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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0145
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HISTOIRE.

PARIS MODERNE.

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la capitale était pour l’Empire une dernière chance de salut; elle encourageait les habitants et ralliait encore leur courage autour
de cette cause condamnée : le conseil engagea l’impératrice à se retirer à Blois avec son fils. L’épouse de Napoléon y consentit.
Un instinct plus généreux anima le roi de Rome au moment de ce fatal départ : comme en l’emportait de force hors des Tuileries,
qu’il ne devait plus revoir, le noble enfant poussa des cris violents et cramponna ses petites mains aux portes du palais.
Marie-Louise ne comprit pas la leçon que lui donnait son fils: elle espérait d’ailleurs fléchir son père et le déterminer à la paix;
mais l’arrêt avait été porté contre Napoléon, et les liens du sang avaient été rompus par la vengeance et la politique. Le départ
de Marie-Louise fut le signal d’une vaste trahison, un sauve-qui-peut du pouvoir. Chacun, dans ces régions élevées, arracha
quelques lambeaux de sa fortune passée; on prépara un pacte d’alliance avec les nouveaux maîtres réservés par la victoire.
L’armée, la garde nationale et la population des faubourgs demeuraient étrangères à ces défections; elles se résignaient à combattre
et demandaient des armes. Mais rien n’avait été organisé pour une résistance sérieuse ; les fusils et la poudre manquaient. Qu’on
se représente, s’il est possible, l’immense consternation de Paris : la veille encore capitale du monde, et aujourd’hui entourée de
toutes parts d’un océan d’ennemis.
Le plan des alliés consistait à porter les principales attaques sur les hauteurs de Montmartre et de Belleville, et à couronner
les collines qui dominent la capitale dans la direction du Nord-Est. L’Empereur avait prescrit de défendre Paris jusqu’à l’extrémité;
de barricader les rues, de créneler les maisons : ordres stériles et méconnus d’avance.
Le 30 mars, au moment où le jour commençait à poindre, le canon ennemi annonça la bataille, et nos tambours battirent
dans tous les quartiers, appelant la population aux armes. Le maréchal Marmont déploya quelques régiments de Montreuil au
Pré-Saint-Gervais; le maréchal Mortier, qui n’avait sous lui qu’un faible corps d’armée, s’étendit jusqu’à la Chapelle. Quelques
détachements furent laissés à Saint-Maur, à Charenton, à Saint-Denis, à Neuilly, à Vincennes. Six mille gardes nationaux, ayant
à leur tête le vieux Moncey, se portèrent en dehors de l’enceinte; l’artillerie était servie par les invalides et par les élèves de
l’École Polytechnique. C’était avec ces faibles ressources qu’il fallait contenir deux cent mille hommes.
Le dévoùment de la population et celui de l’armée égalèrent la grandeur des circonstances. Les villages de Romainville et de
Pantin furent plusieurs fois pris et repris; l’ennemi gagnait lentement du terrain et n’avançait qu’en perdant l’élite de ses troupes.
A onze heures, l’armée prussienne vint soutenir les efforts de l’armée russe; mais les Français tenaient encore avec énergie.
Pendant huit heures les étrangers reçurent la mort, et ne durent qu’à la force numérique si supérieure de leurs masses de pouvoir
sans cesse reformer leurs lignes : toujours repoussés, toujours ils revinrent à la charge. Et pourtant le nombre des défenseurs
de Paris ne s’élevait qu’à trente mille hommes : cinquante mille gardes nationaux et trente mille ouvriers demandaient en vain
des armes; l’administration, livrée aux conseils de la trahison ou de la peur, laissait leur courage stérile. Vers quatre heures,
les efforts de Marmont cessèrent enfin d’arrêter l’ennemi, et les Russes se rendirent maîtres de Ménilmontant, puis deCharonne,
et lancèrent des obus dans les faubourgs; de son côté, le prince royal de Wurtemberg menaça les barrières de Bercy; bientôt
après, l’armée de Silésie, triomphant de l’héroïque résistance de Mortier, emporta coup sur coup Aubervilliers, la Villette, la
Chapelle, Montmartre et la barrière de Neuilly. Quelques heures de plus cependant, et l’Empereur, qui arrivait de Troyes, à
marche forcée, allait atteindre l’arrière-garde de l’ennemi; à la tête de son armée de Champagne, il pouvait encore jeter l’ennemi
entre deux feux et sauver d’un seul coup de tonnerre sa dynastie et sa capitale. Mais il était trop tard Marmont, ignorant
l’approche de l’Empereur, avait craint d’exposer Paris aux horreurs d’un grand pillage; n’espérant aucun secours humain,
accablé par la fortune contraire, il signa la fatale convention qui livrait aux étrangers la métropole de la France.
Alors se leva pour Paris la fatale journée du 31 mars; l’empereur Alexandre et le roi Frédéric-Guillaume, à la tête de leurs
soldats, franchirent les barrières de la capitale et traversèrent nos rues silencieuses. Le peuple, dans les entrailles duquel fermente
le noble amour de la patrie, voyait avec stupeur la victoire de l’étranger. Il contemplait avec une curiosité mêlée de répugnance
les Tartarcs aux figures hideuses, les Calmouks couverts de cottes de mailles, les Cosaques des diverses tribus, tous les Barbares
qui arrivaient jusqu’à nous, du pied de la grande muraille, pour tirer vengeance de notre gloire et de nos grandes journées, pour
humilier nos aigles et faire descendre, au bruit des acclamations du parti royaliste, la statue de Napoléon-le-Grand qui dominait
la Colonne. Dix-huit ans plus tard, alors même que la dynastie impériale se trouvait encore reléguée dans l’exil, la France replaça
sur son piédestal cette glorieuse effigie. Pour le moment (avril 1814) le premier Empire venait de s’éteindre, et de nouvelles
destinées s’ouvraient pour la France.

2“' P. — P- M.

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