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L' art pour tous: encyclopédie de l'art industriel et décoratif — 44.1905

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No. 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.22779#0044
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L'ART POVR TOVS

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d'armoiries ou d'infimes détails empruntés à droite et à
gauche.

La cloche de Schaffhouse dont nous donnons un dessin
(H/1), célèbre pour avoir inspiré le poème de La Cloche, de
Schiller, appartenait (car elle a été refondue) à un type de
cloche fréquent dans l'Europe centrale à la fin du XVe et
au début du XVIe siècle ; l'ornementation en est sobre,
bornée à de minces filets d'arcatures ogivales accompagnant
les inscriptions en caractères gothiques minuscules. La
cloche de Genève, 1609 (D/)), donne un type de cloche pro-
testante où l'on remarque cependant une tentative de décor
en feuilles d'acanthe assez bien exécutées ; la feuille d'acanthe
devient, du reste, courante sur les cloches à partir de cette
époque, ainsi que les guirlandes fleuries, les chérubins et
les mascarons, les rinceaux divers. Autre type de cloche
protestante, celle de La Neuveville, de 1577 (CC), refondue
malheureusement il y a quatre ou cinq ans, où les figures
de saints étaient remplacées par une danse d'ours de Berne
et de petits génies due à un excellent modeleur ; œuvre de
François Sermond, de Bormio, cette cloche marquait une
des étapes de cet artiste, dont on retrouve encore les tra-
vaux en Suisse, dans l'Isère, la Haute-Savoie, etc. On
n'ignore pas, en effet, que les fondeurs ont été fort long-
temps ambulants ; c'est ce qui explique l'aire souvent fort
vaste de produits identiques. La grande facilité du surmou-
lage leur permettait aussi d'augmenter ou de transformer
incessamment leur matériel de moules ; on peut se rendre
compte par là des analogies qui existent parfois entre des
cloches de fondeurs et même d'époques différentes.

Les inscriptions, façonnées dans les moules pour chaque
cloche, pendant les XIII6 et XIVe siècles, ainsi que le dé-
montre la lettre A reproduite plus haut, sont faites, à partir
de la fin du XVe, au moyen de caractères de plomb ou de
bois servant à imprimer chaque lettre sur une petite plaque
de cire que l'on appliquait sur le modèle avant de faire
le creux ; par suite de ce procédé, les lettres se trouvent
inscrites chacune dans une petite tablette plus ou moins
décorée, ainsi que l'indique le P publié ici, copié sur l'ins-
cription d'une des cloches de la cité de Carcassonne, fondue
vers le milieu du XVIe siècle.

*

Quelques lignes suffiront pour résumer l'histoire des
cloches que nous venons d'esquisser. Nous les trouvons
dès la plus haute antiquité, et les Romains nous en auraient
sans doute laissé de plus grands spécimens, si le prix du
métal ne nous les avait dérobés. Les règles de silence, im-
posées d'abord aux chrétiens persécutés, sont abrogées par
leur triomphe, et les cloches paraissent aussitôt dans la
liturgie en signe de victoire. Les campaniles de Ravenne,
qui ont dû abriter dès le Ve siècle ces cloches primitives,
semblent encore debout comme des témoins vénérables de
leur existence. Saint Grégoire, Fortunat, Bède, confirment
dans leurs écrits l'antique usage des cloches.

Une nombreuse suite de monuments se présente à nous
portant sur eux le souvenir et les noms des saints celtiques ;

l'Ecosse, l'Irlande, la Belgique montrent encore avec orgueil
leurs cloches qui rappellent les exploits apostoliques de
nombreux saints. Ces cloches, signe d'autorité épiscopale
égal à la crosse, ont traversé douze siècles protégées par
une infatigable vénération, qui nous vaut aujourd'hui la
conservation de ces reliques liturgiques.

Les cloches à main n'excluent pas, à la même époque, les
cloches de plus fortes dimensions, qui retentissent dans les
solitudes saxonnes pour réunir les religieux qui les défrichent
et vont les civiliser.

Avec l'ère carlovingienne s'ouvre, pour les cloches comme
pour tous les arts, une période plus prospère. Le grand
Charles encourage les fondeurs et ne craint pas de jeter
dans le creuset de leur bronze de riches alliages d'argent. Il
s'occupe des cloches dans ses capitulaires.

Les inscriptions se multiplient sur les coupes sonores ;
pour nos pères une cloche est un être vivant, un prédicateur
qui proclame dans les rues les vérités divines ; elle a une
langue, une voix ; elle se réjouit, elle pleure, elle gémit, elle
éclate en sanglots, elle s'unit aux tristesses, aux joies de la
terre comme un écho du ciel ; elle est si bien un être vivant,
qu'elle est ointe, sacrée, baptisée, qu'elle porte un nom ; une
ceinture de poétiques inscriptions la serre, comme un chaste
emblème ; elle est l'intermédiaire entre la misère et les
effrois de l'homme et la colère divine. C'est la cloche qui
parle fièrement au tonnerre et qui doit en détourner les
coups et les doux éclats de ses harmonies combattent au
milieu des nuages le redoutable fracas de la foudre ; elle
sert de bouclier contre ses flèches enflammées ; enfin cette
corde, qui pend jusqu'au fond de la tour et qui la rend
accessible à nos mains, est un lien qui la rattache à la terre,
un bras tendu vers nous pour nous secourir.

Ce symbolisme, que l'on peut approuver ou non, mais qui
ne manque pas de charme poétique en tout cas, paraît sur
les inscriptions ou dans les commentaires des pères ; nous
l'avons vu répété par Rupert de Tuitz, Durand de Mende
et l'époque romane, dans sa vénération pour les cloches,
leur élèvera les robustes tours des rives du Rhin, le campa-
nile de Périgueux, la gracieuse tour de Pise, toute dentelée
d'arcatures. (La fin prochainement.)

Saint Georges sur une cloche de Genève, 1460.

Librairies-Imprimeries réunies, éditeurs, Paris. - Le gérant : Ch. Eggimann.
 
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