Quatrième année. — N° 178.
LE NUMÉRO 25 CENTIMES
SAMEDI 20 SEPTEMBRE 1890
L'ART FRANÇAIS
Revue Artistique Hebdomadaire
Directeur littéraire ! Directeurs artistiques:
FIRMIN JAVEL
Bureaux : 97, rue Oberkampf, à Paris
SILVESTRE & Cie
ABONNEMENTS. - Paris & Départements : un an, 12 francs; six mois, 7 francs. — Union Postale: un an, 1S francs; six mois, 8 francs.
NOS ILLUSTRATIONS
AVANT L’ORAGE, par M. Gautherin
Dès qu’un artiste tente de faire claquer, au vent de la
mer, la jupe de laine d’une jeune pêcheuse de cre-
vettes, ou au souffle des plaines, le cotillon d’une
petite glaneuse comme celle-ci, — pour peu qu’il mette
aux yeux de l’enfant cette rêverie et aussi cette malice
particulières aux filles demi-sauvages des champs et des
grèves, —- je pense aux jolies cancalais.es du regretté
Feyen-Perrin, à leurs attitudes si vraies, si observées, à
leurs yeux si séduisants, à leur regard bleu de ciel, à leurs
cheveux blonds de chanvre.
La peinture de Feyen-Perrin a si puissamment marqué
ce joli type de pêcheuse, que son souvenir nous hante,
même devant des interprétations sculpturales comme
celle que nous reproduisons aujourd’hui.
Est-ce à dire que M. Gautherin s’inspire du peintre des
Cancalaises ? Non pas. Ce sculpteur distingué ne s’est
guère inquiété que de rendre, par un modelé délicat et
sobre, la grâce de son modèle, et je ne serais pas éloigné
de croire qu’il y a réussi. Cette petite glaneuse est, de
tous points, aimable et franchement naturelle en son
mouvement de tête tournée vers sa droite comme pour
écouter quelque appel lointain.
LE PRINTEMPS, par M. Toulmouche
M. Toulmouche est l’un des premiers, parmi nos pein-
tres de genre, qui aient voué à la parisienne le culte
mérité. L’un des premiers, il a su comprendre ce ravissant
problème d’aristocratie native et il s’est attaché à en déga-
ger l’inconnue. Il s’est complu dans la recherche du mot
de cet énigme que M. Paul Bourget seul a pu trouver
cruelle, alors qu’elle était, au contraire, si doucement
passionnante... Et il a, avec une imagination variée, étu-
dié ses contemporaines dans toutes les intimités de leur
vie. Il nous en a souvent montré d’adorables,
Telles que, par instants, Giorgione en devina:..
Celle que le maître a bien voulu nous autoriser à repro-
duire aujourd’hui est l’une des plus enamourées et des
plus délicieusement troublantes. D’un geste alangui, elle
applique sur sa poitrine palpitante un rameau d’aubépine
rûse et, de ces fleurs épanouies, elle semble aspirer le
grisant et printanier parfum. Un souffle de niai passe sur
Cette figure exquise, entr’ouvrant ces lèvres «de corail» sur
ces dents «de perle» appelant le baiser qui les guette, le
divin baiser dont Théodore de Banvilleadit la « possibilité »
en un vers inoubliable !
On peut contester bien des qualités à la peinture de M.
Toulmouche, et nous-meme n’avons pas toujours été
tendre à l’égard du peintre du ‘Printemps. Mais ne faut-il
pas reconnaître le charme partout où il se trouve ?
M. Toulmouche, quoi qu on ait dit, n’en tiendra pas moins
une place considérable dans notre école moderne, et on
SALON DE 189O {Champs-Elysées)
Gautiierinv — xAvant l’orage*
LE NUMÉRO 25 CENTIMES
SAMEDI 20 SEPTEMBRE 1890
L'ART FRANÇAIS
Revue Artistique Hebdomadaire
Directeur littéraire ! Directeurs artistiques:
FIRMIN JAVEL
Bureaux : 97, rue Oberkampf, à Paris
SILVESTRE & Cie
ABONNEMENTS. - Paris & Départements : un an, 12 francs; six mois, 7 francs. — Union Postale: un an, 1S francs; six mois, 8 francs.
NOS ILLUSTRATIONS
AVANT L’ORAGE, par M. Gautherin
Dès qu’un artiste tente de faire claquer, au vent de la
mer, la jupe de laine d’une jeune pêcheuse de cre-
vettes, ou au souffle des plaines, le cotillon d’une
petite glaneuse comme celle-ci, — pour peu qu’il mette
aux yeux de l’enfant cette rêverie et aussi cette malice
particulières aux filles demi-sauvages des champs et des
grèves, —- je pense aux jolies cancalais.es du regretté
Feyen-Perrin, à leurs attitudes si vraies, si observées, à
leurs yeux si séduisants, à leur regard bleu de ciel, à leurs
cheveux blonds de chanvre.
La peinture de Feyen-Perrin a si puissamment marqué
ce joli type de pêcheuse, que son souvenir nous hante,
même devant des interprétations sculpturales comme
celle que nous reproduisons aujourd’hui.
Est-ce à dire que M. Gautherin s’inspire du peintre des
Cancalaises ? Non pas. Ce sculpteur distingué ne s’est
guère inquiété que de rendre, par un modelé délicat et
sobre, la grâce de son modèle, et je ne serais pas éloigné
de croire qu’il y a réussi. Cette petite glaneuse est, de
tous points, aimable et franchement naturelle en son
mouvement de tête tournée vers sa droite comme pour
écouter quelque appel lointain.
LE PRINTEMPS, par M. Toulmouche
M. Toulmouche est l’un des premiers, parmi nos pein-
tres de genre, qui aient voué à la parisienne le culte
mérité. L’un des premiers, il a su comprendre ce ravissant
problème d’aristocratie native et il s’est attaché à en déga-
ger l’inconnue. Il s’est complu dans la recherche du mot
de cet énigme que M. Paul Bourget seul a pu trouver
cruelle, alors qu’elle était, au contraire, si doucement
passionnante... Et il a, avec une imagination variée, étu-
dié ses contemporaines dans toutes les intimités de leur
vie. Il nous en a souvent montré d’adorables,
Telles que, par instants, Giorgione en devina:..
Celle que le maître a bien voulu nous autoriser à repro-
duire aujourd’hui est l’une des plus enamourées et des
plus délicieusement troublantes. D’un geste alangui, elle
applique sur sa poitrine palpitante un rameau d’aubépine
rûse et, de ces fleurs épanouies, elle semble aspirer le
grisant et printanier parfum. Un souffle de niai passe sur
Cette figure exquise, entr’ouvrant ces lèvres «de corail» sur
ces dents «de perle» appelant le baiser qui les guette, le
divin baiser dont Théodore de Banvilleadit la « possibilité »
en un vers inoubliable !
On peut contester bien des qualités à la peinture de M.
Toulmouche, et nous-meme n’avons pas toujours été
tendre à l’égard du peintre du ‘Printemps. Mais ne faut-il
pas reconnaître le charme partout où il se trouve ?
M. Toulmouche, quoi qu on ait dit, n’en tiendra pas moins
une place considérable dans notre école moderne, et on
SALON DE 189O {Champs-Elysées)
Gautiierinv — xAvant l’orage*