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Nr. 2. Chr. Blinkenberg :
nienne, sur laquelle nous savons beaucoup. Pour eux, les
vestiges d’une ancienne culture de caractère non-hellénique
qu’ils retrouvaient ça et là dans le monde grec devaient
s’allier surtout avec le nom des Phéniciens. On leur devait
l’écriture (le nom ionien des caractères, φοινικήία, en con-
servait le souvenir), on connaissait par la lecture d’Homère
les oeuvres d’art et les industries des Sidoniens, etc. Mais
cette théorie antique ne nous impose aucune obligation: il
faut voir par nos propres yeux. Les fouilles de Paphos
n’ont mis au jour rien de phénicien. Le Corpus Inscriptionum
Semiticarum ne connaît aucun document épigraphique prove-
nant de la ville de Paphos ou de ses environs. Des légendes
monétaires en phénicien se trouvent à Kition, Lapéthos et
Salamis, mais non pas à Paphos. C’est à tort qu’on fait valoir,
comme argument, la forme du téménos en le comparant à celui
de Byblos. On n’est pas non plus autorisé à s’appuyer sur le
symbole phénicien de l’étoile et du croissant qui apparaît, sur
certains monnaies chypriotes, au-dessus du temple. Les mon-
naies autonomes de la ville de Paphos nous préviennent de
ne pas y attacher un sens particulier: sur celles-ci on voit
parfois le disque ailé du soleil ou le signe égyptien ankh.
En tout cas, le symbole n’a rien à faire avec le bâtiment
représenté sur les monnaies.
C’est évidemment la forme de l’objet sacré qui a ébloui
le regard des savants modernes et peut-être aussi celui de
l’antiquité. Car, aux temps historiques, les objets de culte
aniconiques étaient encore vénérés dans plusieurs sanctuaires
célèbres de l’Asie antérieure, tandis qu’en Grèce ils avaient
été remplacés, du moins dans les sanctuaires importants,
par des statues-images. Ce changement a eu lieu à l’aube
de l’histoire, pendant les 8e—7e siècles av. J.-Chr. On com-
prend bien qu’en Chypre, qui gardait jusqu’à la période
Nr. 2. Chr. Blinkenberg :
nienne, sur laquelle nous savons beaucoup. Pour eux, les
vestiges d’une ancienne culture de caractère non-hellénique
qu’ils retrouvaient ça et là dans le monde grec devaient
s’allier surtout avec le nom des Phéniciens. On leur devait
l’écriture (le nom ionien des caractères, φοινικήία, en con-
servait le souvenir), on connaissait par la lecture d’Homère
les oeuvres d’art et les industries des Sidoniens, etc. Mais
cette théorie antique ne nous impose aucune obligation: il
faut voir par nos propres yeux. Les fouilles de Paphos
n’ont mis au jour rien de phénicien. Le Corpus Inscriptionum
Semiticarum ne connaît aucun document épigraphique prove-
nant de la ville de Paphos ou de ses environs. Des légendes
monétaires en phénicien se trouvent à Kition, Lapéthos et
Salamis, mais non pas à Paphos. C’est à tort qu’on fait valoir,
comme argument, la forme du téménos en le comparant à celui
de Byblos. On n’est pas non plus autorisé à s’appuyer sur le
symbole phénicien de l’étoile et du croissant qui apparaît, sur
certains monnaies chypriotes, au-dessus du temple. Les mon-
naies autonomes de la ville de Paphos nous préviennent de
ne pas y attacher un sens particulier: sur celles-ci on voit
parfois le disque ailé du soleil ou le signe égyptien ankh.
En tout cas, le symbole n’a rien à faire avec le bâtiment
représenté sur les monnaies.
C’est évidemment la forme de l’objet sacré qui a ébloui
le regard des savants modernes et peut-être aussi celui de
l’antiquité. Car, aux temps historiques, les objets de culte
aniconiques étaient encore vénérés dans plusieurs sanctuaires
célèbres de l’Asie antérieure, tandis qu’en Grèce ils avaient
été remplacés, du moins dans les sanctuaires importants,
par des statues-images. Ce changement a eu lieu à l’aube
de l’histoire, pendant les 8e—7e siècles av. J.-Chr. On com-
prend bien qu’en Chypre, qui gardait jusqu’à la période