DOI issue:
No.35 (Août 1901)
DOI article:Thomas, Albert: Les objets d'art
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.34206#0211
L'ART DECORATÏF
dans son utilité, structure et galbe sont immé-
diatement imposés par ia géomëtrie. Des lignes
et des plans se combinent seion une force impé-
rieuse qui est la ioi propre de Tobjet et son
rythme intérieur. Si nous étions des êtres doués
uniquement de raison, ce schéma devrait nous
sufhre ; mais nous sommes en outre, et surtout,
des créatures sensibles ; nous souhaitons que
ia géomëtrie abandonnesa rigueur, s'attendrisse
un peu et se pare; nous songeons de nouveau
au décor. Seuiement nous concevons main-
tenant la nécessité de subordonner l'ornement
à !a chose, nous soupçonnons ies exigences de
i'adaptation. Pour un objet d'usage, 1a seule
forme possible nous paraît être ia forme nor-
male, ia forme adéquate à la fonction, le seui
décor acceptabie, le décor qui respectera cette
forme, qui aidera même à cette fonction, qui se
tiendra vis-à-vis de l'une et de i'autre dans une
subordination constante. Une teiie conception
écarte 1e procédé du décor plaqué sur l'objet,
ne s'y rattachant par aucun lien logique, appelle
la fusion intime de l'ornement et de 1a chose à
embellir. Cette fusion a été accompliecheznous
par deux maîtres admirables : Jean Dampt et
Jean Bafher, et —je suis l'heureux de l'écrire
1e premier dans — par un dé-
butant qui est presque un maître, M. Louis
Boucher.
On n'a pu oublier les deux lustres élec-
EDMOND BECKER
PIÈCKS D'UNE GARNITURE DE BUREAU EN CHÈNE SCULPTÉ
triques et l'applique de M. Dampt qui hguraient
à l'Exposition universelle de 1900 et qui ont
reparu, d'ailleurs, cette année à l'exposition de
l' « Art dans Tout )). Les agencements de pièces
métalliques et de lampes de verre strictement
requis pour distribuer dans une demeure 1a
clarté nouvelle nous ohraient par miracle des
ensembles de tiges ployantes et de délicieuses
corolles. Aucun détail postiche pourtant, aucun
découpage de rameaux ou de feuilles. Une
flexion délicate, un modelé discret de place en
place, l'efheurement d'une main sensible — et
1a sèche armature était devenue vivante et le
sculpteur avait répandu sur elle ce
« Quelque chosedebeau comme un sourire humain i)
versé par l'artiste grec sur le prohl des Pro-
pylées. Merveihes de raison, de mesure, de
grâce noble, harmonieuse et lègère, les œuvres
de M. Dampt rèalisaient 1e type de l'appareil
électrique EHes allaient inspirer, semblait-il,
tous les esprits tournés vers cette partie de
l'art appliqué. Aux Salons de 1901 leurinhuence
ne se rencontre guère cependant que dans une
lampe à incandescence de M. Maurice Dufrêne;
aussi, au milieu de tant d'enfantihages, de bizar-
reries, de sottises, l'œuvre du jeune dècorateur
prend une allure de stricte élégance et de
logique rafhnèe.
Ce rôle joué par M. Dampt vis-à-vis du lu-
minaire moderne, M. Bafherlejoue depuis long-
temps déjà vis-à-vis des objets de 1a table. II
dans son utilité, structure et galbe sont immé-
diatement imposés par ia géomëtrie. Des lignes
et des plans se combinent seion une force impé-
rieuse qui est la ioi propre de Tobjet et son
rythme intérieur. Si nous étions des êtres doués
uniquement de raison, ce schéma devrait nous
sufhre ; mais nous sommes en outre, et surtout,
des créatures sensibles ; nous souhaitons que
ia géomëtrie abandonnesa rigueur, s'attendrisse
un peu et se pare; nous songeons de nouveau
au décor. Seuiement nous concevons main-
tenant la nécessité de subordonner l'ornement
à !a chose, nous soupçonnons ies exigences de
i'adaptation. Pour un objet d'usage, 1a seule
forme possible nous paraît être ia forme nor-
male, ia forme adéquate à la fonction, le seui
décor acceptabie, le décor qui respectera cette
forme, qui aidera même à cette fonction, qui se
tiendra vis-à-vis de l'une et de i'autre dans une
subordination constante. Une teiie conception
écarte 1e procédé du décor plaqué sur l'objet,
ne s'y rattachant par aucun lien logique, appelle
la fusion intime de l'ornement et de 1a chose à
embellir. Cette fusion a été accompliecheznous
par deux maîtres admirables : Jean Dampt et
Jean Bafher, et —je suis l'heureux de l'écrire
1e premier dans — par un dé-
butant qui est presque un maître, M. Louis
Boucher.
On n'a pu oublier les deux lustres élec-
EDMOND BECKER
PIÈCKS D'UNE GARNITURE DE BUREAU EN CHÈNE SCULPTÉ
triques et l'applique de M. Dampt qui hguraient
à l'Exposition universelle de 1900 et qui ont
reparu, d'ailleurs, cette année à l'exposition de
l' « Art dans Tout )). Les agencements de pièces
métalliques et de lampes de verre strictement
requis pour distribuer dans une demeure 1a
clarté nouvelle nous ohraient par miracle des
ensembles de tiges ployantes et de délicieuses
corolles. Aucun détail postiche pourtant, aucun
découpage de rameaux ou de feuilles. Une
flexion délicate, un modelé discret de place en
place, l'efheurement d'une main sensible — et
1a sèche armature était devenue vivante et le
sculpteur avait répandu sur elle ce
« Quelque chosedebeau comme un sourire humain i)
versé par l'artiste grec sur le prohl des Pro-
pylées. Merveihes de raison, de mesure, de
grâce noble, harmonieuse et lègère, les œuvres
de M. Dampt rèalisaient 1e type de l'appareil
électrique EHes allaient inspirer, semblait-il,
tous les esprits tournés vers cette partie de
l'art appliqué. Aux Salons de 1901 leurinhuence
ne se rencontre guère cependant que dans une
lampe à incandescence de M. Maurice Dufrêne;
aussi, au milieu de tant d'enfantihages, de bizar-
reries, de sottises, l'œuvre du jeune dècorateur
prend une allure de stricte élégance et de
logique rafhnèe.
Ce rôle joué par M. Dampt vis-à-vis du lu-
minaire moderne, M. Bafherlejoue depuis long-
temps déjà vis-à-vis des objets de 1a table. II