L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,2.1901)

L'ART DECORATIF

gante? Une femme de goût hésitera-t-eHe entre
iesdeux?
Donc, ici, i'industriea eu le dessussurl'art.
C'est ehe qui a fait naître ia beauté. L'artiste a
dépensé son talent et sa peine pour un but inu-
tiie. Si l'œii de M. Lavedan suit, ironique, ia
snobinette qu'ii aura vu tirer le porte-monnaie
artistique, ii n'y aura pas à redire.
Les idées de Ruskin et de Morris sur le
machinisme dominent encore aujourd'hui toute
la iittérature de l'art en Angieterre. La thëorie
(( pas de beauté hors de ce qui vient de la main

del'artistemême)) y faittoujours laloi. Lais-
sons cette théorie à nos voisins. EHe est ia né-
gation du génie de notre siècie et tourne ie dos
à l'avenir.
Le temps est venu pour l'art de cesser de
s'isoler des autres formes de l'activité de
l'homme, d'être ia tour d'ivoire qu'on ne con-
tempie que de ioin. Dans le mécanisme qui règie
ies mouvements de i'humanité, l'art doit être un
rouage fonctionnant avec ies autres et par
ies autres, de même que les autres fonctionnent
avec lui et par iui. La vieiiie dëhnition qui ne


HHNRt SAUVAGE

voit dans l'art que ia voionté de faire quelque
chose d'extraordinaire, quelque chose d'autre
que ce qui se fait ou peutsefairecommunément
ne vaut plus rien.
L'art n'est pas au-dessus des iois écono-
rniques. Siqueiqu'un dit: «L'artiste n'est pas un
marchand de denrées, ii n'a pas à caicuier ce qu'ii
en coûtera pour accomplir son œuvre )), on ré-
pondra: «Vrai s'ii s'agit d'un tabieau, d'une
statue, d'une œuvre qui ne s'adresse qu'aux
besoins moraux des peupies pris en masse.
Mais dès qu'il est entendu que i'art doit inter-
venir dans tout ce qui touche i'individu, sa
fonction entre en iaison étroite avec ceiies de
tous ies autres facteürs de notre civiiisation. ))

TAbLE ET CHA!SE 1)E SALÛN (CITRONNtER)
Eh bien, la ioi ëconomique — ou 1a loi so-
ciaie, c'est ia mème chose — dit que l'utopie
n'est pius de vouioir faire du beau à bon
marché : c'est de ne vouioir faire que du beau
cher.
11 n'y a qu'un dans ie sens étroit du
mot, c'est-à-dire art personnei, création. Prë-
tendre mettre ceiui là dans tout, c'est se hgurer
que ie génie peut sortir des pavés. Les objets
faits par l'industrie avecl'intention d'y enfermer
cet art sont et resteront iaids, parce que ceux
qui ies font n'y peuvent mettre 1e rayon divin
dont l'œuvre de l'artiste créateur s'iitumine.
Seul celui-ci peut faire entrer l'art personnei
dans ia chose Et puisque ia chose touchée par

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