28 PARIS DANS SA SPLENDEUR.
met en œuvre les métaux tirés de ses mines: l’or et l’argent dont elle compose les ornements de l’Église, le fer dont elle
fabrique ses armes. » Telles étaient alors, au témoignage du chef du monde chrétien, la gloire et l’influence dont Paris se
trouvait investi ; ce sont des lettres de noblesse que l’historien doit mentionner avec soin en retraçant le passé de cette ville.
Vers la même époque, Baudoin de Courtenay, successeur de Jean de Brienne, empereur de Constantinople, vint en France
solliciter des secours contre Jean Ducas Vatace, dit Batatritis, ou empereur de Nicée, et son compétiteur au trône d’Orient. Ce
prince n’était âgé que de vingt-deux ans. Il fut chaleureusement accueilli par Louis IX et Blanche de Castille, qui lui firent
restituer tous les fiefs que la famille de Courtenay, issue des Capétiens, avait naguère possédés dans le royaume. Baudoin II, en
récompense, fit don à Louis IX de la plus auguste des reliques que notre pays vénère; nous voulons parler de la sainte Couronne
d’épines qui avait ceint la tête du Sauveur, et que sainte Hélène avait découverte, au IVe siècle, sur le Calvaire. Louis IX se
hâta d’envoyer en Orient des Frères Prêcheurs, qu’il chargea de rapporter en France l’inestimable trésor, et lorsqu’il apprit enfin
qu’on l’apportait à Paris, il résolut de se rendre lui-même sur la route de Troyes, au-devant de la sainte Couronne, et de recevoir
avec un juste honneur ce témoignage de la rédemption du genre humain. Dans les premiers jours du mois d’août, il partit de
Vincennes avec les reines Blanche et Marguerite; les comtes d’Artois, de Poitiers et d’Anjou, ses frères; l’archevêque de Sens;
Bernard, évêque du Puy ; plusieurs autres prélats et une foule de princes et de hauts barons, et, le 10 août, fête de saint Laurent,
le pieux cortège rencontra, non loin de Villeneuve-l’Archevêque, les religieux qui apportaient en France la précieuse relique.
Dès qu’elle fut retirée du vase d’or qui la contenait, tous les assistants, fondant en larmes, se jetèrent la face contre terre et se
frappèrent la poitrine, croyant, sous ce diadème imposé à Jésus-Christ par les bourreaux du prétoire, voir encore apparaître
la face sanglante et à jamais adorable du Fils de Dieu fait homme et mort pour notre salut. Les jours suivants, le roi et ses frères,
pieds nus et en tunique blanche, rapportèrent d’abord à Vincennes, puis à Paris, la sainte Couronne, qui fut par eux déposée sur
le maître-autel de Notre-Dame, et bientôt après dans la chapelle de Saint-Nicolas, autrefois bâtie par Louis-le-Gros. Ce ne fut
que quelques années après cette auguste cérémonie que saint Louis confia à Pierre de Montreuil, architecte doué d’un admirable
génie, le soin d’élever un monument oû devaient être pieusement renfermées les reliques de la Passion de Notre-Seigneur, et telle
fut l’origine de l’édifice aujourd’hui encore appelé la Sainte-Chapelle.
Dans les intervalles que lui laissèrent les guerres saintes et les complications difficiles de la politique, le saint roi Louis IX
se plut à doter Paris d’un grand nombre de fondations utiles au service de Dieu et au bien-être des peuples. Il établit, avec une
munificence vraiment royale, des couvents et des monastères qui devinrent des asiles pour la piété ou des foyers de charité pour
le pauvre. Son conseil ne parut pas toujours disposé à applaudir à tant de libéralités, et il arriva même qu’un ministre crut
devoir les blâmer hautement. « Diex (Dieu), répondit le roi, m’a donné tout ce que je possède Ce que despenseray de ceste
manière sera touzjours le mieulx placé. » Nous ne parlons pas des magnifiques abbayes qu’il fonda sur différents points du
royaume, et, entr’autres, des monastères de Luzarches et de Royaumont. Aux portes de Paris, il fit construire les abbayes de
Longchamps, de Lis et de Maubuisson; à Paris même, le château de Vauvert, habitation des Chartreux; sur la place Maubert,
il jeta les fondements du couvent des Carmes. Après y avoir établi les religieux qu’il avait ramenés du Carmel, Louis IX fonda
l’église et le couvent des Augustins; puis il fit reprendre les travaux de Notre-Dame de Paris. Vers le même temps et par les
soins de saint Louis, s’élevèrent successivement dans Paris plusieurs églises ou abbayes, parmi lesquelles nous mentionnerons
Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, les Blancs-Manteaux, Saint-Leu-Saint-Gilles, chapelle dépendant de Saint-Magloire, les Mathurins,
Saint-Nicolas-du-Chardonnet, Sainte-Marie-l’Égyptienne, Saint-Jacques, l’abbaye des Jacobins, l’abbaye des Célestins et celle
des Filles-Dieu, les prieurés de Sainte-Catherine, du Val-des-Écoliers, Saint-Josse. C’est également à cette période du règne
de Louis. IX qu’on fait remonter la date de la construction du réfectoire de Saint-Martin-des-Champs, de son dortoir et de sa
salle capitulaire, réputés, après la Sainte-Chapelle, les œuvres d’art les plus merveilleuses de cette époque remarquable. Ce
prince agrandit considérablement l’Hôtel-Dieu; ce fut lui qui fonda pour les aveugles le fameux hôpital des Quinze-Vingts.
