261 VOYAGE EN ESPAGNE.
Cette domination souleva l'orgueil national de quelques artistes, qui,
séduits d'abord, puis devenus jaloux de leurs voisins d'outre-mer, ima-
ginèrent de créer un théâtre lyrique national et de l'établir à Madrid.
Ponciano, compositeur habile, fut chargé d'écrire un libretto d'essai,
que la cabale empêcha de réussir. Les maîtres de chapelle, tous ecclé-
siastiques, mais avant tout, artistes jaloux, crièrent au scandale; l'in-
quisition s'en mêla; les musiciens découragés craignirent d'insister
davantage, et l'opéra italien continua de marcher sans obstacle, sans
contrôle, sous la condition de ne point orchestrer des poèmes espagnols.
Cependant, grâce aux idées révolutionnaires, qui rendirent la
musique dramatique indépendante de l'Eglise, Remacho, maître de
chapelle du roi Charles IV, écrivit en 1799 un ouvrage sérieux ayant
pour titre la Conguista clel Peru, qui fut représenté la même année avec
succès. L'heureuse tentative de Remaclio servit d'encouragement à
d'autres compositeurs. En 1803, Garcia, sur un livret traduit du Pri-
sonnier ou la Ressemblance, opéra français d'une facture originale,
écrivit pour le théâtre de Malaga l'opéra comique El Preso; puis il donna
l'année suivante au théâtre de Madrid, El Poeta Calculista, qu'il vint
même chanter, en 1808, dans les salons de Paris. Remacho, devenu
maître de chapelle du roi Joseph, comme il l'avait été de Charles IV,
travaillait, malgré la guerre, plusieurs opéras nouveaux qu'il n'acheva
point, étant tombé en disgrâce sous Ferdinand VII; mais Gomès et
Carnicer soutinrent dignement les patriotiques efforts de leurs devan-
ciers. En 1817, Gomès fit jouer à Madrid, avec un notable succès, YAl-
cleana (la Paysanne ; tandis que Raymond Carnicer, élève d'un maître
de chapelle de Salamanque, s'essaya dans sept ou huit opéras espagnols
représentés au théâtre de Madrid. L'Elena y Constantino, l'Adèle de
Lusinano, partitions remarquables, pleines de vigueur et d'originalité,
laissaient pressentir quelque chef-d'œuvre, quand la direction du théâtre
italien de Madrid étant devenue disponible par la retraite du célèbre
Mercadante, Carnicer prit sa place en 1826, et ne fit plus d'opéras
nationaux.
Nous croyons la langue espagnole mieux appropriée aux librettos
sérieux qu'aux librettos légers, comme ceux de notre opéra-comique.
Malheureusement, tel est l'esprit d'imitation chez nos voisins qu'ils s'ap-
Cette domination souleva l'orgueil national de quelques artistes, qui,
séduits d'abord, puis devenus jaloux de leurs voisins d'outre-mer, ima-
ginèrent de créer un théâtre lyrique national et de l'établir à Madrid.
Ponciano, compositeur habile, fut chargé d'écrire un libretto d'essai,
que la cabale empêcha de réussir. Les maîtres de chapelle, tous ecclé-
siastiques, mais avant tout, artistes jaloux, crièrent au scandale; l'in-
quisition s'en mêla; les musiciens découragés craignirent d'insister
davantage, et l'opéra italien continua de marcher sans obstacle, sans
contrôle, sous la condition de ne point orchestrer des poèmes espagnols.
Cependant, grâce aux idées révolutionnaires, qui rendirent la
musique dramatique indépendante de l'Eglise, Remacho, maître de
chapelle du roi Charles IV, écrivit en 1799 un ouvrage sérieux ayant
pour titre la Conguista clel Peru, qui fut représenté la même année avec
succès. L'heureuse tentative de Remaclio servit d'encouragement à
d'autres compositeurs. En 1803, Garcia, sur un livret traduit du Pri-
sonnier ou la Ressemblance, opéra français d'une facture originale,
écrivit pour le théâtre de Malaga l'opéra comique El Preso; puis il donna
l'année suivante au théâtre de Madrid, El Poeta Calculista, qu'il vint
même chanter, en 1808, dans les salons de Paris. Remacho, devenu
maître de chapelle du roi Joseph, comme il l'avait été de Charles IV,
travaillait, malgré la guerre, plusieurs opéras nouveaux qu'il n'acheva
point, étant tombé en disgrâce sous Ferdinand VII; mais Gomès et
Carnicer soutinrent dignement les patriotiques efforts de leurs devan-
ciers. En 1817, Gomès fit jouer à Madrid, avec un notable succès, YAl-
cleana (la Paysanne ; tandis que Raymond Carnicer, élève d'un maître
de chapelle de Salamanque, s'essaya dans sept ou huit opéras espagnols
représentés au théâtre de Madrid. L'Elena y Constantino, l'Adèle de
Lusinano, partitions remarquables, pleines de vigueur et d'originalité,
laissaient pressentir quelque chef-d'œuvre, quand la direction du théâtre
italien de Madrid étant devenue disponible par la retraite du célèbre
Mercadante, Carnicer prit sa place en 1826, et ne fit plus d'opéras
nationaux.
Nous croyons la langue espagnole mieux appropriée aux librettos
sérieux qu'aux librettos légers, comme ceux de notre opéra-comique.
Malheureusement, tel est l'esprit d'imitation chez nos voisins qu'ils s'ap-