Deuxième année. — N° 02
LE NUMÉRO : 15 CENTIMES
30 Juin 1888
L’ART FRANÇAIS
JUnutc r t i s t i q ttc J^c bïiomaïhiin:
Texte par Firmin Javel
Illustrations de MM. SILVESTRE «S: Cie, par leur procédé de Glyptographie
Bureaux : 91, rue Oberkampf, à Paris
ABONNEMENTS. — Paris : un an, 9 francs; six
Dki'AUTKMENTS-: un an, ÎO francs; six mois, 6 francs.
Salon de 1888
NOS ILLUSTRATIONS
C’est par la grâce et aussi par ce que l’on pourrait
« chasteté du nu » que se re-
commande le groupe de M. Es-
coula : jeunes baigneuses.
Ces baigneuses sont évidem-
ment deux sœurs. L’aînée a
pris la cadette par une main et
par l’épaule et s'efforce de l’en-
traîner vers l’eau, malgré la
résistance instinctive de l’en-
fant qui en est à son premier
bain.
Le dessin, ici, est d’une gran-
de pureté. Toutes les lignes
sont jolies, et les attitudes vrai-
semblables.
La transparente blancheur
du marbre n’ôte rien à l’inten-
sité vitale que le sculpteur a su
donner à ses Baigneuses.
En tout cas, le motif est in-
téressant, le mouvement géné-
ral plein d’originalité.
M. Escoula est un poète, un
sentimental. De là le charme
de ses ligures, qui pensent et
qui respirent.
Nos peintres de batailles s’a-
gitent. La succession du re-
gretté de Neuville est toujours
ouverte, et c’est à qui la re-
cueillera. Nous avons beaucoup
de sujets militaires, au Salon,
et nous les étudierons à loisir.
Pour Je moment, nous don-
nons le tableau de M. Taver-
nier ; A gauche, en batterie ! et
nous présentons cet artiste
consciencieux et vraiment doué,
comme un des candidats sé-
rieux à cette glorieuse succes-
sion.
S’il est vrai, comme le disait
dernièrement M. Jules Simon,
que le monde ne connaisse pas
encore les horreurs de la guerre
appeler la
SALON DE 1888
(de la guerre de demain), c’est raison de plus pour fixer sur la
toile le tableau de la guerre d'hier, de la guerre « vieux jeu ».
Tudieu! que nous réservent donc les deux ou trois messieurs
couronnés qui tiennent nos destinées dans leurs mains, si ce que
nous avons vu en 1870 n’est,
j. escoula. — Jeunes baigneuses; — groupe, marbre.
auprès de cela, que « jeu de
petits entants», comme disait
Paul-Louis à la fin de sa traduc-
tion de la pastorale de Longus?
En attendant l’ère des ba-
tailles futures qui mettront, en
vingt-quatre heures, trois cent
mille hommes sur le flanc, nous
avons bien le droit de nous
émouvoir, de nous angoisser à
l’aspect de ces énormes canons
qui passent, traînés, secoués
par des chevaux lancés au grand
galop, à travers des terrains
embroussaillés, parmi les morts
et les mourants, tandis que
l’horizon se ponctue de petites
taches grises de fumée qui in-
diquent au loin une fusillade
« bien nourrie ».
Il est certain que M. Taver-
nier a beaucoup des qualités
d’un peintre de batailles; le
dessin, la chaleur, le mouve-
ment. Il est évident aussi qu’a-
vant peu son coloris s’affermira,
et il est facile de présager en ce
jeune artiste un maître de de-
main.
Comme antithèse, nos lec-
teurs trouveront, en face du
tableau de M. Tavernier, la
reproduction de la toile de
M. Horace de Callias •; Une
répétition de Gluck che~ Mme la
baronne de T...
Ceci est plus aimable que
cefli. Nous voici dans un salon
opulent, un de ces nombreux
salons où l’on citante, lesquels
ont remplacé — hélas! — les
salons où l’on causait.