Tout le monde connaît la touchante tradition attestée par Joinville, et d’après laquelle le saint roi se plaisait à rendre lui-même
la justice à l’ombre des arbres de Vincennes. Cherchant par tous les moyens à honorer et à relever la profession de magistrat,
Louis IX aimait aussi à siéger dans le vieux palais des comtes de Paris et des premiers Capétiens, sur l’emplacement duquel
s’est élevé le Palais-de-Justice qui existe de nos jours; et alors on le voyait s’asseoir sur le même banc qu’Étienne Boileau,
le prévôt de Paris, homme expert en jurisprudence. Ce prévôt, l’un des plus honorables conseillers de saint Louis, signala sa
magistrature par l’institution d’une police régulière et générale, et il fit remettre en vigueur, à Paris, la surveillance du guet de
nuit. C’est à lui que remonte l’organisation des diverses professions ou confréries, maîtrises ou corps de communauté. Les statuts
qui les régirent furent l’ouvrage d’Étienne Boileau, et, pour le premier réglement, le prévôt « fist assembler et ordonner grant foison
des plus saiges et des plus anciens hommes de la capitale, lesquelz ont beaucoup loué ceste œuvre, applaudie et observee ez halles
de Paris et aux préaulx des marchands. » Les Établissements des Métiers de Paris renfermèrent, outre les statuts de ces mêmes
métiers, alors au nombre de cent cinquante, des réglements sur le roulage, la navigation, les péages, les poids, les cours d’eau,
met en œuvre les métaux tirés de ses mines: l’or et l’argent dont elle compose les ornements de l’Église, le fer dont elle
fabrique ses armes. » Telles étaient alors, au témoignage du chef du monde chrétien, la gloire et l’influence dont Paris se
trouvait investi ; ce sont des lettres de noblesse que l’historien doit mentionner avec soin en retraçant le passé de cette ville.
Vers la même époque, Baudoin de Courtenay, successeur de Jean de Brienne, empereur de Constantinople, vint en France
solliciter des secours contre Jean Ducas Vatace, dit Batatritis, ou empereur de Nicée, et son compétiteur au trône d’Orient. Ce
prince n’était âgé que de vingt-deux ans. Il fut chaleureusement accueilli par Louis IX et Blanche de Castille, qui lui firent
restituer tous les fiefs que la famille de Courtenay, issue des Capétiens, avait naguère possédés dans le royaume. Baudoin II, en
récompense, fit don à Louis IX de la plus auguste des reliques que notre pays vénère; nous voulons parler de la sainte Couronne
d’épines qui avait ceint la tête du Sauveur, et que sainte Hélène avait découverte, au IVe siècle, sur le Calvaire. Louis IX se
hâta d’envoyer en Orient des Frères Prêcheurs, qu’il chargea de rapporter en France l’inestimable trésor, et lorsqu’il apprit enfin
qu’on l’apportait à Paris, il résolut de se rendre lui-même sur la route de Troyes, au-devant de la sainte Couronne, et de recevoir
avec un juste honneur ce témoignage de la rédemption du genre humain. Dans les premiers jours du mois d’août, il partit de
Vincennes avec les reines Blanche et Marguerite; les comtes d’Artois, de Poitiers et d’Anjou, ses frères; l’archevêque de Sens;
Bernard, évêque du Puy ; plusieurs autres prélats et une foule de princes et de hauts barons, et, le 10 août, fête de saint Laurent,
le pieux cortège rencontra, non loin de Villeneuve-l’Archevêque, les religieux qui apportaient en France la précieuse relique.
