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L' assiette au beurre: pamphlétaire, satirique et illustré — 8.1908-1909 (Nr. 365-417)

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No. 373 23 Mai 1908
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Vænt de Paraître


Guillotine

en 1793

Hector FLEISCHMANN
*
La

l’aurore du couteau
l’instrument au travail
LES RÉGICIDES
l’ÉPOPÉE DE LA FILLE A GU1LLOTJN
&
Nombreuses Illustrations, Photographies
et Fac-Similés de Documents de ! Époque.
&

LES PUBLICATIONS
MODERNES o- -o- -o
61, RUE DE PROVENCE
— - PARIS

Les Élections Municipales
Un Candidat
Il y a quelque deux ans, M. le Président
Poncet, inspiré sans doute par les voix célestes,
avait cru devoir solliciter celles des électeurs
de Cabourg, et il avait opposé sa candidature
au Conseil Municipal à celle de M. Affre, le
sympathique ténor de l’Opéra.
Ce fut un premier échec pour la Magistrature :
il vit toutes les voix aller à celui qui, ne ména-
geant pas la sienne (et pourtant quelle voix !)
se prodiguait en toute occasion dans les fêtes
de bienfaisance et charmait, tous les étés, les
nombreux baigneurs de la jolie plage normande.
Loin de se décourager, M.le Président Poncet
vient.de s’engager de plus belle dans la lutte
électorale de ces jours derniers, mais son inex-
périence en cette matière si spéciale qu’est la
politique, vient de le conduire dans une impasse
si épineuse qu’il pourrait bien ne pas y blesser
que son seul amour-propre.
Voici d’ailleurs, contée de façon charmante,
cette aventure par le Figaro, sous la signature
de notre confrère André Nède; nous nous en
v oudrions d’y retrancher rien :
Qui se douterait jamais que dans les charmantes I
villégiatures où les Parisiens vont passer leur été, et 1

qu’ils ne connaissent qu’à travers les charmes et les
plaisirs de la belle saison, les passions locales et la
lutte pour la mairie peuvent être aussi vives que dans
les plus grands centres et donner lieu aux mêmes agi-
tations ?
C'est ainsi, cependant, et dans une des plus élégantes
et jolies stations de la plage normande, à Cabourg,
les élections municipales ont été marquées par des
incidents qui valent le peine d’être signalés. Il faut
dire que, dans cette aimable et heureuse commune où
la municipalité sortante, très justement populaire
dans le pays, a si puissamment contribué, depuis
nombre d’années, à la prospérité et au succès de la
station, les mécontents — car je crois bien qu’il y
aurait des mécontents même dans le paradis terres-
tre — avaient résolu de former une liste d’opposition
à la tête de laquelle se trouvait, ne vous en déplaise,
un important magistrat du tribunal de Paris, M. Fran-
çois Poncet, vice-président à la Seine, qui croit faire
beaucoup d’honneur aux habitants de Cabourg en
allant passer l’été au milieu d’eux, et qui est tout sur-
pris que ces braves gens ne l’en récompensent pas en
mettant à ses pieds l’écharpe municipale, la plage, la
mer, le ciel, le soleil, et toutes les autres félicités lo-
cales qui reviendraientdedroitàunsi haut personnage.
Par malheur pour lui, les Cabourgeos sont de très
fins et très avisés Normands qui ne « s’épatent » pas
facilement, comme on dit. Ils se nourrissent plus
volontiers de réalités que de phrases creuses, et, I

