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L'ART ORNEMENTAL.
En ce qui concerne plus particulièrement les brûle-parfums, ils présen-
tent en général quelques parties de bronze sombre qui forment un heureux;
contraste avec les parties recouvertes d'émail. Le couvercle est toujours
percé à jour, afin que la fumée du foyer puisse s'échapper librement. Dans
les brûle-parfums indous on voit souvent la partie inférieure, le récipient,
reposer sur des éléphants. Il repose ici sur des oiseaux: de haute taille
qui rappellent la forme du casoar et dont le cou est replié dans un mouve-
ment très naturel de flexion. Les dragons fantastiques qui forment les
anses sont, comme on en peut juger, de l'effet décoratif le plus intense.
Cette superbe pièce fait partie de la collection du roi des Belges.
Porte latérale de l'église de Thann.
La jolie église de Thann, dit M. R. Ménard, doit son origine à un événe-
ment miraculeux. Il y avait à Spolôte, en Italie, un saint évêque nommé
Thiébaud, dont la charité était inépuisable. Quand il mourut, toute la
contrée fut consternée; mais son domestique, natif des Pays-Bas, songeant
qu'il lui était dû quelques gages dont il ne serait jamais payé, puisque
Thiébaud qui donnait aux pauvres tout ce qu'il avait ne laissait rien à ses
héritiers, résolut de dérober au moins une relique du saint homme et lui
coupa le pouce. Il le cacha dans son bourdon de pèlerin et prit la route de
son pays, pensant que la relique lui porterait bonheur. Comme il était en
Alsace, il arriva dans une lande stérile'connue aujourd'hui sous le nom de
l'Ochsenfeld. C'est un lieu désolé où il ne pousse ni arbustes ni plantes
d'aucune sorte, car Attila a livré en ce lieu un combat terrible et l'herbe s'est
desséchée sous les pas de son cheval. Ayant traversé cette lande, le pèlerin
fatigué s'endormit et planta son bourdon à côté de lui contre un arbre.
Mais quand il s'éveilla, il ne put retirer son bâton du sol et alla quérir des
paysans qui firent comme lui des efforts inutiles pour enlever ce bâton.
En même temps on vit une lueur s'élever par trois fois de l'arbre.
CUL-DE-LAMPE DE SÉBASTIEN LeCLERC.
Le seigneur du château voisin, voulant savoir la cause de ce prodige,
interrogea le pèlerin qui, effrayé, avoua son larcin. Alors tout le monde
se jeta à genoux, car on reconnut que saint Thiébaud voulait être honoré
en ce lieu, où s'éleva l'église qui lui est consacrée.
Si maintenant on passe de la légende à l'examen du monument, on
voit qu'il appartient à différentes époques. Le portail principal est du
xmc siècle, la nef du xiv° et le portail latéral du xv°. Ce portail que nous
reproduisons est de la plus. exquise élégance. Il comprend deux portes
séparées par un pilier que surmonte une statue de la Vierge.
Armoire (frontière suisse).
Pendant la première moitié du xvi" siècle, dit M. Bonnaffé, l'armoire
proprement dite n'est pas un élément essentiel, indispensable, du mobilier
civil. Corrozet, qui blasonne le lit, la chaise, le banc, la table, le dressoir,
le coffre, la scabelle, « toute décoration d'une maison honneste et le mesnage
étant en icelle », ne parle pas de l'armoire. Presque tous les meubles de
cettj famille qui nous sont parvenus proviennent de sacristies : hauts, larges,
triangulaires, composés d'une sorte uniforme de petits panneaux séparés
par des fuseaux et des clochetons, ils ressemblent à une partie détachée
d'un lambris dont on aurait fait un meuble. Ce qu'on appelle armoire à
cette époque dans la vie usuelle n'est, le plus souvent, qu'un espace vide
ménagé dans le mur et recouvert par la boiserie dont les panneaux font
guichet.
La véritable armoire indépendante, l'armoire-meuble, à deux étages
et à vantaux, d'un modèle si connu, ne paraît pas avant la fin du règne de
Henri II. Elle doit son origine à la réforme générale opérée par les
maîtres de Fontainebleau.
Chaque contrée a son type particulier d'armoire, que les amateurs
reconnaissent à des signes certains. Celle que nous reproduisons est un
spécimen de fabrication semi-lyonnaise. La forme, la facture particulière,
la qualité du noyer paraissent indiquer une origine mixte, riveraine de la
Suisse jurassienne ou franc-comtoise.
G. Darc.enty.
Paris. —
Imprimerie de l'Art, j. Rouam, imprimeur-éditeur, 41, rue Je la Victoire
Le Gérant : EUGÈNE VÉRON,
L'ART ORNEMENTAL.
