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L' art ornemental: revue hebdomadaire illustrée — 1.1883

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Nr. 41 (10 Novembre 1883)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19485#0189

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IÔ2

L'ART ORNEMENTAL.

pyramide une haute couverture d'ardoise. Les pavillons qui s'avançaient à
droite et à gauche du grand corps de logis se reliaient à deux ailes en
arcades dont les clefs avaient été décorées de mascarons. L'hôtel resta
ainsi durant un siècle : quelques légères décorations furent exécutées en
1578, par Jean Androuet du Cerceau, architecte de Louis XIII, pour le
compte de la nouvelle propriétaire, la veuve du baron de Kernavanoy ou
de Carnavalet, comme on l'appelait à la cour. Mais, en 1660, l'état de
l'édifice réclama absolument une restauration. Mansard en fut chargé et
s'attacha à conserver les travaux des artistes primitifs, tout en remaniant
l'ensemble de la construction, à laquelle il imprima le caractère de son
talent et de son époque. Le peu qu'il laissa du plan de Pierre Lescot suffit
néanmoins à rappeler le style de la Renaissance. De la façade il ne resta
que le portail, dont les bossages furent vermiculés et auquel furent adaptés
les deux lions placés auparavant du côté de la cour. La forme des combles
fut changée, les bâtiments élevés à la même hauteur; les deux ailes en
arcades furent murées; de grandes sculptures décoratives furent ajoutées
par Van Obstal : enfin l'édifice prit un caractère plus monumental.

Il y avait déjà plusieurs années que l'hôtel avait été ainsi transformé,
quand Mme de Sévigné le vit, en 1677, et conçut le désir de le louer. Elle

rêvait alors de se réunir avec sa fille dans une habitation commune. La
Carnavalette, comme elle appelait l'hôtel, faisait admirablement son affaire.
La belle marquise formait d'avance ses plans : ici elle établirait sa cham-
bre, là son cabinet de travail; Mme de Grignan aurait son appartement
près du sien. Malheureusement ces beaux projets ne paraissaient pas
devoir se réaliser tout seuls, car l'hôtel était loué à la famille de Lillebonne
qui n'était pas tout à fait décidée à l'abandonner. L'ami d'Hacqueville
était chargé de la négociation, et comme le propriétaire de l'immeuble,
M. d'Agaurry, habitait le Dauphiné, il s'en suivait des retards insuppor-
tables à Mme de Sévigné. Enfin l'affaire aboutit.

Dans les lettres inédites de la marquise on trouve plusieurs passages
relatifs à l'hôtel. L'une de ces lettres surtout, écrite à Mme de Grignan et
datée du 12 octobre 1677, donne des détails ignorés sur la distribution des
chambres de l'hôtel : « Cette maison est tellement grande, écrit Mme de
Sévigné, que ce n'est pas une affaire de loger encore mon fils. Il y a quatre
remises de carrosses; on en peut faire une cinquième; l'écurie pour dix-
huit chevaux. Je crois que nous serons fort bien. Adressez-y désormais
vos lettres : A l'hôtel Carnavalet, rue des Filles-Bleues, voilà l'affaire... Le
jardin est parfaitement beau et propre ; je croyais que ce fût un manège,

Fronton de porte
sculpté par Jean Goujon dans la cour intérieure de l'hôtel Carnavalet. — Dessin de L. Carred.

tant M. et Mmc de Lillebonne sont sales; mais j'ai été trompée : écrivez-
moi sur tout cela. »

Mmc de Sévigné habita l'hôtel Carnavalet jusqu'à la fin de sa vie, et
pendant vingt ans tout ce que la société parisienne comptait d'illustrations
passa dans ses salons. Après la mort de l'illustre écrivain, la Carnavalette
devint la propriété d'un fermier général, Brunet de Rancy, puis passa à la
famille de Pommereul. Pendant la Révolution on y installa le bureau de
la librairie; sous l'Empire il servit de local à l'Ecole des ponts et chaussées,
et en 1829 un pensionnat de jeunes gens y fut établi; l'hôtel devint l'insti-
tution Verdot.

L'aspect extérieur de l'hôtel, tel qu'il est aujourd'hui restauré, est la
reproduction de ce qu'il était au siècle dernier. La porte rappelle Pierre
Lescot.

A la clef de voûte se trouve l'Abondance, figure ailée, debout, les
pieds posés sur un masque. Dans le tympan de l'arcade sont de petits
génies portant des palmes et qui soutiennent'un écusson vide aujourd'hui,
dans lequel se trouvaient autrefois les armoiries de la famille Carnavalet.
Ces amours pourraient bien être de Germain Pilon. Quant à la Renommée
du claveau aux deux lions et aux Renommées de l'intrados de la porte
intérieure, elles sont dues au ciseau de Jean Goujon.

Les douze figures colossales qu'on voit en bas-relief, dans la cour,

sur les trumeaux du premier étage, 'sont d'inégale valeur. Les plus belles,
celles du fond, sont de l'école de Jean Goujon, mais ne sont point du
maître lui-même ; celles de gauche ont été faites par Van Obstal: on ignore
l'auteur des figures de droite.

Le beau côté de l'hôtel est le côté gauche en entrant dans la cour.
Là, tout est parfait, depuis le choix des matériaux jusqu'à l'exécution des
œuvres d'art.

C'est en 1866 que la ville de Paris acheta l'hôtel Carnavalet pour y
installer un musée destiné à se rattacher à l'œuvre historique de la ville
de Paris. On devait y réunir toutes les pièces pouvant servir à l'étude de
la grande cité. A côté de l'histoire écrite, il s'agissait de former l'histoire
matérielle de Paris; on voulait fournir aux arts et aux industries des mo-
dèles; on rêva le musée de la vie civile des Français. Meubles, costumes,
armes, architecture, peinture, ce musée aurait compris à lui seul tous les
musées de Paris. C'eût été quelque chose de grandiose. Malheureusement
l'affaire fut mal engagée et mal conduite. On acheta à tort et à travers. On
accepta et on classa quantité d'objets sans intérêt, si bien que le jour où,
après les événements de 1870, on voulut examiner de près cette collection
on n'y trouva presque rien à utiliser. Les objets intéressants se trouvaient
n'avoir aucun point de contact avec Paris et leur vente fut résolue. Elle ne
produisit presque rien. Depuis, la création sérieuse d'un musée municipal
 
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