BULLETfN DE L'ART POUR TOUS
N° 64
si l'armure de Henri II, qui est au Louvre, a été
terminée, c'est-à-dire dorée en plein ou dans
ses fonds, comme c'était alors l'usage. Nous en-
treprendrons quelque jour une étude sérieuse
sur cette panoplie que l'École a rendue clas-
sique en la donnant comme un travail français,
parisien ou lyonnais.
Fig. 177.
Morion. — Travail allemand (Musée d'artillerie).
Parmi les plus illustres batteurs de plates
qui nous ont laissé des panoplies repoussées
avec un art qu'on n'a pu ni égaler ni surpasser,
il faut citer en première ligne cette famille des
Negroli, de Milan, qui armèrent de pied en cap
les souverains de l'Italie, de l'Espagne et de
l'Autriche. Souvent on leur permit de joindre à
leur poinçon qui était : deux os de mort en
sautoir sous un crâne, les écussons souverains
parmi lesquels on remarque les deux clefs cou-
ronnées de la couronne fermée du Saint-Empire.
Un magnifique cabasset acquis dernièrement,
au poids de l'or, par M. W. Riggs, et que cet
amateur érudit m'a dit provenir de la collection
Richards, portait les os en sautoir et le crâne.
Fig. 195.
Broquel. — Travail italien (Louvre).
Et je suis heureux de reconnaître, après avoir
vu cette superbe pièce, l'erreur dans laquelle
j'étais tombé en disant dernièrement que ces
deux marques avaient été confondues (1). Les
Negroli marquaient encore leurs armes d'une
banderole où leur nom s'étale en toutes lettres,
avec la dale de l'œuvre. Ces célèbres armuriers,
qui furent toute une famille dont le major A. An-
gelucci nous a donné la généalogie, travaillèrent
sans cesse pour les souverains et moururent
pauvres, plus heureux peut-être que tant d'autres
batteurs de plates dont la fortune n'a point
sauvé les noms de l'oubli.
Milan eut encore d'autres maîtres, et ce ne
fut point la seule ville, en cette admirable Italie,
où l'on construisit de belles armes. Les armu-
riers romains, siennois, fcrrarais, vénitiens, bien,
d'autres encore, ont conquis une juste célébrité.
(1) Maurice Maindron, Les Armes. Paris, 1890: réper-
toire des marques.
Les épées, les glaives, les sandedei, les dagues
de Venise et de Sienne sont restés fameux.
Les moins riches, au point de vue du métal
même, nous sont parvenus dans toute l'inté-
grité de leur décor, souvent même avec leurs
fourreaux, avec leurs gaines de cuir habilement
estampé et ciselé. Mais ceux dont les montures
étaient d'or et d'argent ont été rapidement dé-
truits, soit qu'on les convertît en espèces mon-
nayées, soit qu'on les fondît pour en faire
quelque pièce d'orfèvrerie.
Un enseignement précieux à cet égard nous
est fourni par un vase à boire d'une collection
parisienne. Il est d'argent, date du xvie siècle,
comme le prouve une étonnante inscription qui
y est gravée et dont le sens est celui-ci : « Cette
coupe fut commandée à un orfèvre qui la fit
avec l'argent garnissant la dague d'un capitaine
de lansquenets tué à la bataille de Monconlour.
Le vainqueur, qui était un capitaine de Suisses,
Fig. 2-2-2.
Dague. — Travail suisse (Louvre).
j s'empara de cette dague et en fit faire ce vase
| à boire. » Ceci est instructif et en dit plus long
j que tous les lieux communs sur le vandalisme,
les fontes patriotiques, les variations de la mode,
j les ventes après décès.
Une étude d'ensemble sur les armes alle-
mandes, au point de vue artistique, serait d'un
! grand intérêt. Ce que nos musées d'armes, le
j musée d'artillerie, le Louvre, Cluny en possè-
dent, est fait pour nous donner la plus haute
idée de cet art allemand qu'il faut saisir, en son
ensemble, dans les galeries d'Ambras, de Vienne,
et dans les collections allemandes. Il existe,
au musée d'artillerie de Paris, une panoplie
d'homme d'armes couverte de bandes gravées
à l'eau-forte et datant, par sa forme typique
des rondelles d'épaules, la disposition de son
armet, de la première moitié du xvie siècle. Les
gravures sont du plus beau parti, les figures
semblent dues à l'école de Martin Shongauer, à
Albert Durer peut-être. La technique est des
plus parfaites, égalant celle de cette autre pa-
noplie dite de François Ier et due à ce plattner
d'Inspruck, J Seusenhofer, qui la battit d'après
commande du roi des Romains Ferdinand. Celui-
ci ne l'envoya pas à notre roi, car, au cours
de leurs relations, la bonne entente ne paraît
pas avoir régné longtemps. La panoplie resta
en Autriche et Napoléon Ier la fit porter à Paris,
en dépouillant la galerie d'Ambras. Ce Seusen-
hofer marquait ses armes d'un heaume dont le
' cimier était un S.