En ce qui concerne plus particulièrement les brûle-parfums, ils présen-
tent en général quelques parties de bronze sombre qui forment un heureux;
contraste avec les parties recouvertes d'émail. Le couvercle est toujours
percé à jour, afin que la fumée du foyer puisse s'échapper librement. Dans
les brûle-parfums indous on voit souvent la partie inférieure, le récipient,
reposer sur des éléphants. Il repose ici sur des oiseaux: de haute taille
qui rappellent la forme du casoar et dont le cou est replié dans un mouve-
ment très naturel de flexion. Les dragons fantastiques qui forment les
anses sont, comme on en peut juger, de l'effet décoratif le plus intense.
Cette superbe pièce fait partie de la collection du roi des Belges.
Porte latérale de l'église de Thann.
La jolie église de Thann, dit M. R. Ménard, doit son origine à un événe-
ment miraculeux. Il y avait à Spolôte, en Italie, un saint évêque nommé
Thiébaud, dont la charité était inépuisable. Quand il mourut, toute la
contrée fut consternée; mais son domestique, natif des Pays-Bas, songeant
qu'il lui était dû quelques gages dont il ne serait jamais payé, puisque
Thiébaud qui donnait aux pauvres tout ce qu'il avait ne laissait rien à ses
héritiers, résolut de dérober au moins une relique du saint homme et lui
coupa le pouce. Il le cacha dans son bourdon de pèlerin et prit la route de
son pays, pensant que la relique lui porterait bonheur. Comme il était en
Alsace, il arriva dans une lande stérile'connue aujourd'hui sous le nom de
l'Ochsenfeld. C'est un lieu désolé où il ne pousse ni arbustes ni plantes
d'aucune sorte, car Attila a livré en ce lieu un combat terrible et l'herbe s'est
desséchée sous les pas de son cheval. Ayant traversé cette lande, le pèlerin
fatigué s'endormit et planta son bourdon à côté de lui contre un arbre.
Mais quand il s'éveilla, il ne put retirer son bâton du sol et alla quérir des
paysans qui firent comme lui des efforts inutiles pour enlever ce bâton.
En même temps on vit une lueur s'élever par trois fois de l'arbre.
CUL-DE-LAMPE DE SÉBASTIEN LeCLERC.
Le seigneur du château voisin, voulant savoir la cause de ce prodige,
interrogea le pèlerin qui, effrayé, avoua son larcin. Alors tout le monde
se jeta à genoux, car on reconnut que saint Thiébaud voulait être honoré
en ce lieu, où s'éleva l'église qui lui est consacrée.
Si maintenant on passe de la légende à l'examen du monument, on
voit qu'il appartient à différentes époques. Le portail principal est du
xmc siècle, la nef du xiv° et le portail latéral du xv°. Ce portail que nous
reproduisons est de la plus. exquise élégance. Il comprend deux portes
séparées par un pilier que surmonte une statue de la Vierge.
Armoire (frontière suisse).
Pendant la première moitié du xvi" siècle, dit M. Bonnaffé, l'armoire
proprement dite n'est pas un élément essentiel, indispensable, du mobilier
civil. Corrozet, qui blasonne le lit, la chaise, le banc, la table, le dressoir,
le coffre, la scabelle, « toute décoration d'une maison honneste et le mesnage
étant en icelle », ne parle pas de l'armoire. Presque tous les meubles de
cettj famille qui nous sont parvenus proviennent de sacristies : hauts, larges,
triangulaires, composés d'une sorte uniforme de petits panneaux séparés
par des fuseaux et des clochetons, ils ressemblent à une partie détachée
d'un lambris dont on aurait fait un meuble. Ce qu'on appelle armoire à
cette époque dans la vie usuelle n'est, le plus souvent, qu'un espace vide
ménagé dans le mur et recouvert par la boiserie dont les panneaux font
guichet.
La véritable armoire indépendante, l'armoire-meuble, à deux étages
et à vantaux, d'un modèle si connu, ne paraît pas avant la fin du règne de
Henri II. Elle doit son origine à la réforme générale opérée par les
maîtres de Fontainebleau.
Chaque contrée a son type particulier d'armoire, que les amateurs
reconnaissent à des signes certains. Celle que nous reproduisons est un
spécimen de fabrication semi-lyonnaise. La forme, la facture particulière,
la qualité du noyer paraissent indiquer une origine mixte, riveraine de la
Suisse jurassienne ou franc-comtoise.
G. Darc.enty.
Paris. —
Imprimerie de l'Art, j. Rouam, imprimeur-éditeur, 41, rue Je la Victoire
Le Gérant : EUGÈNE VÉRON,