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SUPPLÉMENT A L’ART FRANÇAIS

est trop tard, s’IL est venu, c’est inutile. Fort de mon sophisme,
je m'habille en grande hâte et me précipite à la cheminée.

« O ivresse ! O triomphe ! Mes brodequins débordaient. Il
y avait de tout : des bonbons, des soldats de plomb, une papil-
lotte à pétard et une belle image.

« Dire ma joie serait impossible. Joie du ventre, joie des yeux,
joie des oreilles, joie surtout de la conscience ! Il me venait,
tout en croquant mes fondants, des ironies de Père de l’Eglise
pour ces petits ignorants qui naguère, s’étaient tant moqué de
moi.

« Comme j’allais les confondre ! Comme j’allais déguster leur
délaite ! Hein ? Vous n’y croyez pas, messieurs les esprits forts.
Aussi vous n’avez rien ! et je mangeai tous les bonbons.

« Restait l’image. Elle représentait un carrosse magnifique,
doré du haut en bas, bourré de princes chamarrés, que char-
riaient quatre chevaux ruisselants d’escarboucies. Quelle était la
signification de tout cela ?

« Heureusement la veille, à propos d’histoire grecque, on
m’avait laissé entendre qu’un oracle qui se respecte est toujours
obscur.Le petit Noël étant le superlatif du genre, ne pouvait man-
quer d’aller jusqu'aux ténèbres.

« Je cherchai longtemps, longtemps et je trouvai.

« 11 avait deviné que mon ambition était de posséder un
carrosse pour de bon et par une attention délicate, il m'avait offert
celui-là en attendant. C’était une aimable prophétie et je l'en
remerciai presque.

« Aujourd’hui j’aurais considéré celà comme une facétie
déplacée à l’adresse de mes plus chers désirs, mais alors...

« Fier de mon exégèse, je courais partout faire admirer le royal
cadeau et tout le monde de s’extasier, de me complimenter, de
vanter mes bons rapports avec les célestes puissances. Je
rayonnais !

« Je ne sais comment l’idée me vint de regarder l'envers de
mon image. Il y avait deux lignes écrites à la main et je lus ces
simples mots : « Sois bien sage et tu en auras plus tard un
« pareil ».

« D'abord je bondis. J’étais donc, avec Balthazard, le seul mortel
à qui Dieu eût daigné écrire ! Encore avais-je sur le monarque
cet avantage que la lettre était rédigée en clair et d’un fort encou-
rageant augure. Ma victoire prenait les proportions d’une apo-
théose.

« Hélas ! Tout bonheur est éphémère, une seconde lecture fit
naître en moi l’horrible doute et une troisième... Ah ! mon ami,
quel effondrement ! Quelle inénarrable débâcle !... »

A ces mots, Gobillon, vaincu, ne trouva pas la force d’achever
sou récit.

Mais comme il n’a rien de caché pour moi, je vais vous dire la
cause de sa désolation : le bon Dieu avait commis l’inconce-
vable imprudence de faire composer son message par la sœur de
Gobillon qui est aussi la mienne !... et Gobillon avait reconnu
l’écriture !

Gérard de Beauregard.

Nicolas Poussin. — Le Mariage de la Vierge.
 
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