Au point de vue de l’histoire
de la société- parisienne vers la
LE NUMÉRO : 15 CENTIMES
30 Juin 1888
L’ART FRANÇAIS
JUnutc r t i s t i q ttc J^c bïiomaïhiin:
Texte par Firmin Javel
Illustrations de MM. SILVESTRE «S: Cie, par leur procédé de Glyptographie
Bureaux : 91, rue Oberkampf, à Paris
ABONNEMENTS. — Paris : un an, 9 francs; six
Dki'AUTKMENTS-: un an, ÎO francs; six mois, 6 francs.
Salon de 1888
NOS ILLUSTRATIONS
C’est par la grâce et aussi par ce que l’on pourrait
« chasteté du nu » que se re-
commande le groupe de M. Es-
coula : jeunes baigneuses.
Ces baigneuses sont évidem-
ment deux sœurs. L’aînée a
pris la cadette par une main et
par l’épaule et s'efforce de l’en-
traîner vers l’eau, malgré la
résistance instinctive de l’en-
fant qui en est à son premier
bain.
Le dessin, ici, est d’une gran-
de pureté. Toutes les lignes
sont jolies, et les attitudes vrai-
semblables.
La transparente blancheur
du marbre n’ôte rien à l’inten-
sité vitale que le sculpteur a su
donner à ses Baigneuses.
En tout cas, le motif est in-
téressant, le mouvement géné-
ral plein d’originalité.
M. Escoula est un poète, un
sentimental. De là le charme
de ses ligures, qui pensent et
qui respirent.
Nos peintres de batailles s’a-
gitent. La succession du re-
gretté de Neuville est toujours
ouverte, et c’est à qui la re-
cueillera. Nous avons beaucoup
de sujets militaires, au Salon,
et nous les étudierons à loisir.
Pour Je moment, nous don-
nons le tableau de M. Taver-
nier ; A gauche, en batterie ! et
nous présentons cet artiste
consciencieux et vraiment doué,
comme un des candidats sé-
rieux à cette glorieuse succes-
sion.
S’il est vrai, comme le disait
dernièrement M. Jules Simon,
que le monde ne connaisse pas
encore les horreurs de la guerre
appeler la
SALON DE 1888
(de la guerre de demain), c’est raison de plus pour fixer sur la
toile le tableau de la guerre d'hier, de la guerre « vieux jeu ».
Tudieu! que nous réservent donc les deux ou trois messieurs
couronnés qui tiennent nos destinées dans leurs mains, si ce que
nous avons vu en 1870 n’est,
j. escoula. — Jeunes baigneuses; — groupe, marbre.
auprès de cela, que « jeu de
petits entants», comme disait
Paul-Louis à la fin de sa traduc-
tion de la pastorale de Longus?
En attendant l’ère des ba-
tailles futures qui mettront, en
vingt-quatre heures, trois cent
mille hommes sur le flanc, nous
avons bien le droit de nous
émouvoir, de nous angoisser à
l’aspect de ces énormes canons
qui passent, traînés, secoués
par des chevaux lancés au grand
galop, à travers des terrains
embroussaillés, parmi les morts
et les mourants, tandis que
l’horizon se ponctue de petites
taches grises de fumée qui in-
diquent au loin une fusillade
« bien nourrie ».
Il est certain que M. Taver-
nier a beaucoup des qualités
d’un peintre de batailles; le
dessin, la chaleur, le mouve-
ment. Il est évident aussi qu’a-
vant peu son coloris s’affermira,
et il est facile de présager en ce
jeune artiste un maître de de-
main.
Comme antithèse, nos lec-
teurs trouveront, en face du
tableau de M. Tavernier, la
reproduction de la toile de
M. Horace de Callias •; Une
répétition de Gluck che~ Mme la
baronne de T...
Ceci est plus aimable que
cefli. Nous voici dans un salon
opulent, un de ces nombreux
salons où l’on citante, lesquels
ont remplacé — hélas! — les
salons où l’on causait.
Au point de vue de l’histoire
de la société- parisienne vers la