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L’ART FRANÇAIS

LE PROCHAIN SALON

Le Comité de 50 membres de k Société des Artistes français,
dont nous donnions dernièrement la composition, vient de pren-
dre une décision qui bouleverse radicalement les errements
suivis depuis 1864 pour la formation du jury.

Réuni une première fois, le jeudi 8 janvier, sous la présidence
de M. Léon Bonnat, le Comité avait entendu la lecture de divers
projets qui concluaient tous à la suppression du suffrage univer-
sel dans le mode de formation du jiriry du Salon.

Dans une seconde séance, qui a eu lieu le lundi suivant,, le
Comité, après une vive discussion, a adopté un système tendant
à faire entrer de droit, dans le jury, toutes les grandes personna-
lités artistiques, savoir : d’une part, tous les artistes ayant été élus
aux divers jurys, depuis 1864 jusqu’à 1890, d’autre part, tous les
artistes éminents, qu’ils fassent ou non partie de la Société.

Chaque année, vingt membres seront pris, par la voie du sort,
dans cette grande liste de jurés, pour opérer au Salon. Ils seront
exclus de la liste l’année suivante, c’est-à-dire qu’ils ne pourront
siéger deux années de suite

Ce système a été adopté par 32 voix contre 9, sur 41 votants.

Ainsi tombent les principaux griefs qui avaient amené la regret-
table scission survenue entre la Société des Artistes français et la
Société nationale.

AIMÉ MILLET

Notre école de sculpture est tort éprouvée depuis quelque temps :
Charles Gauthier, Eugène Delaplanche, Aimé Millet succombent, à
moins d’une semaine d’intervalle, les deux premiers relativement
jeunes encore.

Quant au maître qui vient de les suivre dans la tombe, quoique âgé
de 71 ans, il eût pu produire encore de belles oeuvres, car, au dernier
Salon, il témoignait de sa vitalité et de sa verdeur par une remarquable
statue de Gay-Lussac destinée à la ville de Limoges.

Aimé Millet, fils d’un peintre estimable (Frédéric Millet), étudia le
dessin et la peinture à l’atelier paternel et, plus tard, la sculpture
avec David d’Angers. Ses premiers envois au Salon de 1842 étaient des
dessins. Ce n’est qu’en 1845 qu’il aborde la sculpture, à laquelle il
s’adonne définitivement. .

Une Bacchante, un Narcisse, une jeune fille couronnée de fleurs, d’autres
ouvrages encore, bustes ou statues, datent de cette époque initiale.
Toutefois, Aimé Millet ne fut réellement remarqué qu’au Salon de
1857, où il exposait son Ariane, aujourd’hui au Musée du Luxembourg.

La statue est très belle. Ariane y est représentée affaissée sur elle-
même en proie à la douleur que lui cause le départ de Thésée.

Le modelé est admirable et Paul de St-Victor en a fait autrefois un
grand éloge.

Il expose ensuite un Mercure, statue destinée à la cour du Louvre,
Vercingétorix, statue colossale, en cuivre repoussé, érigée sur le plateau
d’Alise-Sainte-Reirie ; Y Apollon, qui décore l’Opéra; la Danse-, la Jeu-
nesse effeuillant des roses, statue destinée au tombeau d’Henri Mürger; le
Tomhoau de Baudin \ Denis Papin, statue en bronze pour la ville de
Blois ; le Tombeau de la princesse Christine de Montpensier, pour la ville
de Séville et le Portrait de Don Alonso Alsina (1881); la Physique, pour
l’Oservatoire de Nice (1881); la Finance, le Commerce et la ‘Prudence,
figures colossales décorant la nouvelle façade du Comptoir d’Escompte
de Paris ( 1881) ; le Tombeau, du prince de Saxe Cobourg-Gotha, mort en
1881 et George Sand, statue de marbre destinée à être érigée à la Châtre
(Indre) 1884; Edgard Quinet,statue inaugurée à Bourg (Ain), le 14 mai
1883, et 1 e Portrait de &C. Le mercier Q 885); Phidias, statue pour le
jardin du Luxembourg (1887); M. Aimé Millet a également exécuté le
bas-relief de l’école communale de la rue de Vaugirard (1850); deux
Anges pour l’église Saint-Etienne-du-Mont (1861); un groupe de deux
Anges, dessus de porte à l’intérieur de l’église Saint-Augustin, il a
obtenu un rappel de médaille de ire classe lors de l’Exposition univer-
selle de 1878, et la même récompense à la suite de l'Exposition univer-
selle de 1889.

Le Denis Papin d’Aimé Millet, au Salon de 1880, statue colossale,
avait tenté les plus grands maîtres et David d’Angers avait,

autrefois,consenti à s’en charger. Mais Papin était protestant et on cria
si fort au scandale qu’il fallut attendre une époque plus tolérante.

