Première année. — N® 35
LE NUMÉRO : 15 CENTIMES
24 Décembre 1887
L'ART FRANÇAIS
Jümtf JlTrtiôitqiu Jf^ebiiomabatre
Texte par Firmin Javel
Illustrations de MM. SILVESTRE & C‘e, par leur procédé de Glyptographie
Bureaux : 97, rue Oberkampf, à Paris
ABONNEMENTS. — Paris : un an, 9 fr. ; six mois, 5 francs. — Départements : un an, lO fr., six mois, 6 francs.
SOMMAIRE
ILLUSTRATIONS : 1" page : Rêverie ( Willy Martcns); — 2” page: A Pâques (Léon IMachaux);
— 3” page : Le soir (Ernest-Ange Ruez).
TEXTE : Un plafond de Mairie; — Les 00; — L'histoire de l’art et l’esthétique; — Echos
artistiques.
UN
PLAFOND de MAIRIE
Il a eu deux torts très
graves, le groupe d'hommes
illustres qui préside aux des-
tinées décoratives de la Mai-
rie du VIe arrondissement.
Ayant résolu de mettre au
concours la décoration d’un
plafond de cet édifice, il a
eu d’abord le tort d’imposer
comme sujet, aux concur-
rents, cette devise d’ailleurs
admirable : Liberté — Égalité
— Fraternité.
. lia eu,ensuite,le malheur
de désigner trois projets, —
d’un réel mérite, il est vrai,—
mais à côté desquels le plus
beau de tous, le plus digne
d’être choisi, aurait dû atti-
rer l’attention du jury et
fixer immédiatementses pré-
férences.
Or, la.seconde faute était
la conséquence obligée de la
première. Du moment qu’on
voulait glorifier la Liberté,
l’Égalité et la Fraternité —
trois choses qui ont, entre
nous, — grand besoin d’ê-
tre glorifiées, fut-ce par un
plafond ! on ne pouvait
donner la palme à cette page
de vibrante poésie céleste où
le maître Feyen-Perrin avait mis toute son âme d’artiste et de
visionnaire.
Qu est-ce qu’un plafond ? Quelle idée se peut-on faire d’une
peinture placée au-dessus de la tête des spectateurs, même dans
une salle de Mairie ?
WILLY MARTI-N S.
A cette question bien simple, il n’y a, semble-t-il, qu’une
réponse : un plafond doit donner l’illusion du ciel, de l’infini.
La peinture doit en être légère, discrète, aérienne surtout. Dans
ces conditions, imposer au peintre un sujet purement humain,
purement terre à terrestre^si je puis dire),c’estlûcher un papillon...
avec un fil à la patte! Aussi,
; les artistes de talent, qui ont
pris part au concours dont
nous parlons, ont-ils, pour
la plupart, cherché leurs
motifs dans l’histoire de la
Révolution, ce qui nous a
valu une interminable série
de petits tableaux fort réus-
sis, mouvementés au pos-
sible, et d’un réel intérêt
historique.
A ce titre, les projets pri-
més sont d’un mérite incon-
testable, nous ne saurions
trop le répéter. Nous y re-
viendrons, du reste, le jour
où leurs auteurs concour-
ront à nouveau, lorsqu’ils
nous montreront un frag-
ment de leur œuvre défini-
tive. Mais nous avons à cœur
de protester énergiquement,
aujourd’hui, contre la déci-
sion du jury — qui pourtant
comprenait certains décora-
teurs de premier ordre.
Donc, nous nous borne-
rons pour le moment à don-
ner acte à MM. Lionel-
Royer, Bourgeois et Henri
Lévy d’un succès auquel ils
auraient eu tous des droits
— si le projet de M. Feyen-
Perrin n’eût été infiniment
supérieur aux leurs.
Sur un fond d’azur, dans
la nuit transparente, de
blanches figures de femmes, enlacées, s’envolent à travers l’espace
sans bornes. De leurs yeux alanguis, tombent des regards
d’une tendresse ineffable... De leurs cheveux flottants s’échap-
pent des reflets lumineux... Sur leurs lèvres épanouies rayonne
un mystérieux sourire... Où vont-elles ?... Quelles sont-elles?
