L' art pour tous: encyclopédie de l'art industriel et décoratif (44.1905)

Praeteriti fides, spes futuri.

L'ART POVR TOVS

NOVVELLE SÉRIE, 1905
(XUVrae année). N° 6.

PETIT POPJEEEVILLE DE « L'ART POVR TOYS »
L'ART DÉCORATIF A TRAVERS LES AGES

II. LES CLOCHES'

ARIS, Bologne, bien d'autres
villes, sont réputées, au XIIIe
siècle, pour leurs belles et
grandes cloches. La tour de
l'église abbatiale de Moissac
(Tarn-et-Garonne) en possé-
dait, avant 1845, une de l'"40
de diamètre et de lm20 de
haiiteur, sans les anses, qui
s'appelait Paul et avait été
fondue en 1273 par un certain
Gaufrid ; d'après l'inscription
de cette cloche, ce même per-
sonnage avait fondu les autres cloches du même clocher,
lesquelles égalaient, croit-on, le nombre des apôtres. Viollet-
le-Duc, qui a décrit et dessiné cette cloche, dit qu'elle était
fort belle — on en jugera par notre figure V — d'une fonte
admirable, où le cuivre entrait certainement pour une forte
part, non retouchée au burin et d'un son plein. Elle avait
pour tout ornement l'inscription en deux lignes, placée entre
le vase et le cerveau, dont nous avons déjà parlé, inscrip-
tion accompagnée d'une petite figure de la Vierge et d'em-
preintes de sceaux. La première ligne de ce texte avait été
façonnée au moyen de filets de cire appliqués sur le modèle
et ce travail était si soigné que tous les fins linéaments des
lettres étaient parfaitement venus ; les empreintes de sceaux
étaient aussi nettes que si on les avait obtenues avec de la
cire d'Espagne. Nous donnons, d'après Viollet-le-Duc, un
A extrait de ce texte campanaire, qui montre bien le procédé
employé, malgré la légère réduction de la figure, et, ci-des-
sus, d'après Claude Sauvageot, un fragment des deux lignes
de l'inscription. On jugera, d'après ce dernier, de l'élégance
et de la variété des caractères en onciales qu'un fondeur
véritablement artiste pouvait seul imaginer. Du reste, la
cloche de Moissac n'était pas la seule à posséder des lettres

1 Suite. Voyez p. 14 et 17 et les figures données avec le n' 4.

La vignette qui orne l'en-tête de cette page reproduit un fragment
de l'inscription de la cloche de Moissac, de 1273.

obtenues par ce procédé ; celle de Fontenailles, dont il a
déjà été question ( 7") offrait un texte constitué d'une manière
analogue, quoique beaucoup plus ancien (1202). Pour en
revenir à la cloche de Moissac et à son inscription, la
seconde ligne de celle-ci, moins importante peut-être au point
de vue artistique et dont on pourra juger également par
notre figure de tête, la seconde ligne offre un choix de carac-
tères moins fantaisistes, mais d'une grande pureté de dessin.

citer encore parmi les
cloches fameuses du
XIIIe siècle celle que
l'abbé de Saint-Just-
en-Chaussée avait fait
fondre en 1250 et qui
pesait, paraît-il, au
moins 2000 kilogr.
Les miniatures et les
sculptures pourraient
au besoin nous offrir
d'abondants rensei-
gnements sur les clo-
ches de la même époque, et, tout au moins, sur leur instal-
lation dans les clochers, leur nombre et leurs dimensions.
Un apocalypse manuscrit de la Bibliothèque nationale
montre une paire de clochettes destinées à accompagner la
croix du viatique et qui, chose assez curieuse, ont la forme
de grandes cloches, avec une triple anse et non un manche.
Sur la façade occidentale de la cathédrale d'Amiens, un
bas-relief représente un évêque ordonnant à un clerc de
sonner la cloche suspendue dans une arcade, au pignon
d'une église. Au musée de Brunswick on conserve une
grosse cloche de 1270, qui provient de Saint-Michel d'Hil-
desheim ; on y lit une inscription en belles capitales romanes
de 30 ou 35mm. La hauteur est de lm54, le diamètre de lm14,
le poids de 1094 kilogr. On peut encore citer pour l'Alle-
magne une cloche de 1234, près Eisleben (Mersburg) ; une
à Wûrzbourg dans la Burchardikirche, de 1249 ; dans le
dôme de Minden, une cloche de 1252 ; à Fribourg en Bris-
gau, une de 1258 ; à Saint-Pierre d'Aix-la-Chapelle, une de
1261 ; à Moringen (Hanovre), une de 1263 ; à Lahude
(Hanovre), une de 1278, très évasée.