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L' art pour tous: encyclopédie de l'art industriel et décoratif — 44.1905

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No. 12
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https://doi.org/10.11588/diglit.22779#0074
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L'ART POVR TOVS

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s'appuie sur le long bâton qui sert à le soutenir et à diriger
les brebis. C'est Vinnilens baculo d'Ovide; c'est l'image
toujours renouvelée des chevriers antiques ; c'est le symbole
des pasteurs chrétiens et l'origine de la crosse épiscopale
dont nous venons de décrire les monuments.

Le moyen âge, en enveloppant d'or et d'argent les bâtons
de saint Pierre, de saint Denis, de saint Jules et d'autres
d'une authenticité plus certaine, comme ceux d'Irlande, nous
fournit des jalons historiques. Les peintures des catacombes
nous les représentent sur les scènes mystiques des champs.

Les crosses antiques sont évidemment des bâtons de mis-
sionnaires, et constituent, pour les Ve, VIe et VII0 siècles,
des monuments d'un prix inestimable. Les riches enveloppes
qui les recouvrent maintenant appartiennent, pour la plu-
part, à l'époque romane, mais elles ont respecté la forme de
l'humble bois et prouvent la vénération que les Xe et XIe
siècles attachaient à ces vieux souvenirs.

Les monuments carlovingiens, les sacramentaires de Dro-
gon et d'Autun nous ont offert des images de crosses, images
plus rares que dans la suite des temps, et qui prouvent par
leur rareté que cet insigne épiscopal n'intervenait pas encore
fréquemment dans les fonctions sacrées.

La tête de serpent, qu'on distingue déjà sur les crosses
celtiques, paraît en Orient sous la forme du caducée que
portaient les évêques, et nous la saisissons nettement sur la
curieuse crosse lombarde de Rome.

Au Xe siècle, nous avons une miniature représentant un
pape avec la crosse ; nous avons suivi, dans des temps
postérieurs, le double privilège de la crosse et de la férule
qui semble résulter de son titre d'évêque de Rome et de
gérarque universel.

Au XIe siècle nous avons rencontré une classe de crosses
d'un genre spécial et qui caractérisent l'époque ; crosses
d'ivoire, avec volutes terminées en tête de dragon et renfer-
mant l'agneau crucifère. Celles du Vatican, de Ravenne, de
la collection Basilewski, Stein, etc., nous ont offert des spé-
cimens de ce type et du beau symbolisme qui nous montre
la lutte entre le bien et le mal, entre Dieu et Satan. La
crosse de saint Gauthier nous signale déjà alors la tendance
à remplacer l'idée purement symbolique par le souvenir de
scènes réelles.

Ce fut aussi au XI° siècle que les taus se multiplient à la
place des crosses. Dès le début, simples béquilles, dont la
poignée était soumise à la main, ils sont montés plus tard
sur des hampes fort hautes qui la rendent inaccessible aux
doigts. Nous avons rappelé un certain nombre de monuments
qui ont pu donner idée de cet insigne, surtout usité dans les
monastères, les taus de Saint-Germain des Prés, de Robert-
d'Arbriselle, de Brienon, de Deutz, de Rouen, du musée de
Kensington, de Moutiers et diverses miniatures. Nous avons
rappelé aussi les crosses que portaient les abbés et prouvé,
d'après les monuments, qu'ils n'avaient pas de façon spéciale
de la porter.

L'ivoire, déjà moins fréquemment employé au XII0 siècle,
entre cependant encore dans la fabrication des crosses,
notamment dans celle de Gand ; nous y voyons saint Michel
combattant le serpent, l'évêque foulant le démon aux pieds,

et Jésus triomphant à Jérusalem. Ce beau symbolisme est
alors soigneusement cultivé ; il nous montre dans la crosse
la verge d'Aaron couverte de feuilles et changée en serpent ;
dans le serpent, l'image du Christ figuré au désert ; tous les
éléments de la crosse ont leur signification, ils prêchent la
douceur, la justice, la fermeté.

Avec le XIIIe siècle, nous pénétrons dans les féconds
ateliers de Limoges, où se fabriquent d'innombrables crosses
émaillées, ciselées, et ne variant guère que dans le sujet
qu'encadre la volute. Là, nous voyons successivement se
dérouler les diverses scènes de la vie de Marie, les combats
de l'archange Michel et du dragon, l'image de divers saints,
et enfin des feuillages aux pointes rayonnantes. En dehors
de Limoges, nous avons recueilli peu de monuments, et dans
ce petit nombre, nous n'avons pas oublié les belles crosses
de cristal de la bibliothèque de Versailles.

C'est alors que s'introduit l'usage du voile, signe de res-
pect pour le sceptre épiscopal, que nous voyons répandu
surtout au XIVe siècle. Alors les crosses ouvrent leur volute
en guise de crochet, la cambrent en manière de faucille, la
couronnent bientôt de crêtes exubérantes, dont le découpage
détruit l'harmonie du galbe ; enfin, la Renaissance y intro-
duit des éléments d'architecture qui changent les nœuds en
édicules d'où surgit la volute. On peut dire qu'ainsi l'orne-
mentation prend la place du symbolisme, la forme, du fond,
la main, de la pensée.

Telles furent, en résumé, les diverses phases que connut
le bâton pastoral, phases qu'on peut résumer en trois mots :
les crosses celtiques, les crosses d'ivoire, les crosses limou-
sines ; mais au milieu de ces changements extérieurs, l'an-
tique pedam est toujours resté dans les mains des évêques
comme un signe de leur fonction pastorale et comme un
symbole du gouvernement patriarcal de l'église.

Librairies-Imprimeries réunies, éditeurs, Paris. - Le gérant : Ch. Eggimann.
 
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