L'ART DÉCORATIF
novembre tqoi, de parler longuement ici
même de M. Vallgren. Je l'ai montré créant
sans efforts, par la vertu d'une imagination
triste, embaumée de la poésie des légendes
du Nord, hantée de la nostalgie des fjords
et des neiges, les menues divinités de la mé-
lancolie et du deuil. J'ai loué la beauté de
ses urnes cinéraires contenant l'infini des
regrets. J'ai déclaré aussi que ce pétrisscur
de statuettes exquises, ce maître du bibelot
repliées, entoure de ses bras le médaillon,
étend au-dessus de l'enfant en pleurs une main
joliment tutélaire. Grâce à cet ange, la dame
bienfaisante continuera par delà la tombe son
rôle de protection. L'ange en question n'est
peut-être $pas absolument orthodoxe. Avec
sa robe aux plis ruisselants, avec sa grâce
longue et fluide, ses cheveux bouclés, son
profil un peu hou, le mystère de son sourire
et de ses yeux, il rappelle plutôt les génies
G. VIOLET
psychologique, était capable de grandes cho-
ses, d'œuvres largement conçues, du plus
ample caractère décoratif. J'ai cité à l'appui
de mon dire un projet de monument au tzar
Alexandre II. Je suis heureux que le monu-
ment funèbre de Karamzine justifie aussi
complètement mes affirmations. Sur une
haute et large stèle apparaît, sculpté à même
le roc, le profil d'une dame âgée qui fut
sans doute infiniment charitable, car, au
pied du monument et à droite, une jeune
hile maigre et pauvre, la robe en lambeaux,
se tient agenouillée, accroche ses doigts fluets
à une saillie dominant l'inscription funé-
raire, cependant qu'à gauche une figure se
dresse, haute et svelte, aux longues ailes
familiers de M. Vallgren, les elfes des pays
Scandinaves qui flottent la nuit sur les lacs,
les steppes, les forêts, dans l'argent du clair
de lune. Malgré cela, à cause de cela veux-je
dire, l'œuvre est belle et originale. On ne
saurait trop y louer, en même temps que la
signification touchante, la sûre ordonnance
décorative, la synthèse des modelés, le balan-
cement des silhouettes, l'équilibre des gestes
qui se correspondent rythmiquement. J'aurais
plaisir à décrire les autres envois de M.Vall-
gren, ses petits portraits en pied, ses figu-
rines élégantes où la vie se trouve si curieu-
sement surprise et si discrètement stylisée.
Mais ce soin appartient à mon confrère
chargé d'étudier la section des objets d'art.
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novembre tqoi, de parler longuement ici
même de M. Vallgren. Je l'ai montré créant
sans efforts, par la vertu d'une imagination
triste, embaumée de la poésie des légendes
du Nord, hantée de la nostalgie des fjords
et des neiges, les menues divinités de la mé-
lancolie et du deuil. J'ai loué la beauté de
ses urnes cinéraires contenant l'infini des
regrets. J'ai déclaré aussi que ce pétrisscur
de statuettes exquises, ce maître du bibelot
repliées, entoure de ses bras le médaillon,
étend au-dessus de l'enfant en pleurs une main
joliment tutélaire. Grâce à cet ange, la dame
bienfaisante continuera par delà la tombe son
rôle de protection. L'ange en question n'est
peut-être $pas absolument orthodoxe. Avec
sa robe aux plis ruisselants, avec sa grâce
longue et fluide, ses cheveux bouclés, son
profil un peu hou, le mystère de son sourire
et de ses yeux, il rappelle plutôt les génies
G. VIOLET
psychologique, était capable de grandes cho-
ses, d'œuvres largement conçues, du plus
ample caractère décoratif. J'ai cité à l'appui
de mon dire un projet de monument au tzar
Alexandre II. Je suis heureux que le monu-
ment funèbre de Karamzine justifie aussi
complètement mes affirmations. Sur une
haute et large stèle apparaît, sculpté à même
le roc, le profil d'une dame âgée qui fut
sans doute infiniment charitable, car, au
pied du monument et à droite, une jeune
hile maigre et pauvre, la robe en lambeaux,
se tient agenouillée, accroche ses doigts fluets
à une saillie dominant l'inscription funé-
raire, cependant qu'à gauche une figure se
dresse, haute et svelte, aux longues ailes
familiers de M. Vallgren, les elfes des pays
Scandinaves qui flottent la nuit sur les lacs,
les steppes, les forêts, dans l'argent du clair
de lune. Malgré cela, à cause de cela veux-je
dire, l'œuvre est belle et originale. On ne
saurait trop y louer, en même temps que la
signification touchante, la sûre ordonnance
décorative, la synthèse des modelés, le balan-
cement des silhouettes, l'équilibre des gestes
qui se correspondent rythmiquement. J'aurais
plaisir à décrire les autres envois de M.Vall-
gren, ses petits portraits en pied, ses figu-
rines élégantes où la vie se trouve si curieu-
sement surprise et si discrètement stylisée.
Mais ce soin appartient à mon confrère
chargé d'étudier la section des objets d'art.
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