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L' art français: revue artistique hebdomadaire — 2.1888-1889 (Nr. 54-105)

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No. 70 (25 Août 1888) – No. 79 (27 Octobre 1888)
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https://doi.org/10.11588/diglit.25561#0113
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L’ART FRANÇAIS

FEYEN - PERRIN

Un artiste de race, un peintre original entre tous, Auguste
Feyen-Perrin,a succombé la semaine dernière à une maladie dont
il souffrait — et, pour parler sincèrement, dont tous ses amis
souffraient — depuis longtemps. Rien n’était plus pénible, en
effet, que de suivre les progrès du mal sur cette noble et belle
figure, où l’intelligence et la bonté se lisaient...

« On a tant abusé, disait Armand Silvestre, en 1878 (1), du
mot poésie, appliqué à d’autres sujets que les ouvrages en vers, que
j’hésite à dire que ce talent est particulièrement poétique. Le mot
ne me satisfait pas, mais nul autre ne rend cependant mieux ma
pensée. Je veux dire par là que l’idéal est au fond de cette œuvre
déjà considérable où les qualités plastiques ont toujours servi à
l’expression d’une pensée. Nul ne présente peut-être de meilleurs
morceaux, mais aucun des tableaux qui le composent n’est uni-
quement un morceau. Tous sont des pages vraies ou rêvées, plu-
sieurs sont de véritables poèmes. Et pourtant ils ne sont pas
composés, dans le sens méthodique du mot, au cours d’impres-
sions réfléchies excluant le charme primesautier. Non. L’em-
preinte de la nature y est partout; l’étude directe des choses et
des êtres s’y sent et s’y révèle. C’est un art absolument sincère et
épris de vérité que celui-là. »

Auguste Feyen-Perrin était né en 1829, à Bey-sur-Seille
(Meurthe-et-Moselle), un petit hameau situé à quatre iieues de
Nancy. Son père y exerçait les fonctions de percepteur.

Au collège de Nancy, le jeune Feyen montra tout de suite des
dispositions pour le dessin et le modelage. Alors, son frère aîné,
M. Eugène Feyen, frappé aujourd’hui dans ses plus chères affec-
tions, était élève de Paul Delaroche. Il avait déjà pris part à quel-
ques expositions locales, et ses premiers succès ne furent certaine-
ment pas sans influence sur la vocation du jeune Auguste qui
se livra bientôt tout entier, lui aussi, à l’étude de la peinture.

Après avoir suivi, pendant quelque temps, les cours de l’école
de dessin de Nancy, il vint à Paris où il fût l’élève de Drolling,
puis d’Yvon et de Léon Cogniet.

C’est à ce moment qu’il peignit le fameux rideau du Théâtre-
Italien, admiré par tant de spectateurs dont bien peu connais-
saient l’auteur, et dont on ignore généralement, à l’heure pré-
sente, la destinée. Or, ce rideau, qui comportait une trentaine
de figures plus grandes que nature et offrait une variété considé-
rable de costumes et de types, décore actuellement l’atelier de
Toché, l’aquarelliste distingué, le décorateur de Chenonceaux.

A partir de 1855, Feyen-Perrin prend part à presque tous les
Salons. Il expose successivement :

En 1855, le Retour à la chaumière ;

En 1857, la Barque à Caron (qui fut récompensée d’une men-
tion honorable, et qui figure au musée de Nancy);

En 1859, l’Enfer du Dante et Danse antique (également men-
tionnée) ;

En 186r, la Muse de Béranger (musée de Toulon); Episode des
premières guerres (musée d’Annecy) et une Descente de croix;

En 1863, la Jeunesse de /’ A rélin, grande composition d’un
beau mouvement ;

En 1864, la Leçon d'anatomie (le cours de M. Velpeau) et une
Grève;

En 186 5, Charles-lc-Téméraire, bataille de Nancy (musée deNancy);

En 1866, Y Elégie (médaillée);

En 1867, la Faneuse de Cancale (2e médaille), acquise par l’Etat;

En 1868, le Naufrage de TEvening Star (musée d’Angers) et
Y Absinthe, figure nue d’un caractère puissant;

En 1869, la Voie lactée;

En 1870, Mélancolie, Y Enfance du Marin;

En 1872, le Printemps;

En 1873, ta Cancalaise à la source et le Retour du marché;

En 1874,1e Retour de la pêche aux huîtres, par les grandes marées,
à Cancale (Ille-et-Vilaine),actuellementaumusée duLuxembourg;

En 1875, trois Portraits;

En 1876, les Cancalaises et le Portrait d’Alphonse Daudet;

En 1877, ta Parisienne à Cancale et le 4Portrait de ü\C. Mollard;

[i) Les chefs-d'œuvre d'art axi Musée du Luxembourg, par MM. Eug. Montrosier, Théodore de
Banville, Champfleury, Fernand Bourgeat, Jules Glaretie, François Coppée, Jules Janin, Firmin
Javel, Armand Silvestre, Marius Yaclion, Charles Vriarte, etc. (L. Baschkt, éditeur).

