MARS 1902
des vieillards. Les enfants peints par M.
Renoir sont, comme ses baigneuses, des ani-
maux heureux. ((Excepté la candeur de l'an-
tique animal)), comme à Baudelaire, mais
combien plus spontanément! rien ne sourit à
ce grand artiste distrait et affiné. Ses enfants
s'apparentent à ceux dont une adorable série
fut peinte par Berthe Morisot, par cette
femme exceptionnelle, aquarelliste presti-
gieuse, qui comptera dans les plus admirables
survivances de l'art impressionniste. Et ce
n'est pas un des moindres côtés de cet art
si injustement, si incompréhensiblement traité
de barbare et de décadent, que ce retour aux
sujets simples, que ce désaveu bien français
des mythologies, des scènes romaines ou
homériques, des légendes chères à l'acadé-
misme, en faveur des motifs les moins sym-
boliques de la peinture, baigneuses, enfants,
mères, anecdotes de la vie quotidienne. Monti-
A. RENOIR (Co//gc/;oM y. Æ. BAIGNEUSES
celli, bafoué lui aussi, précurseur et contem-
porain de ce beau groupe, n'alla pas plus
loin dans le choix de ses sujets : qu'il peignît
une réunion de femmes parées dans un parc,
ou des marmitons dans une cuisine, avec
une noblesse égale il s'affiliait à Watteau ou
à Chardin, deux noms rarement prononcés
à l'Ecole des Beaux-Arts. Et c'est pour avoir
obéi à cette simplicité instinctive que M. Re-
noir est un grand peintre.
Assurément, il serait inique d'exclure la
peinture idéologique, qui a produit des mer-
veilles, et non moins inique de reprocher à
l'impressionnisme de s'en être désintéressé.
Nous n'avons que trop éprouvé les dangers
de cette critique qui consiste à reprocher à
un mouvement de n'avoir pas eu les qualités
des autres, tout en conservant les siennes;
et nous avons abandonné l'idée d'un Beau
en soi, divisé en un certain nombre de con-
ditions-programmes, vers la totalité desquelles
tendrait la course des candidats éclectiques.
Nous avons essayé d'envisager l'œuvre de
M. Renoir en la rapprochant par moments
de celle de ses amis, et parfois aussi des an-
cêtres français dont il peut à bon droit se
réclamer. Il apparaît, devant son œuvre
considérable, qu'il est probablement la figure
la plus représentative d'un mouvement dont
notre race peut s'enorgueillir. Paysagiste,
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des vieillards. Les enfants peints par M.
Renoir sont, comme ses baigneuses, des ani-
maux heureux. ((Excepté la candeur de l'an-
tique animal)), comme à Baudelaire, mais
combien plus spontanément! rien ne sourit à
ce grand artiste distrait et affiné. Ses enfants
s'apparentent à ceux dont une adorable série
fut peinte par Berthe Morisot, par cette
femme exceptionnelle, aquarelliste presti-
gieuse, qui comptera dans les plus admirables
survivances de l'art impressionniste. Et ce
n'est pas un des moindres côtés de cet art
si injustement, si incompréhensiblement traité
de barbare et de décadent, que ce retour aux
sujets simples, que ce désaveu bien français
des mythologies, des scènes romaines ou
homériques, des légendes chères à l'acadé-
misme, en faveur des motifs les moins sym-
boliques de la peinture, baigneuses, enfants,
mères, anecdotes de la vie quotidienne. Monti-
A. RENOIR (Co//gc/;oM y. Æ. BAIGNEUSES
celli, bafoué lui aussi, précurseur et contem-
porain de ce beau groupe, n'alla pas plus
loin dans le choix de ses sujets : qu'il peignît
une réunion de femmes parées dans un parc,
ou des marmitons dans une cuisine, avec
une noblesse égale il s'affiliait à Watteau ou
à Chardin, deux noms rarement prononcés
à l'Ecole des Beaux-Arts. Et c'est pour avoir
obéi à cette simplicité instinctive que M. Re-
noir est un grand peintre.
Assurément, il serait inique d'exclure la
peinture idéologique, qui a produit des mer-
veilles, et non moins inique de reprocher à
l'impressionnisme de s'en être désintéressé.
Nous n'avons que trop éprouvé les dangers
de cette critique qui consiste à reprocher à
un mouvement de n'avoir pas eu les qualités
des autres, tout en conservant les siennes;
et nous avons abandonné l'idée d'un Beau
en soi, divisé en un certain nombre de con-
ditions-programmes, vers la totalité desquelles
tendrait la course des candidats éclectiques.
Nous avons essayé d'envisager l'œuvre de
M. Renoir en la rapprochant par moments
de celle de ses amis, et parfois aussi des an-
cêtres français dont il peut à bon droit se
réclamer. Il apparaît, devant son œuvre
considérable, qu'il est probablement la figure
la plus représentative d'un mouvement dont
notre race peut s'enorgueillir. Paysagiste,
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