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L' art pour tous: encyclopédie de l'art industriel et décoratif — 44.1905

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https://doi.org/10.11588/diglit.22779#0066
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L'ART POVR TOVS

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monnaies, changeait pour chaque souverain. » On remar-
quera, du reste, avec quel soin la figure est gravée et on
peut se demander s'il n'y a pas eu là intervention d'un
ciseleur plus habile que celui qui a exécuté le reste de
l'effigie.

Reprenons, toujours d'après le savant conservateur du
Cabinet des médailles, la description générale de la coupe.
« Autour du grand médaillon central, on voit trois rangées
concentriques de disques colorés, translucides, alternative-
ment blancs et rouges. Les disques blancs sont en cristal de
roche ; les disques rouges en verre coulé ; les uns et les
autres sont décorés d'un fleuron épanoui, gravé en relief
(pour les cristaux) comme le médaillon du milieu. Des
losanges et des triangles, remplis par des verres unis, de
couleur verte, sont aussi découpés à jour dans les intervalles
ménagés entre les trois rangées des disques circulaires.
Enfin, une bordure d'hyacinthes et de verres grenat, dont
les petits cubes sont enchâssés dans des bâtes closes, court
sur la lèvre intérieure de la coupe et autour du disque cen-
tral. Sur la paroi intérieure du pied annulaire, en or, on lit
une inscription tracée à l'aide d'une pointe légère, en carac-
tères pehlvis, indéchiffrables. » Les dimensions du vase sont
respectables : il a plus de 0'"28 de diamètre total et le disque
central a 0,n075. Indiquons la grandeur de quelques-unes
des pierres : les grands disques ont 0"'034, les moyens 0'"021,
les petits 0"'018. La profondeur centrale est de 0"'030, la
hauteur du pied de 0'"0125. « La coupe de Chosroès, avec
ses verres de couleur maintenus dans une armature ajourée
ou dans des cavités à fond métallique, est le plus remar-
quable échantillon que l'on puisse citer d'un genre d'or-
fèvrerie cloisonnée que Charles de Linas a défini : « un
travail particulier de joaillerie qui consiste à incruster à
froid, dans des alvéoles d'or, ou, par extension, dans une
plaque de métal découpée à jour, soit des pâtes vitreuses,
soit des lames de verre, soit des pierres précieuses taillées
en table, soit enfin des cabochons, disposés de "manière à
former un ensemble décoratif, une sorte de mosaïque. » Ce
genre d'orfèvrerie, qui précéda naturellement le procédé
plus compliqué, qui consistait à fondre l'émail pour le ré-
pandre liquide dans les interstices d'un cloisonnage métal-
lique, est, dans la coupe de Chosroès, le même que dans les
bijoux mérovingiens, d'où l'on a conclu que l'art sassanide
avait été imité par les Barbares.

Sans pousser plus avant l'examen de cette question si
importante pour l'histoire de l'art décoratif, remarquons,
en tout cas, l'éloquent témoignage que fournit le précieux
vase du goût passionné des Perses pour les gemmes et les
verroteries. Sous ce rapport, il ne faut pas oublier que les
Parthes, voisins des Romains et des Byzantins et leurs enne-
mis héréditaires — c'est encore M. Babelon qui parle, mais
dans son exellent manuel de la Gravure en pierres Jines
— furent leurs dignes émules dans la culture des arts et les
surpassèrent précisément dans les recherches raffinées du
luxe et de la parure ; héritiers des Achéménides, ils furent,
comme eux, couverts de soie brochée d'or, de bijoux, de
joyaux. Seulement leur art, frotté d'hélénisme, a conservé
une certaine rudesse, une demi-barbarie qui n'exclut pas

l'éclat et la somptuosité, et cette influence disparaît même
peu à peu, à mesure que l'on s'éloigne des temps de la
conquête macédonienne. L'art des Sassanides, dont notre
coupe est l'un des plus remarquables produits, est moins
hellénisé, si l'on peut dire ainsi, que celui de leurs prédéces-
seurs les Arsacides, il prend davantage ses inspirations à
l'Orient. Ceci n'empêche point, du reste, que la glyptique
sassanide puisse soutenir la comparaison avec celle de
périodes plus avancées au point de vue général et qu'elle
obtint, chez les Byzantins en particulier, un succès des plus
vifs ; les empereurs même goûtaient extrêmement ses intailles
et ses camées. Et cet art sassanide, dont des monuments tels
que le camée sur lequel est représenté le roi Sapor faisant
prisonnier l'empereur romain Valérien démontrent l'excel-
lence, connut aussi la décadence : la coupe de Chosroès
prouve qu'au VIe siècle de notre ère, les graveurs de pierres
possédaient encore une grande habileté technique, mais
qu'ils n'étaient plus très artistes.

La coupe de Chosroès occupe donc une place importante
dans l'histoire générale de l'art ; elle synthétise, pour ainsi
parler, une époque de luxe et de splendeur, si ce n'est de
goût extrême, qui se rattache par delà une époque d'art plus
pur à d'anciennes traditions. On en appréciera l'ordonnance
et l'éclat, aujourd'hui où règne le goût des gemmes bril-
lantes, des bijoux faits de matières souvent plus chatoyantes
et plus « amusantes » que précieuses.

Quelques mots, pour finir, sur les destinées modernes de
la coupe. On la conservait, avant la Révolution, dans le
trésor de l'abbaye de Saint-Denis, sous le nom de « vase de
Salomon ». Elle est décrite, dès 1625, dans plusieurs inven-
taires et descriptions de la basilique, et jusqu'en 1783. Mais
alors le nom de Salomon n'est plus prononcé, ce qui ferait
croire qu'au XVIIIe siècle déjà, des doutes s'étaient élevés
au sujet de l'identification traditionnelle. En 1786, Mongez
proposa formellement de voir dans Yemblema de la coupe
l'image d'un roi parthe de la dynastie des Sassanides, et
reprenant, en 1792, l'étude du monument, il émit l'hypo-
thèse que c'était là le don d'un des rois de France, qui
aurait acquis la coupe en Orient, au cours des croisades. La
tradition des inventaires de Saint-Denis admettait bien que
la coupe avait été donnée par un souverain, mais elle nom-
mait Charles le Chauve, voire même Charlemagne, qui
l'aurait reçue des ambassadeurs d'Haroun-al-Raschid. Cette
tradition remontait au moins au XIIIe siècle, cependant.
Quoiqu'il en soit, si l'opinion de Mongez ne suffit pas à
l'infirmer, elle ne permet pas non plus d'admettre complète-
ment l'hypothèse de ce savant, et il est à craindre que l'on
ne sache jamais comment le trésor sassanide est arrivé en
France. Les princes carolingiens, il convient toutefois de
le rappeler avec M. Babelon, avaient recueilli de grands
trésors d'orfèvrerie antique ou orientale qui ont dû contri-
buer, dans une large part, à enrichir les trésors des églises
et des monastères. Qu'il suffise, en particulier, de rappeler
l'énumération des trésors artistiques dont le comte Evrard,
gendre de Louis le débonnaire, fait la distribution à ses
enfants, par son testament de 827.

Quant au nom de Salomon attaché à la coupe de Saint-
 
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