Bulletin du Musée National de Varsovie (14.1973)

Maria Poprzęcka

LE PAYSAGE INDUSTRIEL VERS 1600

Dans l'oeuvre d'un grand nombre des peintres paysagistes de la fin du XVI siecle, nous retrou-
vons les paysages definis dans les catalogues en tant que paysages de montagnes ou des rochers,
dont le motif principal est la forge. Rappellons ici les oeuvres de Herri met de Bies (Offices,
Florence), Paul Brill (Galerie de Dresde), Lucas Gassel (Musee Royaux des Beaux-Arts,
Bruxelles).

Un nombre important des ces paysages a ete peint par Lucas van Valkenborch, par exemple
les tableaux au Kunsthistorisches Museum de Vienne (fig. 1), a la Galerie de Brunswick (fig. 2),
au Rijksmuseum d'Amsterdam (fig. 4).1 Les paysages de Valkenborch, dont le nombre important
nous permet de parler de toute une serie ou d'un ensemble d'oeuvres, nous offrent un materiel
favorable a 1'etude de ce genre.

Tous ces tableaux sont construits suivant le meme principe de composition. La vue est prise
d'une position a peine au-dessus de 1'horizon et divisee en deux plans nettement contrastes.
A gauche s'eleve un massif rocheux, qui occupe presąue toute la surface de tableau, et dont la
structure geologique est scrupuleusement peinte et la topograpbie fidelement reconstituee
(ainsi le chateau represente sur le tableau viennois a ete identifie avec le chateau de Beaufort
aux environs de Hoei). 2 Derriere le mur massif des rocs au premier plan, s'ouvre une large vue
ensoleillee sur la riviere lointaine, les villes, les champs. La carriere n'est pas un endroit desert
et sauvage. Dans les felures des parois rocheuses des conduites en bois dirigent l'eau des torrents
et des chutes vers le treuil hydrauliąue qui active les soufflets de la forge. Sur tous les tableaux
la forge est representee par ce meme batiment ąuadrangulaire surmonte au milieu par une
grandę cheminee. En promenant notre regard entre les rocs, nous decouvrons toujours plus
des traces d'activite humaine — les entrees des mines, les treuils, et partout des minuscules
silhouettes d'hommes qui portent de gros paniers, qui poussent des chariots et des wagonnets,
qui lavent le minerai.

Tels sont les motifs communs a tous ces tableaux. Parfois Valkenborcb y ajoute une action
complementaire, une anegdotę afin de les dramatiser. Sur un des tableaux viennois, les ateliers
desforgerons s'ćlevent sur une avancee rocheuse situee au second plan, tandis qu'au premier plan
on voit un voyageur, charge d'un panier, qui pris de panique fuit devant deux malfaiteurs le
long du sentier sinueux (fig. 3). 3 Mais combien plus emouvant est ce paysage du Rijksmuseum,
presque desert, ou au bas du tableau, au pied d'une paroi rocheuse, quelques personnages qui
se distinguent difficilement de la roche, s'agitent autour d'un puits primitif (fig. 4).

Ces sporadiques tentatives de dramatisation ne sont quand meme pas accompagnees d'un desir
d'effet impressionant ou de creer certaine ambiance. Lucas van Valkenborch fait partie d'une
formation artistiqu« differente de celle de son neveux Frederic, representant, lui, le mouvement
« romantique » dans la peinture paysagiste hollandaise. 4

1. En outre il y a des tableaux de ce sujet peints par Lucas van Valkenborch a Berlin, Dahlem-Museum; au Musśe Na-
tional Ukrainien de Kiev; au Prado de Madrid; au Musće Royal des Beaux-Arts a Anvers; cf V. Stiennon, Les sites mosans
de Lucas et de Martin van Yalckenborgh, Liege, 1954. Les paysages avec forge dTIerri met de Bies, se trouvent a la Narodni
Galerie de Prague, a Johanneum de Graz, au Szepmuveszeti Muzeum de Budapest, dans la coli. Lichtenstein, Vaduz (cf.
cat. exposition Les mines, les forges et les arls, Paris, 1955, p. 10, n° 45).

2. Cat. exp. Landschap in de Nederlanden 1550—1630, Gand, 1961, n° 63.

3. J. Raczyński, Die fldmische Landschaft vor Rubens, Francfort/M, 1938, p. 37, a parle de ce tableau.

4. A.E. Ricbardson, „A Romantic Prclude to tbe Dutcb Realism", Art Quarterly, III, 1940, p. 48, a consacrć une etude a
ce genre de paysage.

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