Rêverie.
LE NUMÉRO : 15 CENTIMES
24 Décembre 1887
L'ART FRANÇAIS
Jümtf JlTrtiôitqiu Jf^ebiiomabatre
Texte par Firmin Javel
Illustrations de MM. SILVESTRE & C‘e, par leur procédé de Glyptographie
Bureaux : 97, rue Oberkampf, à Paris
ABONNEMENTS. — Paris : un an, 9 fr. ; six mois, 5 francs. — Départements : un an, lO fr., six mois, 6 francs.
SOMMAIRE
ILLUSTRATIONS : 1" page : Rêverie ( Willy Martcns); — 2” page: A Pâques (Léon IMachaux);
— 3” page : Le soir (Ernest-Ange Ruez).
TEXTE : Un plafond de Mairie; — Les 00; — L'histoire de l’art et l’esthétique; — Echos
artistiques.
UN
PLAFOND de MAIRIE
Il a eu deux torts très
graves, le groupe d'hommes
illustres qui préside aux des-
tinées décoratives de la Mai-
rie du VIe arrondissement.
Ayant résolu de mettre au
concours la décoration d’un
plafond de cet édifice, il a
eu d’abord le tort d’imposer
comme sujet, aux concur-
rents, cette devise d’ailleurs
admirable : Liberté — Égalité
— Fraternité.
. lia eu,ensuite,le malheur
de désigner trois projets, —
d’un réel mérite, il est vrai,—
mais à côté desquels le plus
beau de tous, le plus digne
d’être choisi, aurait dû atti-
rer l’attention du jury et
fixer immédiatementses pré-
férences.
Or, la.seconde faute était
la conséquence obligée de la
première. Du moment qu’on
voulait glorifier la Liberté,
l’Égalité et la Fraternité —
trois choses qui ont, entre
nous, — grand besoin d’ê-
tre glorifiées, fut-ce par un
plafond ! on ne pouvait
donner la palme à cette page
de vibrante poésie céleste où
le maître Feyen-Perrin avait mis toute son âme d’artiste et de
visionnaire.
Qu est-ce qu’un plafond ? Quelle idée se peut-on faire d’une
peinture placée au-dessus de la tête des spectateurs, même dans
une salle de Mairie ?
WILLY MARTI-N S.
A cette question bien simple, il n’y a, semble-t-il, qu’une
réponse : un plafond doit donner l’illusion du ciel, de l’infini.
La peinture doit en être légère, discrète, aérienne surtout. Dans
ces conditions, imposer au peintre un sujet purement humain,
purement terre à terrestre^si je puis dire),c’estlûcher un papillon...
avec un fil à la patte! Aussi,
; les artistes de talent, qui ont
pris part au concours dont
nous parlons, ont-ils, pour
la plupart, cherché leurs
motifs dans l’histoire de la
Révolution, ce qui nous a
valu une interminable série
de petits tableaux fort réus-
sis, mouvementés au pos-
sible, et d’un réel intérêt
historique.
A ce titre, les projets pri-
més sont d’un mérite incon-
testable, nous ne saurions
trop le répéter. Nous y re-
viendrons, du reste, le jour
où leurs auteurs concour-
ront à nouveau, lorsqu’ils
nous montreront un frag-
ment de leur œuvre défini-
tive. Mais nous avons à cœur
de protester énergiquement,
aujourd’hui, contre la déci-
sion du jury — qui pourtant
comprenait certains décora-
teurs de premier ordre.
Donc, nous nous borne-
rons pour le moment à don-
ner acte à MM. Lionel-
Royer, Bourgeois et Henri
Lévy d’un succès auquel ils
auraient eu tous des droits
— si le projet de M. Feyen-
Perrin n’eût été infiniment
supérieur aux leurs.
Sur un fond d’azur, dans
la nuit transparente, de
blanches figures de femmes, enlacées, s’envolent à travers l’espace
sans bornes. De leurs yeux alanguis, tombent des regards
d’une tendresse ineffable... De leurs cheveux flottants s’échap-
pent des reflets lumineux... Sur leurs lèvres épanouies rayonne
un mystérieux sourire... Où vont-elles ?... Quelles sont-elles?
Rêverie.