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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,1.1901/​1902

DOI issue:
No. 42 (Mars 1902)
DOI article:
Mauclair, Camille: L' œuvre d'Auguste Renoir, 2
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34268#0261

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MARS 1902


une véritable gageure du capricieux coloriste,
rien de tout cela n'est fade. Ces tons, dont
chacun isolément est écœurant, s'associent
autour des fillettes avec une mièvrerie appro-
priée à leur babil, à leurs moues, à leurs
rubans, à leur àme. L'aspect laineux de ces
couleurs de tapisserie achève de faire de ce
tableau une oeuvre singulière qui ne peut
que ravir ou exaspérer selon l'optique des
spectateurs. Je sais des amateurs d'art à qui
cette harmonie de châle versicolore, verte,
jaune et lie-de-vin, donne une sensation
insupportable, et à d'autres elle plaît. M. Re-
noir y est fréquemment revenu dans ses ré-
centes études de fillettes, peut-être parce
qu'elle est terriblement difficile à combiner,
et peut-être surtout parce qu'il l'aime.
Lu Logt? est d'un charme et d'un style
moins français, et d'une exécution très supé-
rieure. On songe, di-
sions-nous, au faire
de Reynolds. La figure
somptueuse, pâle et at-
tentive de la femme
fait penser au grand
maître anglais : celle-
là, exceptionnellement
chez M. Renoir, est
mystérieuse. Le collier
sur la chair, la guimpe
de dentelles, la main,
sont des miracles de
science et de goût qu'on
ne dépassera pas. M.
Sargent, M. Besnaid,
n'ont rien fait depuis
qui soitplus fort. Quant
à l'homme en habit
assis au fond, son gilet
blanc, le noir de son
frac, sa main gantée
de blanc suffiraient à la
gloire d'un peintre. Et
nous trouvons naturel
qu'il élève à scs yeux
sa lorgnette: on n'ima-
gine pas le scandalcqu'a
causé ce geste entre
tous normal d'un mon-
sieur dans une loge.
Cacher un visage der-
rière une lorgnette a
été — l'avenir en
sourira — une audace ^ RENOtR

impardonnable. J'ai entendu dire par un
vieux peintre, chargé de médailles et d'ans,
que si l'artiste avait ainsi dérobé la face de
son personnage, c'était parce qu'il ne savait
pas la peindre. Je crois que ce brave homme
n'avait lui-même pas assez de connaissances
en dessin pour se rendre compte que des-
siner une tête est infiniment plus facile que
de placer une lorgnette devant elle, en don-
nant à l'objet sa valeur exacte, en l'enchâs-
sant juste où il faut, en laissant voir le reste
de la tête, en rendant le geste compréhensible
et en t'harmonisant à l'ensemble de la toile.
Mais on en a dit bien d'autres à Manet. Lu
Log'e, conçue dans une harmonie sourde,
dans une pénombre chaleureuse, est une
œuvre d'élégance quintessenciée et de haut
style, d'une distinction absolument stricte,
significative de toute une classe, évocatrice

FEMME USANT

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