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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,2.1902

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No. 44 (Mai 1902)
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Mauclair, Camille: L' ame d'Eugène Carrière: (à propos d'un livre sur lui)
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Jacques, G. M.: Nouvelles dentelles viennoises
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https://doi.org/10.11588/diglit.34269#0086

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L'ART DÉCORATIF

la pénombre les grands pians de ses hgures
avec une solidité minérale et statuaire que les
fluides imprécisions de la couleur et le sub-
terfuge résultant, sur la toile plane, de la
suppression de la troisième dimension, ne
semblaient pas permettre. Rodin peint en
marbre et Carrière sculpte en ombre, et
leur amitié est un peu celle de Carlyle et
d'Emerson, Rodin plus lyrique, farouche,
atteignant à la synthèse par de furieux sur-
sauts de l'intuition et du génie, Carrière
plus logique, plus condensé encore, plus
grave et plus mystique. Carrière et Rodin
sont le Janus d'un même rêve.
Il y a peu de temps qu'on commence
à comprendre qu'Eugène Carrière est un
homme inclassable. On vovait bien qu'il
n'avait été influencé par aucun mouvement
moderne, et que ce grand peintre ne cher-
chait pas que la peinture, mais on hésitait.
A présent, il faut bien dire qu'Eugène Car-
rière est le plus isolé des artistes : c'est une
force de la pensée, c'est un intellectuel su-
périeur, c'est un homme que la nature a
doté du sens de l'interpénétration psycholo-
gique, un poète et un vovant. Que ce der-
nier mot, souvent prononcé au cours des
réflexions présentes, ne donne pas le change :
on a vite fait, en entendant TO^uzzf, de com-
prendre occtzAA'fe, et cela a été déjà dit de-
vant ces récentes toiles de Carrière où l'inex-
primable apparaît, où la réalité seconde
subsiste seule. Carrière n'est pas hanté d'oc-
cultisme. 11 me disait un jour : «Je ne m'y
suis guère intéressé. On m'en a parlé, j'ai
mal compris : ou alors c'est une banalité,
car je vois le mystérieux partout. Le mys-
térieux et le simple me semblent identiques.
Une science qui quitte la vie habituelle pour
aller chercher le mystère ? Mais je m'appa-
rais à moi-même ce mystère à chaque mi-
nute de ma vie... Tout dessin dessine un
mystère, o C'est dans la contemplation ingé-
nue, sincère, patiente, de ce qui semble im-
médiatement connaissable, que ce singulier
génie a vu se refléter l'univers : ainsi la
monade leibnitzienne, à qui l'envisage, ré-
sume le système mondial. Ses écrits, son
dessin, la qualité de ses ombres translucides,
irréelles, lueurs ressemblant plutôt à la phos-
phorescence de la pensée qu'aux effets du
crépuscule, tout cela révèle en Eugène Car-
rière le métaphysicien né. 11 est, sciemment
ou non, d'accord avec tous les hommes ex-

ceptionnels pour qui le monde apparentiel
n'a pas été autre chose, selon la belle ex-
pression de Mallarmé, que « l'opacité de nos
spectres futurs H, et qui ont eu la faculté de
comprendre que tout est signes de signes.
Les ombres d'Eugène Carrière ne sont pas
l'agonie d'une lumière naturelle, extérieure à
ses toiles : ce sont les affleurements affaiblis
d'une lumière intérieure aux êtres qu'il sus-
cite. Comme nous ne comprendrions pas
cette lueur de l'au-delà que chacun de nous
enferme en son âme sans l'y soupçonner
toujours, il la précise sur des visages ana-
logues aux nôtres, juste assez pour que nous
la reconnaissions.
Carrière a peint des chefs-d'œuvre. Mais
ce qui nous retiendra le plus en lui — et ce
beau recueil le montre — sera sans doute,
dans une époque grisée du soleil de la
joyeuse vitalité impressionniste, et vibrante
encore du romantisme, ce fait d'un peintre
restituant, d'un seul coup et de lui seul, à
son art, une z/zférzoz*z'T qui semblait perdue
sans retour. CAMILLE MAUCLAtR.

NOUVELLES DENTELLES
VIENNOtSES
L'i ne se souvient des dentelles exposées
par l'Ecole des Arts décoratifs de
Vienne, à l'Exposition universelle? Ces den-
telles eurent le rare, l'extraordinaire privi-
lège d'unir dans la même admiration les
fervents de l'art et ses indifférents, les déli-
cats et les rustres, les grandes dames et les
paysannes, les jeunes et les viettx, ceux qui
veulent qu'on avance et ceux qui demandent
qu'on ne bouge pas, et dans la caste des
artistes et des écrivains d'art, ceux qui réad-
mettent qrte la nature dans le dessin déco-
ratif et ceux qui n'y tolèrent que des
rythmes. Il n'y eut pas à l'Exposition de
succès plus incontesté qrte celui-là, ni, je
crois bien, de plus grand.
L'auteur de ces dentelles fameuses, le
professeur Hrdlicka, reparaît aujourdhui
devant le public européen et lui présente
non plus une douzaine de pièces comme a
l'Exposition, mais un recueil, un monceau
de dessins de dentelles plus merveilleuses


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