LES SAINTS DE L'ESPAGNE. 145
comme le renard, profita des circonstances : à la tète d'une vaillante
armée, il marcha contre le prince chrétien, gagna sur lui plusieurs
avantages signalés et le poursuivit, la lance dans les reins, jusqu'à
Clavijo, près de Calahorra où s'était retirée la cour. Ramiro ne savait
ou non s'il devait livrer bataille; les membres de son conseil flottaient
indécis; les deux personnages les plus importants alors, le confesseur et
le poëte ou fou du prince, différaient complètement d'avis. Jamais
monarque n'eut un si grand cauchemar d'incertitudes. Mais voilà
qu'une nuit saint Jacques lui parle, lui donne ordre d'attaquer les
Sarrasins sur-le-champ, puis disparaît. Émerveillé, docile, Ramiro fait
venir les évêques, les principaux seigneurs de son armée, leur raconte
son rêve, leur exprime sa volonté de marcher immédiatement au cri de
Vive saint Jacques! et d'une voix unanime tous applaudissent. L'armée
chrétienne fondit sur les musulmans, dont la défaite fut si grande qu'il
en resta plus de soixante-dix mille sur le champ de bataille. Saint Jacques,
affirme la chronique, monté sur un cheval blanc, ne cessa de présider
au combat. 11 tenait à la main un drapeau marqué d'une croix rouge, la
même que portent, au côté gauche de leur habit ou de leur manteau, les
chevaliers de Santiago. Comment ne pas triompher avec un tel appui?
Les chrétiens remportèrent une victoire décisive ; ils s'emparèrent d'Ala-
veda, de Clavijo, de Calahorra, et, de cette époque, le cri Santiago y
cierra Espana (Saint-Jacques et charge Espagne) devint, comme notre
Mont-joie-Saint-Denis, le cri de guerre du pays. L'institution de l'ordre
de Santiago, si célèbre dans les fastes militaires de la Péninsule, date de
la même époque.
Cependant un demi-siècle plus tard, soit que le saint eût perdu
quelque peu de son crédit à la cour céleste, soit qu'il eût personnelle-
ment à se plaindre de la population urbaine de Santiago, ou qu'il
voulût punir Bermudès, roi de Galice, d'avoir chassé de son siège
Pelagius, le dernier évêque de Santiago, et pillé les trésors de cette
église, on vit les Maures d'All-Mansour, le fameux Hadjeb de Cordova,
arriver jusqu'à son tombeau. Bermudès s'enfuit dans les montagnes.
L'ennemi saccagea, pilla, incendia la ville; le tombeau seul de saint
Jacques, environné de flammes, demeura fermé aux mains sacrilèges
.des infidèles qui voulaient le profaner.
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comme le renard, profita des circonstances : à la tète d'une vaillante
armée, il marcha contre le prince chrétien, gagna sur lui plusieurs
avantages signalés et le poursuivit, la lance dans les reins, jusqu'à
Clavijo, près de Calahorra où s'était retirée la cour. Ramiro ne savait
ou non s'il devait livrer bataille; les membres de son conseil flottaient
indécis; les deux personnages les plus importants alors, le confesseur et
le poëte ou fou du prince, différaient complètement d'avis. Jamais
monarque n'eut un si grand cauchemar d'incertitudes. Mais voilà
qu'une nuit saint Jacques lui parle, lui donne ordre d'attaquer les
Sarrasins sur-le-champ, puis disparaît. Émerveillé, docile, Ramiro fait
venir les évêques, les principaux seigneurs de son armée, leur raconte
son rêve, leur exprime sa volonté de marcher immédiatement au cri de
Vive saint Jacques! et d'une voix unanime tous applaudissent. L'armée
chrétienne fondit sur les musulmans, dont la défaite fut si grande qu'il
en resta plus de soixante-dix mille sur le champ de bataille. Saint Jacques,
affirme la chronique, monté sur un cheval blanc, ne cessa de présider
au combat. 11 tenait à la main un drapeau marqué d'une croix rouge, la
même que portent, au côté gauche de leur habit ou de leur manteau, les
chevaliers de Santiago. Comment ne pas triompher avec un tel appui?
Les chrétiens remportèrent une victoire décisive ; ils s'emparèrent d'Ala-
veda, de Clavijo, de Calahorra, et, de cette époque, le cri Santiago y
cierra Espana (Saint-Jacques et charge Espagne) devint, comme notre
Mont-joie-Saint-Denis, le cri de guerre du pays. L'institution de l'ordre
de Santiago, si célèbre dans les fastes militaires de la Péninsule, date de
la même époque.
Cependant un demi-siècle plus tard, soit que le saint eût perdu
quelque peu de son crédit à la cour céleste, soit qu'il eût personnelle-
ment à se plaindre de la population urbaine de Santiago, ou qu'il
voulût punir Bermudès, roi de Galice, d'avoir chassé de son siège
Pelagius, le dernier évêque de Santiago, et pillé les trésors de cette
église, on vit les Maures d'All-Mansour, le fameux Hadjeb de Cordova,
arriver jusqu'à son tombeau. Bermudès s'enfuit dans les montagnes.
L'ennemi saccagea, pilla, incendia la ville; le tombeau seul de saint
Jacques, environné de flammes, demeura fermé aux mains sacrilèges
.des infidèles qui voulaient le profaner.
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