Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0507
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
GRENADE.

439

Dans le pêle-mêle d'impressions diverses auxquelles s'abandonne un
voyageur, la diligence quelquefois vient fort à propos empêcher l'ac-
cumulation de ses idées; et pourvu qu'elle ne soit pas trop dure, que
les voisins ne soient pas trop incommodes, le balancement du véhicule
favorise la méditation. Nous avions lu sur une maison de Grenade :
Quien no ama, no vive '; et cette sentence, nous revenant à la mémoire
avec le parfum des orangers, avec les douces brises des sierras, sem-
blait s'insinuer comme vérité pratique, comme témoignage vulgaire
d'existence normale, parmi les individus et les choses observés en
Andalousie. Il aimait, il avait aimé, ce khalif qui rêva l'Alhambra,
forteresse dont les murs semblent plutôt faits pour protéger la volupté
jalouse que pour régner par les armes; il aimait celui qui planta le
Généralif, et qui l'aviva d'une fraîcheur si douce; il aimait, ce Fer-
nando d'Acuîia, guerrier-poète, dont les chants semblaient une voix
perdue des poètes arabes qui l'avaient précédé; il aimait à sa manière,
cet Alonzo Cano qui, sculpteur et peintre, traduisit avec une vérité si
franche les élans extatiques de l'àme. Vous aimiez aussi, Chavasito,
Jérémie Cieza, Vicente Cieza, élèves de Cano, plus naturistes que sen-
sualistes; ils ont beaucoup aimé, ces héros vainqueurs et vaincus de
Grenade, mais dans un ordre de pensées bien différentes : Isabelle et ses
guerriers, avec l'énergie de la foi chrétienne; les fils de Mahomet, avec
le tiède abandon d'une race énervée.... J'en étais là de mes réflexions,
quand me survint un délicieux sommeil tel que je le souhaite à mon
lecteur, dût ce livre lui tomber des doigts, et je ne me réveillai plus
qu'au delà d'Andujar. Ahora bien : el mal que se raya, el bien que se
venga 2, me dit alors en souriant une charmante Cadicienne qui se
trouvait dans la même cage que moi : El mal para los Moros, el bien
para nosolros 3, lui répliquai-je, en achevant le proverbe, et nous
continuâmes de babiller jusqu'à Cordoue.

1 Quiconque n'aime pas, ne vit pas.

2 Que le mal s'en aille et que le bien vienne.

3 Le mal pour les Maures et le bien pour nous.
 
Annotationen