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L' art ornemental: revue hebdomadaire illustrée — 1.1883

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Nr. 40 (3 Novembre 1883)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19485#0185

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L'ART ORNEMENTAL.

de mains vulgaires. Les peintres, les statuaires, les décorateurs unissaient
leurs efforts pour composer des cénotaphes qui étaient de véritables monu-
ments dignes d'attirer l'attention du public, et qui la fixaient si bien que
les chroniques en détaillaient l'aspect ingénieux et varié et célébraient les
frères Slodtz à l'égal des plus fameux artistes. C'étaient, en effet, de fort
habiles gens. Tour à tour dessinateurs du Cabinet du Roi, ils partagèrent
avec les intendants des Menus-Plaisirs, les de Cindré, les de Bonneval, de
Curis, Papillon de la Ferté, le renom d'organisateurs des fêtes officielles.
Les catafalques qu'ils élevèrent furent aussi des divertissements pour les
yeux et des spectacles à part.

Les deux aînés débutèrent dans le service funèbre du maréchal de
Villars. Trois mois après, en avril rj35, ils organisèrent pour la reine de
Sardaigne une autre pompe commémorative que reproduit notre estampe,
et là, dédaignant les inscriptions et emblèmes qui composaient les catafal-
ques sous Louis XIV, nos sculpteurs introduisirent des figures ronde bosse
de plusieurs mètres d'élévation. Le Temps, une faux à la main, moissonne
sceptres, mitres et tiares, casques, livres et houlettes. Religion et Piété,
Espérance, Libéralité, Prudence, Charité, perfections de la royale défunte,
témoignent par leur attitude qu'elles défendent la mémoire de la princesse.
En 1741, la seconde femme du roi de Sardaigne meurt. Voilà qui pourrait
embarrasser les Slodtz : même pays, même rang princier, mêmes vertus
officielles. Point. Les frères recourent à l'allégorie. Le vieil Océan, étendu
sur un char entr'ouvert, figure l'abîme où les fleuves ainsi que les ruisseaux
vont se perdre à la fin de leur course. La Dore, rivière du Piémont, belle
nymphe couronnée, se précipite dans le gouffre fatal. Deux ruisseaux, deux
enfants tout en pleurs, ainsi qu'une naïade qui représente l'amour et la
fidélité des peuples de Sardaigne, s'efforcent de la retenir. Au-dessus du
catafalque, la Mort, une couronne au front et armée de sa faux, plane de
ses noires ailes sur sa victime et semble ta regarder. On peut voir cette
estampe à la Chalcographie du Louvre. Les funérailles et le service de la
Dauphine, en 1746, fournissent une double occasion aux Slodtz : Saint-
Denis et Notre-Dame leur prêtent encore leurs vastes nefs. Les estampes
de Cochin, également à la Chalcographie, montrent qu'ils réussirent. En
cette occasion ils eurent tout l'honneur. Le peintre des Menus-Plaisirs,
Perrot, les avait secondés jusqu'alors dans les détails de couleur. Cette
année-là ils demeurèrent seuls. Seuls aussi le i5 décembre de la même
année pour organiser la pompe funèbre de Philippe V d'Espagne. La reine
de Pologne succombe en 1747 et les Slodtz conduisent encore ce deuil.

Puis vient Michel-Ange, le frère cadet, l'auteur du catafalque du roi et
de la reine d'Espagne que nous reproduisons. Cette œuvre décorative fut
si remarquée à cause de « la noblesse et la simplicité que son auteur y
avait déployée, qu'elle faillit lui mériter la croix de Saint-Michel ».

Dix planches de Martinet font de cette fête funèbre le modèle des pom-
pes du siècle dernier.

Mais c'eût été trop peu à la cour qu'une entente exclusive des grandes
ordonnances funèbres. Les contemporains de nos artistes dansaient et
menaient leurs plaisirs entre deux deuils. Il fallait les amuser. Les Slodtz
y réussirent et nombre de fêtes du règne de Louis XV furent leur ouvrage :
naissance du Dauphin, mariage de Madame Première, noces du Dauphin,
naissance du duc de Bourgogne, réjouissances données parle duc d'Orléans
pour la convalescence du Dauphin. C'est là, dans ce parc de Saint-Cloud,
que les Slodtz se rencontrèrent avec les Ruggieri, chefs de la fameuse
dynastie d'artificiers que tout le monde connaît. Resté seul, Michel-Ange
ne crut point déroger en se mêlant d'habits de bal, de costumes d'opéras,
de travestissements. On peut voir ses dessins à la Bibliothèque de l'Aca-
démie nationale de musique. Non seulement Slodtz fréquentait les mar-
chands de masques et de dominos, les panachers du roi, les tailleurs à
facettes, il réglait encore les danses de la cour, décorait la salle du ballet,
la fleurissait, la festonnait.

Michel-Ange Slodtz mourut le 20 octobre 1764. Ce fut le plus célèbre
des trois frères. 11 a fait quelques ouvrages remarqués : à Saint-Pierre-de-
Rouen, un Saint Bruno: à Saint-Louis-des-Français, le mausolée de
Wleughels, directeur de l'Académie de France; le tombeau du curé de
Saint-Sulpice; celui du cardinal d'Auvergne, à Vienne en Dauphiné; la
décoration du chœur de Saint-Oermain-l'Auxerrois, etc.

Le temps de ces grandes pompes est passé. Il n'est plus aujourd'hui
de personnage assez important pour qu'on se donne la peine d'organiser
en son honneur des fêtes funéraires aussi somptueuses que celles qui don-
naient lieu à ce développement de luxe. 11 est intéressant cependant d'avoir
une idée de ce qu'étaient ces fêtes et de se rendre compte des arrangements
 
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