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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0124
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PARIS DANS SA SPLENDEUR.

d’un morceau de pain de mauvaise qualité. Les agitateurs orléanistes et révolutionnaires exploitaient cette situation avec une
perfide habileté; dans ce nombre on remarquait les journalistes Carra, Loustalot et Gorsas, le jeune Camille Desmoulins,
« procureur général de la lanterne, » lès Belges Proly et Pereira, le Prussien Clootz, l’Espagnol Gusman, le Polonais Lazowski
et le marquis de Saint-Huruge, ancien officier aux gardes. Dans les bas-fonds de la démagogie, s’agitait Jean-Paul Marat, le
rédacteur de l’/lw du Peuple; dans les réunions de débauchés et de gens infâmes, apparaissait, le sabre en main, la trop fameuse
Théroigne de Méricourt. Que pouvaient contre tant d’ennemis les gens de cour, à peine protégés par la garde suisse, et le parti
constitutionnel modéré et honnête que représentaient Bailly, Mounier, Lafayette, les frères Lameth, le général Beauharnais,
l’avocat Duport, etc. Les uns émigraient et abandonnaient le roi et la monarchie; les autres, en multipliant les concessions et
les sacrifices, ne faisaient qu’exalter les sanglants appétits de l’hydre.
Dans les jours sinistres d’octobre 1789, après avoir épouvanté Versailles par des assassinats et mis en danger les jours de
l’héroïque Marie-Antoinette, le peuple de Paris ramena dans cette ville le roi et sa famille, non plus comme des chefs auxquels
on s’honore d’obéir, mais comme des otages dont on a besoin pour commettre le crime avec plus de sécurité. Le roi, mis sous la
surveillance de la Révolution, ne pouvait rien pour résister aux multitudes déchaînées; la bourgeoisie, à peine installée au pouvoir,
se sentait menacée de la guerre des esclaves, et autour d’eux frémissait un immense troupeau de prolétaires adonnés sans frein à
tous les excès de la force. On pendit quelques malheureux à la lanterne de la Grève; mais la Révolution ne se contentait pas de
ces obscures victimes, et la lâcheté des juges lui abandonna le marquis de Favras. Bientôt se formèrent le club Breton, le club des
Patriotes, le club des Feuillants, le club des Cordeliers, et surtout le club des Amis de la Constitution devenu célèbre sous le titre
de club des Jacobins (1790). Ces réunions furent comme autant d’officines où s’élaborèrent les projets révolutionnaires. Sous la
domination des factieux et des sicaires du dehors, l’Assemblée Nationale, entraînée au delà de sa mission et de son but, réformait
les institutions du pays et promulguait pièce à pièce la première constitution dont fut dotée la France. Du 4 août 1789 au mois
de mai 1790, elle abolit successivement la féodalité, la noblesse, les capitations des provinces, les parlements; elle promulgua
le code des Droits de l’Homme, ne laissant en oubli que les deyoirs; elle institua le suffrage universel, le jury, le tribunal de
cassation, le papier-monnaie, et démolit pierre à pierre l’antique édifice social.
Cette Assemblée était déjà dépassée par le club des Jacobins, réunion composée de ces hommes violents et passionnés qui, de
leur nature, incapables de se contenter d’un progrès lent et sûr, accompli par le seul mécanisme des institutions régulières,
cherchent sans cesse à pousser en avant le char de l’État avec la plus grande somme possible d’activité et d’énergie. Chaque jour,
les séances de ce club étaient troublées par l’expression la plus délirante du faux patriotisme, et il n’y avait pas de proposition
sanguinaire qui ne fût convertie en motion. Quant à l’Assemblée, elle préparait la république par les lois, tout en essayant de
respecter encore la forme monarchique. Dans ses théories insensées, il y avait place pour une royauté impuissante, avilie,
destituée de toute initiative, et ceux qui cherchaient à établir le trône sur des bases aussi fragiles, ne s’apercevaient pas qu’un
souffle de l’émeute pouvait le détruire. L’Assemblée qui avait réorganisé les bases de la justice et de l’administration, accomplit
une réforme gigantesque et inespérée, en abolissant les divisions provinciales et en divisant la France en départements. Elle
rencontra de plus sérieux obstacles dans sa lutte contre l’Eglise, et, en cherchant à opérer une révolution religieuse, elle n’aboutit
qu’à créer un schisme à jamais déplorable.
Un jour cependant les démolisseurs de tout ordre et de tous étages suspendirent leurs efforts, et Paris fut le théâtre d’une des
solennités les plus grandioses et les plus stériles dont l’histoire ait gardé le souvenir. Le 14 juillet 1790, jour anniversaire de la
prise de la Bastille, eut lieu à Paris la fête de la fédération nationale. Ce jour-là, malgré la pluie qui tombait par fortes ondées,
quatre cent mille spectateurs de tout âge et de toutes classes, hommes et femmes, couvraient les larges talus et bordaient la vaste
enceinte du Ghamp-de-Màrs. Le roi, l’Assemblée et les corps constitués prirent place sur un amphithéâtre élevé devant l’École
Militaire. Les délégués des départements, qui se faisaient appeler fédérés, dansaient d’immenses farandoles et chantaient des
refrains révolutionnaires sur l’autel colossal de la Patrie, dressé dans la plaine. Charles-Maurice de Talleyrand, alors évêque d’Autun,
célébrait la Messe, et se trouvait assisté de trois cents prêtres vêtus d’aubes blanches et ceints de rubans tricolores. Lafayette,
monté sur son cheval blanc, prêta serment à la constitution nouvelle, au nom du peuple et de l’armée, et toutes les voix
s’unirent à la sienne. Ce fut une journée vraiment pleine de grandes émotions, n’importe à quel point de vue on se place pour
juger ce souvenir. Malheureusement, dès le lendemain, la fraternité disparut des cœurs, et la lutte recommença entre le passé
et l’avenir, entre la spoliation et le privilège. Peu de mois après, au milieu de ces déchirements, mourut Mirabeau, le chef
parlementaire de la Révolution Française; il disparut de la scène au moment où, effrayé lui-même de son œuvre, il s’apprêtait (chose
impossible) à la faire rétrograder. Comme il rendait le dernier soupir, il entendit tirer le canon: « Voilà, dit-il, les funérailles
d’Achille. Je laisse la monarchie sans défense; les factieux vont s’en déchirer les lambeaux. » Repentir inutile et tardif. Le corps de
cet homme trop fameux fut transporté dans l’église Sainte-Geneviève, récemment convertie en Panthéon païen, et sur le fronton
de laquelle l’Assemblée avait fait graver cette inscription qui subsiste encore : Aux grands hommes la pairie reconnaissante !
 
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