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RIVE MÉDITERRANÉENNE.
desquelles il y a des marches taillées dans le roc, et qui peuvent légiti-
mement passer pour des escaliers. Cette voie ardue, faite pour des
singes, parcourue en plein midi, sub sole, nous a paru un peu raide;
mais, le courage et la curiosité aidant, nous sommes arrivés à une
grande porte honnêtement fortifiée. Il nous a fallu, là, montrer patte
blanche et une permission formelle pour passer outre. Pendant que
l'on allait chercher un sous-officier d'artillerie pour nous conduire,
nous avons repris haleine à l'ombre d'un arbre, et j'ai profité de ce
moment de répit pour jeter un coup d'œil sur les plantes qui s'y ren-
contrent. D'abord le gros arbre qui nous abrite est tout simplement
un Ricinus palma Christi, superbe euphorbiacée qui, en France, est une
herbe annuelle. Ici, c'est un arbre dont le tronc a près d'un mètre de
circonférence, et très-probablement ce vieux ricin a plus de cinquante
ans. Tout près de là un aloës vient de fleurir, et sa hampe, qui a bien
vingt pieds de hauteur, porte encore des restes de sa magnifique
girandole. Une petite haie de cactus présente, au milieu de leurs
épines redoutables, de beaux fruits mûrs. J'aperçois, en outre, un
buisson de Yacanthus mollis, puis des géranium en arbre, comme ceux
du cap de Bonne-Espérance, la patrie véritable de cette magnifique
tribu des pélargonium. Mais je vous fais grâce de toute ma botanique;
l'officier nous attend, et nous marchons à la file dans un chemin creusé
dans le roc qui conduit aux premières galeries couvertes.
Il faut dire d'abord que le rocher de Gibraltar est un calcaire com-
pacte d'un blanc jaunâtre à grain fin et serré, sorte de marbre vulgaire,
qui offre une résistance considérable à l'action de tous les instru-
ments. Dans cette montagne, on a creusé des galeries disposées de telle
façon que des ouvertures faites au rocher servent d'embrasures à des
pièces de gros calibre destinées à lancer des boulets dans toutes les
directions. Ces galeries, qui sont superposées, forment au moins quatre
ou cinq étages de batteries. On a bâti des fortins sur le sommet de la
montagne, et je ne sais, en vérité, comment on a pu monter des canons
sur ce point élevé de plus de cinq cents mètres.
Les galeries ont été commencées vers 1790; on y a constamment tra-
vaillé depuis. Elles vont toujours en montant; la pente n'en est pas très-
rapide; aussi l'on conçoit que de forts attelages et des bras nombreux,
RIVE MÉDITERRANÉENNE.
desquelles il y a des marches taillées dans le roc, et qui peuvent légiti-
mement passer pour des escaliers. Cette voie ardue, faite pour des
singes, parcourue en plein midi, sub sole, nous a paru un peu raide;
mais, le courage et la curiosité aidant, nous sommes arrivés à une
grande porte honnêtement fortifiée. Il nous a fallu, là, montrer patte
blanche et une permission formelle pour passer outre. Pendant que
l'on allait chercher un sous-officier d'artillerie pour nous conduire,
nous avons repris haleine à l'ombre d'un arbre, et j'ai profité de ce
moment de répit pour jeter un coup d'œil sur les plantes qui s'y ren-
contrent. D'abord le gros arbre qui nous abrite est tout simplement
un Ricinus palma Christi, superbe euphorbiacée qui, en France, est une
herbe annuelle. Ici, c'est un arbre dont le tronc a près d'un mètre de
circonférence, et très-probablement ce vieux ricin a plus de cinquante
ans. Tout près de là un aloës vient de fleurir, et sa hampe, qui a bien
vingt pieds de hauteur, porte encore des restes de sa magnifique
girandole. Une petite haie de cactus présente, au milieu de leurs
épines redoutables, de beaux fruits mûrs. J'aperçois, en outre, un
buisson de Yacanthus mollis, puis des géranium en arbre, comme ceux
du cap de Bonne-Espérance, la patrie véritable de cette magnifique
tribu des pélargonium. Mais je vous fais grâce de toute ma botanique;
l'officier nous attend, et nous marchons à la file dans un chemin creusé
dans le roc qui conduit aux premières galeries couvertes.
Il faut dire d'abord que le rocher de Gibraltar est un calcaire com-
pacte d'un blanc jaunâtre à grain fin et serré, sorte de marbre vulgaire,
qui offre une résistance considérable à l'action de tous les instru-
ments. Dans cette montagne, on a creusé des galeries disposées de telle
façon que des ouvertures faites au rocher servent d'embrasures à des
pièces de gros calibre destinées à lancer des boulets dans toutes les
directions. Ces galeries, qui sont superposées, forment au moins quatre
ou cinq étages de batteries. On a bâti des fortins sur le sommet de la
montagne, et je ne sais, en vérité, comment on a pu monter des canons
sur ce point élevé de plus de cinq cents mètres.
Les galeries ont été commencées vers 1790; on y a constamment tra-
vaillé depuis. Elles vont toujours en montant; la pente n'en est pas très-
rapide; aussi l'on conçoit que de forts attelages et des bras nombreux,