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L' art pour tous: encyclopédie de l'art industriel et décoratif — 44.1905

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https://doi.org/10.11588/diglit.22779#0056
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L'ART POVR TOVS

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manque, elle n'est rappelée que par une tête de dauphin
dont il reste un fragment.

Le duc de Devonshire possède la crosse qu'on attribue à
saint Carthag, premier évêque de Lismore, au VIIe siècle ;
elle est recouverte de bronze, ornée d'arabesques et porte
sur son étui de métal une inscription dans laquelle l'artiste
Nechtain demande une prière pour lui et pour l'évêque de
Lismore (f 1113). On peut très bien la comparer à celle des
abbés de Clonmacnoise (comté de Meath), la plus riche et
la plus élégante, la mieux conservée du musée de Dublin (B).

La volute de cette dernière, de forme ordinaire, est ornée
de riches entrelacs en incrustations qui n'altèrent en rien
son galbe ; la crête, ajourée, se compose d'une suite de
chiens se mordant la queue ; sur la face de la volute, sous
la tête de dragon qui la termine, une figurine d'évêque avec
la mitre et la crosse, bénit de la main droite. Cette sculpture
ne peut guère remonter au-delà de l'époque romane et pré-
sente un jalon important pour le classement chronologique
de cet étui ; elle offre aussi une garantie précieuse du respect
de l'artiste pour la forme de l'ancienne crosse, à laquelle il
n'a pas cherché à imposer celle de son époque qu'il s'est
contenté de copier sur cette image épiscopale. Au-dessous
de la volute, on voit un nœud ovoïde décoré de triangles,
guilloché d'entrelacs, avec des pierres ou perles aux inter-
sections ; plus bas, des chimères aux cous enlacés ; la hampe
unie porte un second nœud, simplement décoré d'arabesques
incrustées, puis, en bas, au-dessus de la pointe, un troisième
nœud pareil au premier.

On retrouve la singulière idée de la crête avec les chiens
dans la crosse de saint Colman Mac-Duagh, évêque et confes-
seur, au VII0 siècle, dans l'ancienne province de Connaught
(Irlande). L'exécution est beaucoup plus grossière ; le col,
simplement orné d'une résille, avait jadis des pierres aux
intersections, mais elles ont presque toutes disparu. Celle-ci
fait aussi partie des collections de Dublin.

Le bâton de saint Moluag, de Lismore, appelé vulgaire-
ment « the Bachuil-More », appartient au duc d'Argyle ; il
affecte la forme d'un S très ouvert, la volute est peu accusée ;
il conserve encore quelques vestiges du cuivre doré, dont
on l'avait recouvert selon l'usage et qu'on avait fixé au bois
par des rivets ; il est long de deux pieds dix pouces. La
forme singulière des crosses dont nous avons parlé se trouve
répétée sur quelques-uns des rares manuscrits de ces temps
anciens et sur quelques sculptures de la même époque.

La crosse de saint Fillan, déposée aujourd'hui au musée
d'Edimbourg, offre, dans son histoire, des péripéties trop
curieuses pour n'être pas notées, d'autant que nous y relè-
verons la preuve du prix qu'elle a toujours eu.

En 1782, un étudiant du collège de Christ-Church, à
Oxford, passait par Killin, près du lac Tay, et vit dans la
maison d'un paysan, Malise Doire, une crosse que le peuple
appelait la « Quigrich », et qui provenait de saint Fillan.
Une charte du roi Jacques III (1487) assurait la possession
de cette relique à, la famille dont les ancêtres avaient déjà
la garde avant le roi Robert Bruce (1428). Le voyageur se
hâta de faire part de sa découverte à la Société des anti-
quaires d'Ecosse, pour l'engager à acquérir ce trésor, mais

il dut ajouter sur le dos de sa lettre que le propriétaire était
émigré en Amérique en emportant la relique. La Société
finit par retrouver ses traces au Canada et, en 1876, elle
en fit l'acquisition pour en gratifier le musée d'antiquités
d'Edimbourg. La Quigrich est une volute d'or ou d'argent,
dans le genre de celles du musée de Dublin ; elle est ornée
de huit losanges dessinés par des rubans incrustés. Des
nielles sont disposés dans les compartiments. La crête n'a
pas la légèreté de celles de Dublin, elle doit être une addition
postérieure. Le front de la volute est orné d'un buste de
prêtre et d'un gros cabochon en cristal de roche ; elle a
0"'24 de hauteur. Or, cette volute n'est que le reliquaire
d'une volute plus simple en bronze, avec losanges dessinés
en incrustations par des rubans d'argent ; et cette dernière
ne doit être à son tour que la châsse de la crosse primitive
en bois, à laquelle la vénération des siècles aurait ainsi
prêté successivement deux enveloppes magnifiques. Nous
sommes donc, ici, en présence de trois objets allant du
XIIe au VIIe siècle.

Il est difficile de dater les crosses que nous venons d'exa-
miner ; la tradition immémoriale qui s'attache à la plupart
d'entre elles, leur forme qui s'écarte des crosses carlovin-
giennes, les font certainement remonter au delà, et per-
mettent de vénérer, dans ces reliques, la mémoire des saints
dont elles ont conservé le nom à travers tant de siècles.
Quant aux riches enveloppes dont on les a revêtues et qu'on
peut accepter comme une authentique déjà fort ancienne,
elles sont d'époques incertaines. Leurs entrelacs les rap-
prochent des pierres sculptées d'Ecosse, mais l'époque de
ces pierres n'est pas précise et les entrelacs ne sont pas
toujours une caractéristique chronologique bien sûre ; en
tout cas, les plus tardives de ces châsses ne doivent pas
dépasser la fin du XIIe siècle; l'Irlande, conquise en 1171
par les Normands, ne vit sans doute plus guère orner des
reliques qui rappelaient ses saints, sa liberté et ses traditions.

Nous avons déjà eu l'occasion, dans le cours de nos
études, de suivre, sur le continent, l'influence de l'Irlande
qui envoyait, avec ses missionnaires, sa foi, ses usages et
ses arts, jusqu'en Allemagne. Les crosses durent aussi y
être reçues et copiées par les nouveaux chrétiens. Saint
Colomban (f 646), le fondateur de Luxeuil, avait sans doute
apporté d'Irlande son bâton pastoral ; nous lisons dans la
vie de saint Gall, qu'il le laissa après sa mort à ce disciple.

Saint Germain, abbé de Granfel (y 677), avait été moine
à Luxeuil ; il dut y prendre les goûts et les usages d'Irlande.
On pourra trouver une certaine analogie entre sa crosse que
l'on conserve à Délémont et celles qui viennent d'être exa-
minées. Cette crosse est ttn simple bâton pastoral recourbé
à la partie supérieure comme une canne moderne ; elle a
l'"10 de haut sur 0"'024 d'épaisseur dans le haut et un peu
moins dans le bas. Elle est recouverte dans toute sa lon-
gueur d'une lame d'argent en quatre feuilles ; chaque feuille
est battue au marteau, fixée par de petits clous d'argent
espacés d'environ 0ra012 ; les jointures entre les quatre tubes
sont recouvertes d'un anneau d'argent, dont deux ornés de
jolis dessins. La volute est recouverte d'une légère plaque
d'or, ornée de rinceaux et d'incrustations d'émail d'un vert
 
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