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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0192
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PARIS DANS SA SPLENDEUR.

parti républicain ne se laissait pas déposséder sans protestation ni sans résistance. Les députés essayèrent de se réunir au palais de
F Assemblée: ils se retirèrent devant la force: ils se rendirent alors en assez Grand nombre à la mairie du dixième arrondissement et
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y tinrent une séance qui devait être la dernière. La garde nationale du poste les protégeait et la troupe de ligne attendait des
ordres. A la faveur de ces hésitations et de ces retards, les représentants siégèrent sous la présidence du général Oudinot.
M. Berryer prit la parole et demanda que l’Assemblée proclamât la déchéance du président de la République et prît en main le
pouvoir exécutif. C.e décret fut voté par les assistants. Sur la proposition d’un autre membre, l’Assemblée requit la 10e légion
de protéger le lieu de ses séances. En ce moment les fonctionnaires publics, chargés de la police, se disposaient à faire évacuer la
mairie. M. Bixio, l’un des députés, offrit sa maison; d’autres crièrent: « Vive la Constitution! Vive la République! » Tandis
que les motions les plus ardentes étaient formulées, on entendit le pas de la troupe qui envahissait alors la mairie et avait ordre
d’en expulser les représentants. Un sergent suivi de quelques hommes se présenta à la porte de la salle. On ne tint pas compte,
de sa présence et l’on demanda à parler au capitaine. « Vous devez, lui dit un des vice-présidents, obéir à l’article 68 de4a
Constitution. — L’article 68 de la Constitution ne me regarde pas, dit cet officier, j’obéirai à mes ordres. » Cependant la force
armée agissait avec beaucoup de ménagements et évitait, avec soin, d’engager une lutte regrettable. Les députés s’enhardirent
et promulguèrent décrets sur décrets, dans l’intérêt de lois qui déjà avaient cessé d’être. A la fin, la troupe reçut du ministre
de la guerre l’ordre de faire évacuer la mairie et d’arrêter les représentants qui résisteraient. Les commissaires de police firent
les sommations ; pour toute réponse, un député donna lecture du décret qui proclamait la déchéance du prince. Ni la force armée,
ni les magistrats ne se retirèrent devant cette déclaration, et les représentants, contraints de sortir de la salle où ils s’étaient
réunis, furent conduits à la caserne du quai d’Orsay. Il était trois heures et demie lorsqu’ils y entrèrent; ils y étaient au nombre
de 218, sur 750 membres dont se composait l’Assemblée Législative. Les autres s’étaient tenus à l’écart ou avaient adhéré
à l’acte du président; un très-petit nombre d’entr’eux parcouraient les faubourgs et les quartiers populaires pour y soulever la
résistance armée.
Le prince Louis-Napoléon, suivi d’un nombreux état-major, parcourut la ligne des boulevards et passa en revue une division
de grosse cavalerie qui stationnait dans les Champs-Elysées. Il fut accueilli sur son passage par de nombreuses acclamations. Le
soir il assista à un grand dîner offert au corps diplomatique. Cependant les républicains ne se laissaient pas déposséder du pouvoir
sans combattre. Les artisans d’émeute étaient de bonne heure à leur poste, recevaient et transmettaient le mot d’ordre, ou
prenaient part aux résolutions désespérées des sociétés secrètes. Leurs chefs se hâtaient d’envoyer des émissaires dans les
départements pour y soulever le peuple. Les représentants de la gauche se réunissaient chez M. Crémieux. Au faubourg
Saint-Antoine, M. Recurt, ancien ministre républicain, travaillait à organiser la lutte. Sur différents points on tenait des
conciliabules, on rédigeait des proclamations, on suscitait une agitation assez vive pour fatiguer la troupe, trop peu compacte pour
tenter une bataille. La journée du 2 décembre, du côté des socialistes, se passa en tentatives avortées. Pour y mettre fin, la
police procéda à de nombreuses arrestations. Elles ne suffirent pas à prévenir les collisions du lendemain. Le 3 décembre, au point
du jour, des barricades furent élevées aux abords de l’Hôtel-Dieu ; vers neuf heures, on commença à placarder sur les murs
une proclamation virulente, émanée des chefs de la Montagne, et qui, entr’autres signatures, portait celles de MM. Michel
(de Bourges), J. Favre, V. Hugo, Rongeât, Eugène Sue, etc.; le comité central des corporations fit, de son côté, une
démonstration semblable ; les uns et les autres mettaient le prince Louis-Napoléon hors la loi. Bientôt après, des rassemblements
tumultueux se formèrent sur les boulevards et dans le faubourg Saint-Antoine. Des barricades furent élevées aux abords de la
place de la Bastille et plusieurs représentants montagnards les commandaient. L’un d’eux, M. Baudin, fut tué par la troupe; un
autre, M. Madier-Montja'u, fut blessé. Dans ces quartiers éloignés, que peuplent des ouvriers aisément égarés par des excitations,
il y eut de nombreuses collisions, mais sur aucun point la résistance ne fut longue ni dangereuse. Les dispositions militaires
avaient été si habilement prises, que l’émeute était partout impuissante avant d’avoir été vaincue. Vers midi, le général Saint-Arnaud,
ministre de la guerre, fit afficher une proclamation cpii se terminait ainsi : « Tout individu pris construisant ou défendant une
barricade, ou les armes à la main, sera fusillé. » Cependant les boulevards étaient occupés militairement, l’un après l’autre. Des
rassemblements armés furent dispersés entre la rue Richelieu et la porte Saint-Denis. Des barricades furent construites, attaquées
et enlevées dans le quartier Rambuteau, autour des halles, dans les rues Saint-Denis, Grenétat, Aubry-lc-Boucher, Transnonain,
Beaubourg, Saint-Martin et Maubuée. Le général Herbillon occupa l’Hôtel-de—Ville et fit balayer la rue du Temple et les petites
rues latérales, où des rassemblements d’agitateurs se formaient sans cesse. Les insurgés attaquèrent sans succès l’imprimerie
nationale. Vers le soir, l’émeute se montra plus menaçante sur les boulevards, dans la rue Beaubourg, dans la rue Aumaire; les
insurgés promenèrent des cadavres sanglants en criant : « Vengeance ! aux armes ! » Une charge vigoureuse, opérée par la troupe
de police, dispersa ce hideux rassemblement. Ainsi se passa la nuit du 3 au 4 décembre. L’insurrection s’était montrée partout
et n’avait tenu nulle part; tout indiquait pour le lendemain une lutte sérieuse et décisive : des deux côtés on se prépara à la
soutenir.
 
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