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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,2.1902

DOI Heft:
No. 49 (Octobre 1902)
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Thomas, Albert: Camille Lefèvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.34269#0317

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CAMILLE LEFEVRE

ÏE me plains bien souvent ici de la médio-
J crité de notre grande sculpture. Mais,
vraiment, la chose est offensante. Par leurs
poses déclamatoires, leurs gestes hgés, leur
symbolisme vieillot et inexpressif, la puéri-
lité de leurs emblèmes, ces statues qui s'a-
lignent sur les façades de nos théâtres, de
nos tribunaux, de nos mairies, ces Mars,
ces Castor et ces Pollux qui se morfondent
dans leurs niches, casque en tête, comme
de ridicules factionnaires, toute cette figu-
ration gréco-romaine soulève à juste titre le
dégoût des connaisseurs. La curiosité de nos
artistes s'est réfugiée dans l'urx whzor, dans
le bibelot d'appartement, et voilà un signe
certain de décadence. Car, selon le mot de
Baudelaire, <( à toutes les grandes époques la
sculpture est un complément, au commen-
cement et à la hn c'est un art isolé. R Nous
sommes loin des vastes architectures que la
statuaire venait magnifiquement parfaire et
illustrer, loin d'un Panthéon ennobli des
frises d'un Phidias, loin des cathédrales
enfantant, sous le ciseau des imagiers go-
thiques, un peuple de figures charmantes,
grotesques ou farouches, toutes les terreurs
d'un siècle, tous ses sarcasmes et tous ses
rêves. Nous admirons ces ensembles ryth-
miques et vivants, nous entendons ces édi-
fices nous clamer, par la bouche de pierre
de leurs statues, la grande pensée qui les a
fait surgir. Mais nous ne savons pas en dresser
de semblables, les animer de pareilles voix.
11 nous manque la conspiration d'une foi

religieuse ou sociale. Il nous manque, en un
mot, ce par quoi les peuples vivent dans
une action commune et se réalisent harmo-
nieusement, il nous manque un Idéal. Nous
n'avons même plus cet enthousiasme collectif
de la Beauté d'où sortit la Renaissance. Nous
sommes des individualistes absolus, occupés
de nos seuls intérêts, de nos seules aspi-
rations, de nos seuls désirs. Nous restons
pour la plupart en dehors de l'atmosphère
du siècle et nos sculpteurs ne se soucient
pas d'exprimer la mentalité de leur époque.
Sans doute, il ne peut plus être aujourd'hui
question d'une croyance théologique, mais
il nous reste le sentiment, la religion de
l'humanité. Quelles commandes officielles
pourtant nous ont donné une traduction con-
venable des mots : Justice, Liberté, Frater-
nité, Travail, mots représentatifs de ces
forces morales qui, bien au-dessus de la
politique, font signe aux nations et les guident
vers l'Étoile? Des penseurs en saisissent le
sens, pour s'être mêlés à l'action, pour être
descendus de leur cabinet dans la foule. Les
artistes ne les comprennent guère, enfermés
qu'ils sont en leur atelier. Quelques-uns
néanmoins, intelligences attentives et coeurs
bons, épris d'altruisme, ont pu concevoir et
parfois fixer le nouvel idéal, le respect de
l'effort, de la souffrance, la grande fraternité
des hommes. Camille Lefèvre est de ceux-là.
Il naquit en pleine banlieue ouvrière, à
Issy. Son père exerçait dans cette ville la
profession de marchand de vin en gros. Il

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