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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,2.1902

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No. 47 (Août 1902)
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Jourdain, Frantz: La Villa Majorelle à Nancy
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https://doi.org/10.11588/diglit.34269#0230

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LA VtLLA MAJORELLE A NANCY

ÎK XIX" siècle réservera quelques surprises
j^ aux observateurs qui chercheront à tirer
des déductions logiques de l'étude de nos
productions artistiques. Les principes qui
restaient sûrs, mathématiquement sûrs, pa-
raissent actuellement douteux, indécis et
presque mensongers. Les premiers symptômes
de ces troubles esthétiques parurent à la tin
de l'Empire, à l'époque de décadence et de
veulerie qu'inaugura le règne de Louis XVIII.
Insignifiant d'abord, le mal s'accentua vite
et huit, sous Napoléon 111, par dénaturer et
fausser la portée des plus importantes mani-
festations intellectuelles. L'unité qui, éter-
nellement, avait soudé les arts les uns aux
autres, l'unité rationnelle qui imposait des
tendances semblables à l'architecture et à la
statuaire des Cathédrales de Reims et d'A-
miens, l'unité admirable qui groupait dans
un même élan un Racine, un Coysevox, un
Lebrun et un Mansard, l'unité qui régna en
Egypte comme en Italie, en Grèce comme
en France, dans l'Inde comme en Chine,
hunité sur laquelle s'appuie l'immuable et
rigoureuse loi de l'évolution des styles, s'est
tellement aveulée et relâchée qu'il devient
prudent de ne plus l'invoquer quand on tient
à porter un jugement exact sur notre tempé-
rament, nos usages, nos besoins, nos mœurs,
notre vision de la vie.
La monomanie d'imitation, la soif d'im-
poser, à rebours du plus vulgaire bon sens,
des formules décrépites à des êtres modernes,
a été la cause d'un grave bouleversement
dans nos idées générales.
Bâtir une maison à l'envers ne semble
guère plus absurde,au fond, que d'élever, de
nos jours, un hôtel moyen-âge ou un palais
régence. Pareille extravagance ne germa ja-
mais dans la cervelle de ces aïeux que nous
admirons jusqu'au fétichisme, car, depuis que
le monde est monde, on n'a pas trouvé la
trace d'une reconstitution quelconque d'un
style disparu. Aucune chaise curule ne figura
dans le mobilier d'une salle gothique et au-
cun bahut sculpté ne servit à un des sujets
de Louis XVI pour ranger ses vêtements.
Ces transpositions anormales, qui rappellent
les déguisements d'un bal masqué, entrainent
les plus fâcheux malentendus : par exemple,
je mets au déh l'étranger le plus perspicace
de deviner, s'il n'a été préalablement prévenu,
une église catholique dans la Madeleine,

construite sur un boulevard parisien, par un
architecte français, dans un temps où les pas-
sants ne portaient ni toge, ni tunique de
laine. Pareil rébus archéologique déroutera
éternellement les esprits les plus subtils.
L'Etat qui aurait pu, qui aurait dû en-
rayer une aussi lamentable maladie, lui qui
prétend diriger les Beaux-Arts, l'Etat s'ingé-
nia, au contraire, à propager le virus et
apporta ses soins à développer l'épidémie.
Tout artiste servile et dénué de personnalité
mérita sa protection et sa tendresse ; tout
génie indépendant et novateur se transforma
à ses yeux en ennemi redoutable. De sorte
qu'on assista, sous Napoléon III, au spectacle
peu banal de voir des Cabanel, des Hess,
des Hébert, des Picot et des Robert-Fleury
représenter officiellement la peinture natio-
nale, tandis que des Millet, des Corot, des
Courbet et des Manet supportaient les mépris
et les dénis de justice du gouvernement.
Sous ce rapport, la situation, du reste, ne
s'est guère modifiée sous la troisième Répu-
blique, où, nous le constatons avec stupeur,
M. Gérôme est grand-croix de la Légion
d'honneur quand les boutonnières de Claude
Monetetde Degas demeurent vierges du plus
mince ruban rouge.
Les errements suivis par l'Etat dans la
peinture, la sculpture et la gravure sont d'ail-
leurs respectés en architecture, où l'on ré-
serve les éloges, les encouragements, les
commandes, les récompenses, les faveurs de
toutes sortes à ceux qui restent rivés aux
théories classiques et opposés aux formules
nouvelles. Rien n'a puébranler l'aveugle opi-
niâtreté des pouvoirs publics qui ferment les
yeux, avec un parti pris puéril, ahn de ne
pas comprendre, ahn de ne pas voir la co-
lossale et féconde évolution qui, depuis quel-
ques années, s'opère partout, aussi bien en
musique qu'en peinture, aussi bien en litté-
rature que dans les arts du décor. Poursuivre
le mouvement architectural actuel et no-
ter consciencieusement les phases si inté-
ressantes de cette poussée vers un autre
idéal, il est indispensable detudier non pas
les édihees officiels, amas de pierres à la fois
poncifs et incohérents qui ne prouvent rien, ne
disent rien et ne signifient rien, mais certaines
constructions particulières qui résument lo-
yalement les goûts, les besoins, les mœurs,
la psychologie de la société contemporaine.

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