En 1878, la b\Cort d’Orph ée, qui a inspiré au poète que j’ai
nommé tout à l’heure cette élégante paraphrase :

Sous le thyrse qui vole et le cuivre qui tonne,

Orphée est étendu; les Ménadcs en chœur.

Comme une grappe mûre échappée à la tonne,

Foulent, en bondissant, sous leurs pieds nus, son cœur ;

Et son chef, que brandit leur capnce vainqueur,

Semble un astre sanglant sur l'or d’un ciel d’automne.

M. Paul Mantz a constaté, dans la YMort d’Orphée, si chère aux
vrais maîtres, cette qualité « que M. Henner possède toujours et
dont M. Carolus Duran ne veut pas entendre parler : l’enveloppe».

En 1879, les Tricoteuses, qui (écrivait Castagnary dans le
Siècle) « nous emportent en pleine mer, dans la région des vents
et des tempêtes... Les scènes de la vie maritime ont un pitto-
resque si varié, une saveur si pénétrante, que le grand public y a
pris goût... M. Feyen-Perrin, qui a ouvert la voie, est resté le
maître du genre, ce qui tient à ce qu’il est un peintre complet et
qu’il excelle aussi bien dans l’histoire et le portrait que dans le
paysage de mer. »

En 1880, le Portrait de M. Lepère et le Retour de la pêche à
marée basse;

En 1881, Astarté et la Pêche à pied;

En 1882, le Chemin de la Corniche, une jeune paysanne d’une
idéale beauté, sous son petit bonnet blanc, et qui se dirige vers
marché de la ville, au pas tranquille de son baudet. « On songe,
en la voyant, aux séraphiques figures de Bernardino Luini», a
dit M. Jean Meryem ;

En 1883, Printemps et Danse au crépuscule;

En 1884, Armorica et le Pain;

En 1885, Rêverie : jeune cancalaise assise sur un tertre, le fichu
croisé, les mains jointes, dans une expression d’adorable mélan-
colie, et la Magdalena, languissamment étendue au bord d’une
rivière, sur une draperie écarlate, figure d’une séduction, d’une
grâce infinies. Le modelé des -hairs s’avive de la pourpre sur
laquelle ce beau corps s’étale, frissonnant sous la lumière;

En 1886, Nymphe et le Retour des glaneuses d’huîtres;

En 1887, la Couleuvre, tableau que Y^Art français a reproduit;

En 1888, une Faneuse et Y Etroit sentier;

Tel est, je pense, l’œuvre essentiel de Feyen-Perrin. Mais il
faudrait ajouter ses nombreux travaux décoratifs, d’un sentiment
si particulier, exécutés dans plusieurs monuments, à Paris, à Nice
et ailleurs. Il faudrait décrire aussi les admirables panneaux de
son atelier du boulevard de Clichy, peints à la détrempe, avec
leurs matités exquises, leurs finesses harmonieuses. C’est ce que
nous ferons sans doute quelque jour où nous disposerons de plus
d’espace — et de loisir.

Ajoutons que Feyen-Perrin était chevalier de la Légion d’hon-
neur depuis 1878.

Enfin, il travaillait, au moment où la mort l’a frappé, à une
grande composition : la fonde des Etoiles, dont nous avons déjà
parlé il y a quelques mois, et qui, bien qu’inachevée, figurera au
Salon de 1889.

Jachos Artistiques

L’inauguration de la statue de Shakespeare, due au ciseau de M. Paul Four-
nier, et dont le piédestal a pour auteur M. Deglane, architecte, lauréat de la
médaille d’honneur au Salon de 1888, a eu lieu, ainsi que nous l’avions an-
noncé, le 14 octobre.

Peux discours remarquables ont été pi'ononcés par MM. Alfred Mézières
et Jules Claretie.

X

Nous avons le regret d’apprendre la mort du statuaire Léon Longepied, au-
teur de la statue de Danton récemment inaugurée. Longepied, qui n’était âgé
que de 39 ans, était lauréat du Salon et chevalier de la Légion d’honneur.

X -

L’Exposition du Blanc et noir, au Pavillon de la Ville, a été inaugurée, le
14 octobre, avec le plus grand succès. Le défaut d’espace nous oblige à ajour-
ner notre article sur cette intéressante manifestation artistique.

X

A l'Ecole des Beaux-Arts, exposition des envois de Rome.

Le gérant : SILVESTRE

Paris, — Glyptographie SILVESTRE <£ C1", rue Obcrkanipf, 97
 
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