Dans une étude suivante nous donnerons
quelques détails sur l'art des armes en Espagne
à ces époques, notamment sur ces fameux
maîtres de Tolède dont les œuvres ont gardé au
cours des temps une valeur qui n'a fait qu'aug-
menter. Les armures des rois d'Espagne ont été
exécutées surtout par les plattners d'Augsbourg.
] Bornons-nous, aujourd'hui, à figurer quelques
belles armes du xvie siècle, entre autres l'ar-
mure de François Ier, exécutée par Seusenhofer.
Fig. 223.
Hache d'armes. — Travail allemand (Louvre).
Dans noire précédent article nous avons donné
diverses figures d'armes du xvie siècle, nous y
renvoyons le lecteur.
Maurice Maindron.
Beaux-Arts
Décoration de l'Hôtel de Ville. — Le
) jury chargé d'examiner la deuxième épreuve
du concours pour la décoration de la galerie
Lobau, à l'Hôtel de Ville, a rendu son jugement.
MM. Picard, peintre, élève de M. Gérôme, et
Risler, architecte, ont été classés en première
j ligne et sont chargés de la décoration de la
j galerie.
Le concurrent classé le second, après deux
tours de scrutin, est M. Bouveau, qui a reçu la
! prime de 4,000 francs prévue au règlement.
En raison de la valeur des compositions des
trois derniers concurrents, le jury les a fait
bénéficier de la prime facultative de3,000francs,
en les classant dans l'ordre suivant : M. d'Es-
pouy, M. Dubufe et M. Moreau-Sénet. Nous
sommes d'autant plus surpris de voir le rang
occupé par le dernier projet, qu'il possède des
qualités remarquables qui, à notre avis, lui
assignaient la première place.
;l ' - G—
Expositions. — Quatre expositions, intéres-
santes à des titres divers, ont attiré les amateurs,
dans le courant d'avril.
La première est l'exposition de la Société des
graveurs au burin, qui a eu lieu dans les salons
du Cercle de la Librairie, boulevard Saint-Ger-
| main.
La seconde est celle de la Société des pastel-
listes français, dans la galerie Georges Petit,
très visitée et très appréciée.
La troisième est l'exposition des peintres gra-
veurs, qui a eu lieu dans la galerie Durand-Ruel.
Les peintres graveurs français viennent de se
constituer en société sous la présidence de
M. Bracquemond. L'exposition actuelle est la
plus importante que ce groupe ait organisée
i jusqu'ici. Parmi les principaux exposants se
trouvent MM. Bracquemond, Guérard, Besnard,
Buhot, Carrière, Chéret, Desboutin, Fantin-
Latour, Gœneutte, Lepère, Morin, Ribot,
N° 64
si l'armure de Henri II, qui est au Louvre, a été
terminée, c'est-à-dire dorée en plein ou dans
ses fonds, comme c'était alors l'usage. Nous en-
treprendrons quelque jour une étude sérieuse
sur cette panoplie que l'École a rendue clas-
sique en la donnant comme un travail français,
parisien ou lyonnais.
Fig. 177.
Morion. — Travail allemand (Musée d'artillerie).
Parmi les plus illustres batteurs de plates
qui nous ont laissé des panoplies repoussées
avec un art qu'on n'a pu ni égaler ni surpasser,
il faut citer en première ligne cette famille des
Negroli, de Milan, qui armèrent de pied en cap
les souverains de l'Italie, de l'Espagne et de
l'Autriche. Souvent on leur permit de joindre à
leur poinçon qui était : deux os de mort en
sautoir sous un crâne, les écussons souverains
parmi lesquels on remarque les deux clefs cou-
ronnées de la couronne fermée du Saint-Empire.
Un magnifique cabasset acquis dernièrement,
au poids de l'or, par M. W. Riggs, et que cet
amateur érudit m'a dit provenir de la collection
Richards, portait les os en sautoir et le crâne.
Fig. 195.
Broquel. — Travail italien (Louvre).
Et je suis heureux de reconnaître, après avoir
vu cette superbe pièce, l'erreur dans laquelle
j'étais tombé en disant dernièrement que ces
deux marques avaient été confondues (1). Les
Negroli marquaient encore leurs armes d'une
banderole où leur nom s'étale en toutes lettres,
avec la dale de l'œuvre. Ces célèbres armuriers,
qui furent toute une famille dont le major A. An-
gelucci nous a donné la généalogie, travaillèrent
sans cesse pour les souverains et moururent
pauvres, plus heureux peut-être que tant d'autres
batteurs de plates dont la fortune n'a point
sauvé les noms de l'oubli.
Milan eut encore d'autres maîtres, et ce ne
fut point la seule ville, en cette admirable Italie,
où l'on construisit de belles armes. Les armu-
riers romains, siennois, fcrrarais, vénitiens, bien,
d'autres encore, ont conquis une juste célébrité.
(1) Maurice Maindron, Les Armes. Paris, 1890: réper-
toire des marques.
Les épées, les glaives, les sandedei, les dagues
de Venise et de Sienne sont restés fameux.