Dès qu’elle fut retirée du vase d’or qui la contenait, tous les assistants, fondant en larmes, se jetèrent la face contre terre et se
frappèrent la poitrine, croyant, sous ce diadème imposé à Jésus-Christ par les bourreaux du prétoire, voir encore apparaître
la face sanglante et à jamais adorable du Fils de Dieu fait homme et mort pour notre salut. Les jours suivants, le roi et ses frères,
pieds nus et en tunique blanche, rapportèrent d’abord à Vincennes, puis à Paris, la sainte Couronne, qui fut par eux déposée sur
le maître-autel de Notre-Dame, et bientôt après dans la chapelle de Saint-Nicolas, autrefois bâtie par Louis-le-Gros. Ce ne fut
que quelques années après cette auguste cérémonie que saint Louis confia à Pierre de Montreuil, architecte doué d’un admirable
génie, le soin d’élever un monument oû devaient être pieusement renfermées les reliques de la Passion de Notre-Seigneur, et telle
fut l’origine de l’édifice aujourd’hui encore appelé la Sainte-Chapelle.
Dans les intervalles que lui laissèrent les guerres saintes et les complications difficiles de la politique, le saint roi Louis IX
se plut à doter Paris d’un grand nombre de fondations utiles au service de Dieu et au bien-être des peuples. Il établit, avec une
munificence vraiment royale, des couvents et des monastères qui devinrent des asiles pour la piété ou des foyers de charité pour
le pauvre. Son conseil ne parut pas toujours disposé à applaudir à tant de libéralités, et il arriva même qu’un ministre crut
devoir les blâmer hautement. « Diex (Dieu), répondit le roi, m’a donné tout ce que je possède Ce que despenseray de ceste
manière sera touzjours le mieulx placé. » Nous ne parlons pas des magnifiques abbayes qu’il fonda sur différents points du
royaume, et, entr’autres, des monastères de Luzarches et de Royaumont. Aux portes de Paris, il fit construire les abbayes de
Longchamps, de Lis et de Maubuisson; à Paris même, le château de Vauvert, habitation des Chartreux; sur la place Maubert,
il jeta les fondements du couvent des Carmes. Après y avoir établi les religieux qu’il avait ramenés du Carmel, Louis IX fonda
l’église et le couvent des Augustins; puis il fit reprendre les travaux de Notre-Dame de Paris. Vers le même temps et par les
soins de saint Louis, s’élevèrent successivement dans Paris plusieurs églises ou abbayes, parmi lesquelles nous mentionnerons
Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, les Blancs-Manteaux, Saint-Leu-Saint-Gilles, chapelle dépendant de Saint-Magloire, les Mathurins,
Saint-Nicolas-du-Chardonnet, Sainte-Marie-l’Égyptienne, Saint-Jacques, l’abbaye des Jacobins, l’abbaye des Célestins et celle
des Filles-Dieu, les prieurés de Sainte-Catherine, du Val-des-Écoliers, Saint-Josse. C’est également à cette période du règne
de Louis. IX qu’on fait remonter la date de la construction du réfectoire de Saint-Martin-des-Champs, de son dortoir et de sa
salle capitulaire, réputés, après la Sainte-Chapelle, les œuvres d’art les plus merveilleuses de cette époque remarquable. Ce
prince agrandit considérablement l’Hôtel-Dieu; ce fut lui qui fonda pour les aveugles le fameux hôpital des Quinze-Vingts.
Tout le monde connaît la touchante tradition attestée par Joinville, et d’après laquelle le saint roi se plaisait à rendre lui-même
la justice à l’ombre des arbres de Vincennes. Cherchant par tous les moyens à honorer et à relever la profession de magistrat,
Louis IX aimait aussi à siéger dans le vieux palais des comtes de Paris et des premiers Capétiens, sur l’emplacement duquel
s’est élevé le Palais-de-Justice qui existe de nos jours; et alors on le voyait s’asseoir sur le même banc qu’Étienne Boileau,
le prévôt de Paris, homme expert en jurisprudence. Ce prévôt, l’un des plus honorables conseillers de saint Louis, signala sa
magistrature par l’institution d’une police régulière et générale, et il fit remettre en vigueur, à Paris, la surveillance du guet de
nuit. C’est à lui que remonte l’organisation des diverses professions ou confréries, maîtrises ou corps de communauté. Les statuts
qui les régirent furent l’ouvrage d’Étienne Boileau, et, pour le premier réglement, le prévôt « fist assembler et ordonner grant foison
des plus saiges et des plus anciens hommes de la capitale, lesquelz ont beaucoup loué ceste œuvre, applaudie et observee ez halles
de Paris et aux préaulx des marchands. » Les Établissements des Métiers de Paris renfermèrent, outre les statuts de ces mêmes
métiers, alors au nombre de cent cinquante, des réglements sur le roulage, la navigation, les péages, les poids, les cours d’eau,