L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (3,2.1901)

L'ART DECORATIF

qui se trouve à mi-chemin des deux tendances
opposées et outrancières des fondateurs de i'art
nouveau.
11 ne veut pas se conhner dans l'emploi de
la fameuse ligne esthétique, des arabesques en-
tièrement et exclusivement sorties de la fantaisie
de hartiste; sachant bien que tout art qui aban-
donne la nature est mort-né. L'école du coup
de fouet, du ver solitaire et de l'os de gigoq ce

tornado de courbes extravagantes qui vous
affolent et vous ëcœurent lui est aussi antipa-
tique que celle qui s'obstine dans l'imitation
générale de la nature, qui la suit, pas à pas, le
nez dessus, comme on dit, en copiant les détails
avec une exactitude photographique. Esclave
du modèle choisi, liane ou fleur, elle en
adopte tous les caprices pour arriver, en hn
de compte, à un meuble parfois joli, mais


E. GAILLARD TABLE ET ÉTAGÈRE DE SALON (POIRIER)

contourné, biscornu, impratique où vous ne
sauriez loger convenablement quelques cuillers
ou une douzaine de mouchoirs.
Chez de Feure, les lignes qui déterminent
la forme générale de l'œuvre, toujours et de
parti-pris elles sont aussi simples que possible.
On peut s'en assurer en examinant la vitrine
du Salon que nous reproduisons ici. Sans dé-
daigner les courbes molles et gracieuses dont il
fait un emploi judicieux, i! aime surtout les
lignes droites ou adoucies, incurvées de manière

presque imperceptible, coupées par de légers
retours, se contentant le plus souvent d'émous-
ser les angles d'intersection. Le point de départ
de ses décors est toujours dans la nature, mais,
au lieu de copier, il stylise, avec quel goût, avec
quel tact! Cette fleur, par exemple, il la réduit à
ses lignes essentielles, à celles qui lui donnent
son mouvement, sa beauté, son style. Et c'est
ainsi qu'il ia lait décorative là oü le modèle,
rendu tel que et dans ses détails, eut donné une
impression de lourdeur, de surcharge et de