DOI Heft:
No. 47 (Août 1902)
DOI Artikel:Thomas, Albert: La fontaine d'amour d'Émile Derré
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.34269#0228
LA FONTAINE D'AMOUR
D'EMILE
'AUTRE jour, en parcourant le hait du
Grand Palais, je déplorais le caractère
conventionnel de notre sculpture, la persis-
tance des formules académiques et des my-
DERRE
thologies surannées, l'obstination des artistes
à dresser dans le décor de notre existence
moderne des images n'ayant plus de signi-
fication, n'offrant plus aucun rapport avec
ÉMILE DERRÉ
LA FONTAINE D'AMOUR
la vie, quand, tout à cottp, parmi tant de
Diogènes et de Sisyphes, de Bacchantes
en délire et de nymphes penchant leurs tu nes,
je rencontrai la fontaine d'Emile Derré.
Au fond d'une grotte deux amants m'ap-
parurent nus et blottis. Ce n'était pas le
couple traditionnel, Calathée auprès d'Acis,
ni Léandre auprès d'Éro. Lui, barbe en
pointe et cheveux courts, les traits graves,
les yeux profonds, représentait l'homme d'à
présent, las des quotidiens labeurs, fléchi sous
le poids de sa pensée et de ses rêves. Elle,
câline et quasi maternelle, offrait généreu-
sement au chercheur de chimères la réalité
200
D'EMILE
'AUTRE jour, en parcourant le hait du
Grand Palais, je déplorais le caractère
conventionnel de notre sculpture, la persis-
tance des formules académiques et des my-
DERRE
thologies surannées, l'obstination des artistes
à dresser dans le décor de notre existence
moderne des images n'ayant plus de signi-
fication, n'offrant plus aucun rapport avec
ÉMILE DERRÉ
LA FONTAINE D'AMOUR
la vie, quand, tout à cottp, parmi tant de
Diogènes et de Sisyphes, de Bacchantes
en délire et de nymphes penchant leurs tu nes,
je rencontrai la fontaine d'Emile Derré.
Au fond d'une grotte deux amants m'ap-
parurent nus et blottis. Ce n'était pas le
couple traditionnel, Calathée auprès d'Acis,
ni Léandre auprès d'Éro. Lui, barbe en
pointe et cheveux courts, les traits graves,
les yeux profonds, représentait l'homme d'à
présent, las des quotidiens labeurs, fléchi sous
le poids de sa pensée et de ses rêves. Elle,
câline et quasi maternelle, offrait généreu-
sement au chercheur de chimères la réalité
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