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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0098
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PARIS DANS SA SPLENDEUR.

est accusé de conspiration, elle sauve son mari. Un jour qu’elle subissait une opération cruelle, le chirurgien, ne comprenant rien
à l’impassibilité de son courage, ne put s’empêcher de s’écrier: « Où êtes-vous donc, Madame? êtes-vous morte ou vivante? »
Telles étaient ces âmes ascétiques, en qui l’habitude de la méditation et de la prière doublait les forces de la nature.
Les fondations pieuses sont alors de tous les jours: hospice de la Charité, en 1606; de la Pitié, en 1612; de la Roquette, en
1636 ; des Enfants-Trouvés, en 1638. Un pauvre marchand de vin, Robert Montry, avait ouvert, en 1620, aux tristes victimes
du libertinage l’asile des Filles de la Miséricorde. Une femme du grand monde, Mmc de Pollalion, fonde pour elles, à son tour,
les Filles de la Providence. L’instruction gratuite était en même temps donnée aux pauvres par les religieuses de la Visitation, du
Calvaire, de Sainte-Élisabeth, les Filles de la Croix, les Annonciades, les Dames de la Conception, les Filles Saint-Thomas, les
Sœurs de la Charité, les Ursulines, les Feuillantines, les Filles de la Providence, etc., toutes établies à Paris dans la première
moitié du XVIIe siècle. L'Oratoire du cardinal de Bérulle (1613), l’institut des Prêtres de la Mission, œuvre admirable de
saint Vincent de Paul (1632), datent de la même époque. Tous les noms, tous les dévoùments se confondaient dans ces œuvres
sublimes.
Qu’il nous suffise d’ajouter que l’on compte plus de soixante établissements religieux fondés à Paris de 16 00 à 16 60. La
prédication, l’enseignement, l’étude, la charité et la prière, telles étaient les occupations de ces ordres depuis lors si décriés.
A ceux qui redoutaient et à ceux qui avaient éprouvé les désenchantements de la vie, aux âmes ardentes et aux âmes souffrantes,
ils offraient la paix qu’apporte avec lui' tout grand sacrifice, et au milieu d’une société facilement oublieuse, ils étaient comme
l’expiation et l’espérance.
Ce fut enfin de ce monde d’ascétisme et de charité que sortirent Bossuet, Pascal, Corneille, Racine, c’est-à-dire, suivant l’expression
de M. de Champagny, « la génération la plus forte, la plus intelligente, la plus sérieusement et la plus utilement active que la
France ait portée, la plus française, en un mot, par toutes les qualités droites, sérieuses, profitables de l’esprit humain. »
Nous voudrions maintenant suivre, à travers les rues de Paris, les traces des personnages éminents qui préparèrent si bien le
siècle de Louis XIV. Saint François de Sales aimait, dans sa jeunesse, à aller prier dans la chapelle de Notre-Dame-de-Délivrance,
à Saint-Étienne-des-Grês. De ce pieux monument, il ne reste aujourd’hui qu’un nom, une rue, une muraille et un souvenir. Plus
tard, nous rencontrons le bienheureux saint dans l’église métropolitaine, prononçant l’oraison funèbre du duc de Mercœur, et chez
les Filles-Dieu de la rue Saint-Denis, auxquelles il reproche, avec la candeur et la simplicité dont leurs tuniques blanches, disait-il,
devaient être le signe, que leur vin est mêlé d’eau, suivant l’expression du prophète. Demandez aujourd’hui les Filles-Dieu, et à
peine quelques érudits pourront-ils vous indiquer à leur place la rue qui conserve leur nom. Mme de Chantal, cette incomparable
veuve, avec laquelle l’évêque de Genève aimait à parler le langage muet des lettres, sa plus unique fille, comme il l’appelait
quelquefois, ne vint à Paris qu’en 1619. Comment passer près du temple protestant du quartier Saint-Antoine, sans se rappeler
que cette jolie rotonde, l’un des premiers chefs-d’œuvre de Mansard, fut édifiée et dédiée par elle à Notre-Dame-des-Anges. Le
pieux souvenir du cardinal de Bérulle se trouve également attaché, depuis la Révolution, à un temple de Calvin: nous voulons
parler de V Oratoire, rue Saint-Honoré, fondé par lui, et où, après toute une vie de saintes œuvres, il célébra cette dernière
Messe représentée sur son tombeau. Bérulle l’avait commencée avec les hommes, et il la finit avec les anges. Saint-Lazare,
l’ancienne et vénérable demeure de Vincent de Paul, est aujourd’hui une prison; Port-Royal, un hôpital de femmes en couche, et
les vastes bâtiments des Jacobins n’ont disparu qu’après avoir donné un asile et un nom à toutes les hontes révolutionnaires. Mais
du moins Notre-Dame-des-Victoires est toujours debout, et les prières n’ont pas diminué d’intensité sous ses voûtes; du moihs,
les Carmes ont eu de pieux successeurs dans leur élégante chapelle de la rue de Vaugirard, et la Révolution n’a laissé chez eux
d’autre trace que le sang des martyrs.
Le 4 décembre 1642, une foule plus grande que de coutume assiégeait les abords du Palais-Cardinal, où l’on entendait un
cri pitoyable et où l’on pouvait voir des pleurs à torrent. Le cardinal de Richelieu venait de mourir avec le calme d’une âme
résignée et forte ; mais tandis que les sanglots et les pâmoisons entouraient son cadavre, on vendait dans les rues de Paris la
Farce du Cardinal aux Enfers.
Richelieu, tout despote qu’il fût, avait de nombreux amis, avec lesquels il aimait à s’épancher à cœur saoul, suivant son mot,
et c’est ce qui explique les larmes; mais il était sans pitié, et c’est ce qui explique les ressentiments qui poursuivirent sa mémoire.
« Voilà un grand politique de moins, » dit simplement Louis XIII; c’était par avance le jugement de la postérité, et l’on ne peut
en reprocher la froideur au prince qui fut assez fort sur lui-même pour se contenter de la seconde place dans son royaume, par la
conscience qu’il avait du génie de son ministre. Richelieu légua au roi son Palais-Cardinal avec sa chapelle d’or enrichie de diamants,
son grand buffet d’argent ciselé, son grand diamant qu’il avait acheté de Lopez, et il le priait, en outre, d’avoir pour agréables
huit tentures de tapisserie et trois licts qui devaient servir à une partie de l’ameublement des principaux appartements du palais.
Louis XIII survécut peu à son ministre. Il s’éteignit lentement à Saint-Germain, quittant « son sceptre et sa couronne, dit
son valet de chambre Dubois, avec aussi peu de regret que s’il n’eût laissé qu’une botte de foin pourri. »
 
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