La ville de Tours a donc vu s’élever, au lieu d’une œuvre de l’il-
lustre statuaire, celle de l’un de ses élèves.

Statue non sans mérite, dit M. Havard, très pittoresque, du reste,
trop pittoresque même, car la chevelure en désordre, les vêtements
chargés de plis, de boutons et de boutonnières, les manchettes et le
jabot, d’accessoires qu’ils devraient être, deviennent presque le prin-
cipal.

Millet avait obtenu une médaille de ire classe, en 1857, pour son
! Ariane ih croix de la Légion d’honneur en 1859 ; une médaille de
ïre classe à l’Exposition universelle de 1867 ; un rappel de médaille de
ire classe à l’Exposition universelle de 1878, et une médaille d’or à
l’Exposition universelle de 1889. Il était officier de la Légion d’honneur
depuis 1870.

EUGÈNE ‘DELAPLANCHE

Un artiste de valeur, Eugène Delaplanche, prix de Rome, officier de
la Légion d’honneur, professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, vient de
mourir en pleine maturité, en pleine force pour ainsi dire, puisqu’il
n’était âgé que de 54 ans.

Elève de Duret, Delaplanche passa par l’Ecole des Beaux-Arts et
obtint le deuxième grand prix de Rome en 1858 avec un Achille saisis-
sant ses armes, et le premier grand prix en 1864 avec un Ulysse bandant
Parc que les prétendants n’ont pu ployer.

Il semble, à parcourir la liste des récompenses décernées depuis lors
à ce laborieux praticien, qu’il ait fait un pacte avec le succès.

Delaplanche est médaillé au Salon de 1866 pour son Enfant monté
sur une tortue, deuxième médaille en 1868 pour son Pecorar'o-, troisième
en 1870 pour son Eve après le péché, qui fut acquise par l’Etat pour le
Musée du Luxembourg. Enfin en 1878, il remporte, ex œquo avec
M. Barrias, la pius haute récompense que puisse ambitionner un
artiste hors concours, la médaille d’honneur.

A l’Exposition universelle qui coïncidait avec ce Salon, Y Afrique,
figure assise en bronze doré, due au ciseau de Delaplanche, ornait le
bassin du Trocadéro et l’artiste attirait également l’attention dans une
des saiies de sculpture par un choix de ses ouvrages exécutés dans les
huit dernières années, notamment la Musique et la Vierge au lys. Signa-
lons parmi les autres œuvres remarquées de Delaplanche le ^Message
d’amour, Sainte Agnès, pour l’église Saint-Eustache, YEducation mater-
nelle, qui fut acquise par l’Etat et qui figure dans le square de l’église
Sainte-Clotilde. Agar et Ismaël, la P/Cusique, et pour l’église Saint-Joseph,
à Paris, Saint Joseph, Y Enfant Jésus et la Vierge; pour l’Hôtel-de-Vilie,
la Sécurité, statue décorative, et la France distribuant des couronnes,
figure colossale pour le dôme central de l’Exposition universelle au
Champ-de-Mars. Il avait exposé au dernier Salon un monument à la
mémoire de Mgr Donnet, destiné à la cathédrale de Bordeaux.

La Vierge au lys, la Musique demeurent deux des plus beaux ouvrages
du statuaire défunt ; on ne relira pas sans intérêt l’appréciation de la
Vierge au lys, par Paul de Saint Victor, parlant du Salon de 1878 :

« Le jury a décoré de la médaille d’honneur la Vierge au lys, de
M. Delaplanche. La récompense ne paraît pas mesurée à l’importance
de l’ouvrage qui reste dans le genre, et ne s’élève pas au style religieux.
C’est, du reste, une gracieuse statue, élégamment ajustée. Le bas
simple êt sobre de la draperie fait valoir les plis finement fouillés de sa
partie supérieure. Quelques défauts, cependant : le bras droit, moulé
par la manche, semble trop rond et trop fort ; le corsage qui relève les
seins est celui d’une dame du premier Empire : on les voit ainsi cein-
turées dans les tableaux de Boilly, et les portraits d’Isabey. Les mains
sont belles et vivantes ; elle se joignent autour de leur lys avec un
geste bien fervent et bien ressenti ; mais les attaches des poignets
m’ont paru médiocrement indiquées. Le visage n’exprime qu’une
vague rêverie, plutôt élégiaque que pieuse. Cette Madone mondaine
serait plus à sa place dans un oratoire lashionable que sur le socle d’un
autel ou sous la niche d’un portail. »

Cette opinion, toutefois, n’était pas partagée par les confrères de
l’illustre critique.

En somme, Eugène Delaplanche a été un sculpteur correct, irrépro-
chable, mais il a toute sa vie, cherché, sans la trouver, cette formule
personnelle qui caractérise les vrais maîtres.

L’Administrateur-Gérant : SILVESTRE
Glyptographie SILVESTRE & C", rue Oberkampf, yj, à Paris.
 
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