Les moins riches, au point de vue du métal
même, nous sont parvenus dans toute l'inté-
grité de leur décor, souvent même avec leurs
fourreaux, avec leurs gaines de cuir habilement
estampé et ciselé. Mais ceux dont les montures
étaient d'or et d'argent ont été rapidement dé-
truits, soit qu'on les convertît en espèces mon-
nayées, soit qu'on les fondît pour en faire
quelque pièce d'orfèvrerie.
Un enseignement précieux à cet égard nous
est fourni par un vase à boire d'une collection
parisienne. Il est d'argent, date du xvie siècle,
comme le prouve une étonnante inscription qui
y est gravée et dont le sens est celui-ci : « Cette
coupe fut commandée à un orfèvre qui la fit
avec l'argent garnissant la dague d'un capitaine
de lansquenets tué à la bataille de Monconlour.
Le vainqueur, qui était un capitaine de Suisses,
Fig. 2-2-2.
Dague. — Travail suisse (Louvre).
j s'empara de cette dague et en fit faire ce vase
| à boire. » Ceci est instructif et en dit plus long
j que tous les lieux communs sur le vandalisme,
les fontes patriotiques, les variations de la mode,
j les ventes après décès.
Une étude d'ensemble sur les armes alle-
mandes, au point de vue artistique, serait d'un
! grand intérêt. Ce que nos musées d'armes, le
j musée d'artillerie, le Louvre, Cluny en possè-
dent, est fait pour nous donner la plus haute
idée de cet art allemand qu'il faut saisir, en son
ensemble, dans les galeries d'Ambras, de Vienne,
et dans les collections allemandes. Il existe,
au musée d'artillerie de Paris, une panoplie
d'homme d'armes couverte de bandes gravées
à l'eau-forte et datant, par sa forme typique
des rondelles d'épaules, la disposition de son
armet, de la première moitié du xvie siècle. Les
gravures sont du plus beau parti, les figures
semblent dues à l'école de Martin Shongauer, à
Albert Durer peut-être. La technique est des
plus parfaites, égalant celle de cette autre pa-
noplie dite de François Ier et due à ce plattner
d'Inspruck, J Seusenhofer, qui la battit d'après
commande du roi des Romains Ferdinand. Celui-
ci ne l'envoya pas à notre roi, car, au cours
de leurs relations, la bonne entente ne paraît
pas avoir régné longtemps. La panoplie resta
en Autriche et Napoléon Ier la fit porter à Paris,
en dépouillant la galerie d'Ambras. Ce Seusen-
hofer marquait ses armes d'un heaume dont le
' cimier était un S.
Dans une étude suivante nous donnerons
quelques détails sur l'art des armes en Espagne
à ces époques, notamment sur ces fameux
maîtres de Tolède dont les œuvres ont gardé au
cours des temps une valeur qui n'a fait qu'aug-
menter. Les armures des rois d'Espagne ont été
exécutées surtout par les plattners d'Augsbourg.
] Bornons-nous, aujourd'hui, à figurer quelques
belles armes du xvie siècle, entre autres l'ar-
mure de François Ier, exécutée par Seusenhofer.
Fig. 223.
Hache d'armes. — Travail allemand (Louvre).
Dans noire précédent article nous avons donné
diverses figures d'armes du xvie siècle, nous y
renvoyons le lecteur.
Maurice Maindron.
Beaux-Arts
Décoration de l'Hôtel de Ville. — Le
) jury chargé d'examiner la deuxième épreuve
du concours pour la décoration de la galerie
Lobau, à l'Hôtel de Ville, a rendu son jugement.
MM. Picard, peintre, élève de M. Gérôme, et
Risler, architecte, ont été classés en première
j ligne et sont chargés de la décoration de la
j galerie.
Le concurrent classé le second, après deux
tours de scrutin, est M. Bouveau, qui a reçu la
! prime de 4,000 francs prévue au règlement.
En raison de la valeur des compositions des
trois derniers concurrents, le jury les a fait
bénéficier de la prime facultative de3,000francs,
en les classant dans l'ordre suivant : M. d'Es-
pouy, M. Dubufe et M. Moreau-Sénet. Nous
sommes d'autant plus surpris de voir le rang
occupé par le dernier projet, qu'il possède des
qualités remarquables qui, à notre avis, lui
assignaient la première place.
;l ' - G—
Expositions. — Quatre expositions, intéres-
santes à des titres divers, ont attiré les amateurs,
dans le courant d'avril.
La première est l'exposition de la Société des
graveurs au burin, qui a eu lieu dans les salons
du Cercle de la Librairie, boulevard Saint-Ger-
| main.
La seconde est celle de la Société des pastel-
listes français, dans la galerie Georges Petit,
très visitée et très appréciée.
La troisième est l'exposition des peintres gra-
veurs, qui a eu lieu dans la galerie Durand-Ruel.
Les peintres graveurs français viennent de se
constituer en société sous la présidence de
M. Bracquemond. L'exposition actuelle est la
plus importante que ce groupe ait organisée
i jusqu'ici. Parmi les principaux exposants se
trouvent MM. Bracquemond, Guérard, Besnard,
Buhot, Carrière, Chéret, Desboutin, Fantin-
Latour, Gœneutte, Lepère, Morin, Ribot,