VOYAGE EN ESPAGNE.
484
haut goût. Au milieu de ce fouillis, j'ai admiré un magnifique camée
antique de grande dimension, représentant une Minerve ailée. C'est un
morceau très-précieux sur l'origine duquel je n'ai obtenu aucun ren-
seignement. J'ai vu également deux têtes de griffons fantastiques en
cristal de roche, d'un grand volume, et probablement fort anciennes.
Le senor Perez dit qu'elles ornaient les deux bras d'un de ces sièges
consacrés aux prélats dans les églises métropolitaines. Je le crois volon-
tiers, et je les ai fort admirées.
Notre visite a été fort longue, fort intéressante. A défaut de curiosité
et de goût pour d'aussi belles choses, un observateur eût pris un
grand plaisir à examiner l'heureux possesseur de ces richesses artis-
tiques. Le bonhomme est méthodique; il tient à ses habitudes; il veut
procéder suivant un ordre déterminé; il choisit son jour, sa place, et
sait fort bien présenter les objets sous un aspect favorable. Sa vieille
servante, qui très-probablement a pris en grippe cette collection qu'elle
sait par cœur, ne se prête qu'en grommelant à toutes les volontés du
maître, et l'arrivée des curieux exalte sa mauvaise humeur.
Elle ne peut trouver cette clef qui est dans sa poche; elle ne peut
ouvrir cette fenêtre qui laisse arriver le jour et la chaleur, elle ne peut
soulever ce cadre massif pour l'exposer à la lumière directe, et le vieux
barbier prodigue à la duègne les apostrophes les moins sentimentales.
Chaque visite de ce genre lui attire sans doute de nouveaux désagré-
ments; aussi son air renfrogné montre assez de quel mauvais œil elle
voit ces nouveaux visages. Étrangère à la passion de son maître, elle
ne goûte pas, comme lui, un nouveau plaisir toutes les fois qu'une occa-
sion se présente de passer en revue ses richesses, et cette exhibition a
depuis longtemps perdu pour elle tous ses charmes. De là mille petites
scènes domestiques fort amusantes et dont je n'ai rien perdu. Le tout
se termine par un grand registre, sur lequel les visiteurs expriment
leurs sentiments d'admiration et de reconnaissance. Le doyen a écrit,
en bon espagnol, quelques phrases à la louange de notre hôte, et nous
avons pris congé de ses toiles.
Notre tartane nous a fait faire une longue promenade le long des
murs de la ville. Il reste encore une grande partie des murailles an-
ciennes, crénelées et garnies de mâchicoulis comme celles d'Avignon.
484
haut goût. Au milieu de ce fouillis, j'ai admiré un magnifique camée
antique de grande dimension, représentant une Minerve ailée. C'est un
morceau très-précieux sur l'origine duquel je n'ai obtenu aucun ren-
seignement. J'ai vu également deux têtes de griffons fantastiques en
cristal de roche, d'un grand volume, et probablement fort anciennes.
Le senor Perez dit qu'elles ornaient les deux bras d'un de ces sièges
consacrés aux prélats dans les églises métropolitaines. Je le crois volon-
tiers, et je les ai fort admirées.
Notre visite a été fort longue, fort intéressante. A défaut de curiosité
et de goût pour d'aussi belles choses, un observateur eût pris un
grand plaisir à examiner l'heureux possesseur de ces richesses artis-
tiques. Le bonhomme est méthodique; il tient à ses habitudes; il veut
procéder suivant un ordre déterminé; il choisit son jour, sa place, et
sait fort bien présenter les objets sous un aspect favorable. Sa vieille
servante, qui très-probablement a pris en grippe cette collection qu'elle
sait par cœur, ne se prête qu'en grommelant à toutes les volontés du
maître, et l'arrivée des curieux exalte sa mauvaise humeur.
Elle ne peut trouver cette clef qui est dans sa poche; elle ne peut
ouvrir cette fenêtre qui laisse arriver le jour et la chaleur, elle ne peut
soulever ce cadre massif pour l'exposer à la lumière directe, et le vieux
barbier prodigue à la duègne les apostrophes les moins sentimentales.
Chaque visite de ce genre lui attire sans doute de nouveaux désagré-
ments; aussi son air renfrogné montre assez de quel mauvais œil elle
voit ces nouveaux visages. Étrangère à la passion de son maître, elle
ne goûte pas, comme lui, un nouveau plaisir toutes les fois qu'une occa-
sion se présente de passer en revue ses richesses, et cette exhibition a
depuis longtemps perdu pour elle tous ses charmes. De là mille petites
scènes domestiques fort amusantes et dont je n'ai rien perdu. Le tout
se termine par un grand registre, sur lequel les visiteurs expriment
leurs sentiments d'admiration et de reconnaissance. Le doyen a écrit,
en bon espagnol, quelques phrases à la louange de notre hôte, et nous
avons pris congé de ses toiles.
Notre tartane nous a fait faire une longue promenade le long des
murs de la ville. Il reste encore une grande partie des murailles an-
ciennes, crénelées et garnies de mâchicoulis comme celles d'Avignon.