repousser !'emp!oi du verre peint
qui a jadis va!u à Marécha! de Metz une renom-
méeinjustifiée.
I!s reprochent à ce procëdé des tons faux,
opaques, sans chaleur ni richesse. Mais les pro-
grès de !a chimie permettent aujourd'hui de
hxer sur !e verre des matières qui, soumises à
une cuisson intense, forment des émaux résis-
tants suffisamment translucides et d'une ri-
chesse extrême.
Ce sont ces émaux que M. Tréze! a em-
p!oyés, soit seu!s, soit concurremment avec !e
verre américain et le verre couié dans les
panneaux de porte que nous reproduisons. L'un
est exclusivement en ëmaux sertis appüqués
sur verre d'un seu! morceau, le second mélange
1e verre américain et les émaux qui composent
!apartie!aplusdécorëeduvitrai!.
Ahn de paüier l'opacité relative du verre
américain, un jeune peintre-verrier, M. Socard,
qui ne pouvait cependant se résoudre à priver
!a décoration du logis moderne du secours
d'une si riche matière, a eu l'heureuse idée de
!'emp!oyer en fines arabesques souügnées par
des armatures de plomb, sur !e champ d'un
verre martelé. L'ornementation toute ftorale où

!es tons !es p!us riches se rencontrent est a!ors
d'une distinction extrême.
Mais partout où !a lumière abondante n'est


H. MARCEL MAGNE (EXÉCUTION DE CH. LEPRÉVOST)

pas nécessaire, M. Socard ne craint pas de faire
exclusivement usage de verres amëricains et
souügne à la façon aüemande, avec des füets de

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AVRIL 1901

p!omb, 1e galbe d'un visage, l'accentuation
d'une articulation, comme on peut 1e voir dans
!e vitrail de saüe de bain que nous reprodui-



NOTRE-DAME DE SAlNTE-CROtX Vl'l'RAUX DE L'ÉGLtSE NOTRE DAME DE S^-CROIX A BORDEAUX
PATRONNE DES MARINIERS

sons. Mais !a lumière et !a cou!eur sont ici
absentes et seu! !e procédé, ingrat d'apparence,
demeure. Aussi récommanderons-nous à nos

lecteurs, du même artiste, une certaine Pari-
sienne en fa!ba!as qui doit hgurer au prochain
Sa!on. Its verront ce que !'on peut obtenir avec
!a matière somptueuse et changeante mise à !a
mode par Louis C. Tiffany.
S'i! nous a paru intéressant d'insister sur
une matière encore neuve et sur ses appüca-
tions, ce n'est pas fanatisme denotre part. Nous
restons fervent des anciennes verrières, et tout
ce qui se rapproche d'eües et tend à les ëga!er
nous est particuüèrement sympathique. C'est
au verre cathédrale, à lui seu! qu'a eu recours
M. Fé!ix Gaudin pour traduire !e beau carton
de Luc Oüvier Merson, représentant
/xyrw/ /^ Sa luminosité, son doux
éc!at vont bien au dessin harmonieux et é!égant
du grand artiste.
C'est encore !ui qui sera mis à contribution
pour traduire les cartons que M. Marce! Magne
a composés pour garnir !e fenétrage de !'ég!ise
Sainte-Croix de Bordeaux. Le dessinateur qui
styüse heureusement !e costume moderne et
sait !'a!!ier, au besoin, à des types et à des
ornements archaïques fut particuüèrement bien
inspiré dans l'interprétation de !a touchante
!égende de Notre-Dame de Sainte Croix, pa-
tronne des mariniers.
A ce dessin correct, à cette conception c!aire
des choses, des colorations violentes eussent
été dangereuses. Aussi l'empioi de !'humb!e
verre qui a permis !es merveiües de Gisors, de
Reims, de Troyes est-i! tout indiqué ici.
...Mais revenons à notre ëpoque et recon-
naissons qu'eüe estfavorisée, puisqu'eüe joint à
l'acquit des sièc!es la jouissance des mu!tiples
découvertes dont s'enrichissent à chaque heure
l'art et !a science.
La maison de verre, cette chose fabu!euse
qui joue un si grand rôle dans !es contes de
fées, est aujourd'hui possible. Et merveiüe! eüe
recevra toute !a lumière du dehors sans déce!er
les intimités qu'eüe ahritera, cesera !aréa!isation
de l'impossible, de cette chose que !e comp!exe
des Esseintes n'avait méme pas osé désirer.
Mais, àcôtëdecerêvepossible, p!usar-
tiste, certes, et moins dispendieux, peut-être,
qu'une laiderestitution de Trianon, que d'appü-
cations intéressantes on pourrait faire du vitrai! !
La mode est venue de Londres des inscrip-
tions lumineuses, en lettres gëantes, qui sur-
gissent dans !a nuit, à !'heure où i! y a fou!e sur
!es boulevards. Pourquoi ne remp!acerait-on
pas cette innovation d'un goùt douteux par une
pubücitë p!us esthétique? Nous abusons des

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