L’ART DECORATIF
BELLANGER-ADHEMAR
sur la place Saint-Marc, l’éclatant étendard
de Venise, avec le lion ailé en jaune sur
champ rouge, s’unit aux drapeaux italiens,
attachés aux trois mâts qui s’élancent, sur
le front de la basilique, hors de leurs pré-
cieux piédestaux de bronze. Ce claquement
de couleurs suffit à mettre encore dans l’air
une plus vibrante allégresse.
Mais il est d’autres fêtes locales qui
gardent à Venise toute la saveur des anciens
spectacles d’apparat : je songe surtout à
cette fête annuelle du Redentore, où les
barques parées, avec toute l’immense réson-
nance des chants, des musiques et des
festins, passent la nuit sur l’eau et ne se
dispersent que lorsque le jour a déjà paru,
éparpillant, dirait-on, sur l’eau toutes les
roses de cette orgie.
Je garde, pour ma part, dans les yeux
le souvenir de réjouissances publiques orga-
nisées, il y a une dizaine d’années, en l’hon-
neur de l’anniversaire du Statut : je revois
la place bruyante, où s’écrase une foule
compacte, Saint-Marc apparaissant embrasé
dans une apothéose de feux de Bengale ; et
de grands cierges, donnant à cette illumi-
nation une curieuse gravité religieuse, qui
flambent sur le pourtour des constructions,
à chaque fenêtre des Procuraties. Au milieu
de cela, les pigeons effarés, ne retrouvant
plus les calmes corniches où ils abritent
leur sommeil, tourbillonnaient en troupes
éperdues à travers des nuages d’incendie.
F. LE GOUT-GÉRARD
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BELLANGER-ADHEMAR
sur la place Saint-Marc, l’éclatant étendard
de Venise, avec le lion ailé en jaune sur
champ rouge, s’unit aux drapeaux italiens,
attachés aux trois mâts qui s’élancent, sur
le front de la basilique, hors de leurs pré-
cieux piédestaux de bronze. Ce claquement
de couleurs suffit à mettre encore dans l’air
une plus vibrante allégresse.
Mais il est d’autres fêtes locales qui
gardent à Venise toute la saveur des anciens
spectacles d’apparat : je songe surtout à
cette fête annuelle du Redentore, où les
barques parées, avec toute l’immense réson-
nance des chants, des musiques et des
festins, passent la nuit sur l’eau et ne se
dispersent que lorsque le jour a déjà paru,
éparpillant, dirait-on, sur l’eau toutes les
roses de cette orgie.
Je garde, pour ma part, dans les yeux
le souvenir de réjouissances publiques orga-
nisées, il y a une dizaine d’années, en l’hon-
neur de l’anniversaire du Statut : je revois
la place bruyante, où s’écrase une foule
compacte, Saint-Marc apparaissant embrasé
dans une apothéose de feux de Bengale ; et
de grands cierges, donnant à cette illumi-
nation une curieuse gravité religieuse, qui
flambent sur le pourtour des constructions,
à chaque fenêtre des Procuraties. Au milieu
de cela, les pigeons effarés, ne retrouvant
plus les calmes corniches où ils abritent
leur sommeil, tourbillonnaient en troupes
éperdues à travers des nuages d’incendie.
F. LE GOUT-GÉRARD
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