| à chaque élection, ils renouvellent leur confiance à
y ceux qui leur ont toujours prouvé par des actes et
j non par des paroles leur attachement aux intérêts de
leur ravissante petite cité. Une fois encore, M. Fran-
çois Poncet a donc été battu. Il l’avait déjà été, l’an
passé, à une élection partielle; les élections générales
ne lui ont pas réussi davantage. C’est un homme qui
porte la robe à Paris, mais qui, à Cabourg,collectionne
les vestes.
Il ne néglige pourtant rien pour arriver, et nous
serions très curieux de savoir ce qu’on peut bien penser
au Palais de Justice et à la Chancellerie, de la lettre
suivante, écrite, en période électorale, par M. François
Poncet, en réponse aux attaques de certains membres
du parti ouvrier, qui l’avaient « accusé » d’avoir,
jadis, condamné un gréviste. M. le vice-présidents»
Poncet a cru devoir donner, à cet égard, des explica-
tions dont on appréciera la saveur. Voici sa lettre :
Paris, le 27 avril 1908»
Mon brave Gibourdelle,
Vous avez, ma foi, dit la vérité ! J’ai condamné un
gréviste, il y a tantôt trois ans. Je n’ai même jamais
oublié ce fait, car cette condamnation devait meguider
dans une autre circonstance.
C’était lors des grèves des chantiers du Métropo-
litain , boulevard Magenta. Trois grévistes me sont
déférés ; les deux premiers, prévenus d’outrages,
s’en tirent.
Pour le troisième, inculpé de coups, c’était plus
grave ; il avait assommé un agent d’un coup de
planche arrachée à la palissade. Condamnation : un
mois de prison, ferme.
Quelque temps après, les manifestations aux inven-
taires se produisent. On sait^mon attitude dans ces
moments.
M. le comte de la .Rochefoucauld m’est déféré : il
avait assommé un agent d’un coup de canne plombée.
Le souvenir de l’ouvrier ne m’avait pas quitté :
le comte eut un mois de prison, ferme : les faits étaient
identiques '
On m’a souvent ^reproché ma sévérité envers le
comte. J’ai invariablement répondu qu’ayant, pour
les mêmes faits, dans des circonstances semblables,
condamné un ouvrier à un mois, je ne pouvais faire
mesure différente à un autre inculpé, sous prétexte
qu’il portait un paletot.
Bien cordialement. (François Poncet.
Que penser de ce magistrat qui mêle si étrangement
ses intérêts de oandidat et ses devoirs de juge et qui
se croit obligé de rendre compte à ses électeurs des
jugements que sa conscience a pu lui dicter î Si, après
cela, le « brave».Gibourdelle » n’est pas content, c’est
qu’il est bien^difficile ! Sans doute, M. le vice-prési-
dent Poncet s’est vu obligé, un certain jour, de con-
damner, la mort dans l’âme un gréviste. Mais comme
il a été heureux — sa lettre l’indique ingénument —
de pouvoir, l’année d’après, infliger la même peine
à un bourgeois, mieux que cela, à un aristocrate ! Et
voici, du coup, le mois de prison octroyé à M. le comte
de La Rochefoucauld qui devient en période électorale
un argument en faveur de la candidature Poncet !
^Singulières mœurs, en vérité. Nous voulons croire
qu’elles sont exceptionnelles dans notre magistrature,
et il serait intéressant de savoir à cet égard le senti-
ment de l’honorable ministre de la justice qui n’est
d’ailleurs pas sans connaître M. François Poncet.
C’est, en effet, ce magistrat, très pénétré, comme
toujours, de son importance, qui, un jour, dans les
couloirs du Palais de Justice, ayant bousculé un
passant qui ne s’effaçait pas assez vite sur son che-
min, lui dit avec une majestueuse solennité :
— Monsieur, je suis M. le vice-président Poncet !...
A quoi l’autre, de répondre modestement :
— Moi, monsieur, je suis M. Briand, député...
Gageons qu’au cours de sa peu brillante campagne
électorale, M. le vice-président Poncet aura négligé
de rappeler jce souvenir aux électeurs !...
Amdbé Nède.
Puisque (notre confrère désire connaître le
sentiment de la J ustice à l’égard de la conduite
de M. François Poncet en cette circonstance,
satisfaction lui sera donnée bientôt, car nous
apprenons que M. de La Rochefoucauld se
fâchant, M. Joseph Ménard, en son nom, a
déposé au parquet du procureur général une
plainte en complicité de diffamation contre
M. Poncet. M. Poncet, magistrat, ne peut être
jugé que par la première chambre de la Cour,
jugeant correctionnellement.
Nous sommes persuadés que M. le Président
Poncet aurait certainement pour les mêmes
faits, dans des circonstances semblables, con-
damné le coupable et qu’il sera le premier à
demander pour lui-même au Tribunal, l’appli-
cation de la Loi. Et ce sera justice !
 
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