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L'ART* POUR • TOUS

Encyclopédie-df l 'ahtj/vdustrîfl et dfcoea tIf

■paraissant Iaxis les 11*1,01 s
Emile Reiber j C. Sauvageot j

Directeur - Fondateur j Directeur
1861-64 o Ic!cl6-ço{ I865-S5 j

Librairies-lraprimeries réunies

i.HIHiiiniilllIllllI Arvcîenae-jHaison, T^orcl

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<*^-V^__> 2, rue Mignon, 2 Vv^^T^

30e Année ^ ----------Décembre 1891

d'une période qui ne fut pas sans grandeur, ou dizaine de représentations, la pièce quittait

bien s'il faut espérer l'épanouissement d'un J l'affiche.

nouveau et brillant rameau sur l'arbre du Grand C'est grand dommage.

et du Beau et du Vrai. Que voulez-vous? C'est qu'ils sont nombreux

BULLETIN DE DÉCEMBRE 1891 | certains cotés, est absolument belle. Ce sont j « La direction du Vaudeville, vivement solli-

mœurs de pauvres gens, de pêcheurs perdus citée pour donner quelques représentations du
sur un point de la côte bretonne. II y a là de- soir des-Jobards, ne peut malheureusement se
dans deux hommes qui se déleslenl, deux rendre au désir du public, car la pièce en cours
C> h I"0 n i CJ U Q femmes qui aiment, et c'est tout. Je sais bien de représentations fait, actuellement le maxi-

qu'une pareille simplicité de moyens aurait fait muni et chaque jour on refuse du monde. »

hausser les épaules à M.-Scribe; mais pourtant, La pièce « en cours de représentations », c'est

quand on a du talent, cela suffit pour produire Nos Intimes-, une vieille machine de M. Victo-
Acluellement, l'art hésite et cherche sa voie. ! une œuvre vivante el forte. rien Sardou.

Si nous examinons les arts plastiques aussi La critique, poussée à l'assaul par la cohue j Ah! la critique pouvait dormir tranquille! Le

bien que la littérature, nous pouvons constater des littérateurs industriels qui encombrent les vieux crocodile veillait, la mâchoire toute grande
une sorte de trouble, de désarroi qui ne permet théâtres de Paris, s'est ruée loul entière sur les ouverte.

pas de décider si nous touchons à la décadence j trois actes de M. Jean Jullien, et, au bout d'une j II avait cependanl, ce jour-là, une belle occa-
sion d'être simplement bon, l'immortel auteur
de Cléopâtre; il n'avait qu'à dire au directeur du
Vaudeville : « Mon cher Carré, voilà deux jeunes
gens dont la première pièce réussit : jouez-la
Au milieu de l'effort intellectuel et artistique les gens qui ne vont voir que les pièces recom- j donc le soir pendant quelque temps. Quand ça
de notre temps, on peutcependant démêler une mandées par leur journal et qui méprisent tout ne fera plus le sou, vous reprendrez ma corné-
tendance qui se détermine nettement: c'est le ce que « leur » critiqué.a déclaré « infect ». .die. »

retour à la simplicité, à la vérité, à la nature, j Ils sont une douzaine comme cela à Paris M. Sardou n'a pas eu cette idée et il a eu bien

L'art contemporain semble vouloir renouer la d'honnêles gens qui font les comptes rendus des tort, car c'élail encore de la réclame,
tradition interrompue à la fin du moyen âge par pièces jouées. Ils arrivent, écoutent mal, ne j Voilà l'histoire des Jobards.

Au cours de ces chroniques, nous montrerons
que nous avons quelque raison de crier et que
ce n'est pas, comme ces messieurs veulent bien

l'esprit, mais étonnamment vide et faux. j de quelque camarade égaré dans l'art (?) drama- I le dire, pour la simple satisfaction de nous poser

fout en admirant l'œuvre prodigieusement J tique ou d'un monsieur que je désignerai sous j en victimes,,
habile d'un Cellini, on se prend à regretter le j l'euphémisme de « riche amateur » — c'est bon.
pensif artiste inconnu qui mettait un peu de son Mais si, d'aventure, l'œuvre est de quelque

âme dans la pierre en sculptant naïvement les j malheureux qui par miracle csl arrivé à faire
portails des cathédrales. jouer, n'importe où, trois actes en lesquels il Tout en flânant, l'autre jour, je suis allé jus-

Notre génération, par son horreur du « con- j a mis ce qu'il croit la vérité el le beau, vlan— qu'à l'Hôtel de Ville et j'ai eu la curiosité de

c'est mauvais. visiter l'intérieur du bruyant monument.

Mais vous ne savez donc pas, messieurs, que J La décoration picturale est presque achevéé.
vous commettez Lin crime chaque fois que vous
la seule source véritable du Beau. élouffez brutalement un nouveau venu qui essaye

La foule, pour laquelle il faut loujours frayer de se faire jour dans la foule compacte ? Vous En dehors d'une grande composition de Pu\is

le chemin, se défend encore. Cet art nouveau,
qui n'hésile pas à lui présenter la grave réalité

de la vie à la place du mensonge sentimental et s'il av;tit élé encouragé, secouru d'une bonne

la Renaissance italienne, qui lâcha la bride à la j comprennent pas et décident,
fantaisie, qui inventa un art nouveau, pimpant, j C'est bon ou c'est mauvais,
joli, mignon, plaisant à l'œil et amusant pour Si la pièce est d'un vieux fournisseur poussif,

venu» dans la peinture, par sa recherche du réel
dans la littérature, marque donc un grand et
courageux effort pour revenir à la vérité qui est

de la farce bruyante qui étourdit, l'épouvante. parole. Je sais bien que chaque jeune n'a pas un
Peu à peu se fera celte éducation du public ; chef-d'œuvre dans sa poche ; mais au moins ne

C'est dommage.
C'est très laid.
En dehors d'un

désespérez un misérable qui aurait peut-être un j de Chavannes, qu'on a mise dans un cabinet noir,
jour produil quelque chose de vraiment beau j et de curieux panneaux de Besnard, c'est le

triomphe des bons élèves de l'Ecole qui s'étale
sur les murs. 11 y a là toute la gamme de la pein-
ture qu'on récompense.

mais, pendant que la transition s'accomplit et j faites pas croire au public que tout ce qui sort j Faut-il les nommer tous, ces braves gens,
que nous en sommes encore à la bataille, j'ai du cerveau d'un jeune est falalement mauvais. fabricants de peinture au mètre? A quoi bon?
pensé qu'il ne serai! pas sans intérêt de suivre On va me dire cpie j'exagère. On va me citer Laissons venir pour eux la justice du temps qui

pas à pas, en des chroniques dont le seul mérite l'exemple des Jobards, au Vaudeville. Eh bien, J bientôt, oh! oui, bientôt, les aura condamnés à
sera d'être sincères, l'évolution qui doiteonduire j parlons-en des Jobards ; aussi bien, l'histoire est
au triomphe définitif du Vrai. instructive.

Avant d'aller plus loin, je tiens à remercier la MM. Guinon et Denier portent au Vaude-

direclion de VArt pour tous qui m'a donné la j ville une pièce en trois actes : les Jobards. Le
liberté de tout dire — une liberté très rare au- j directeur, M. Carré, monte la pièce pour ses
jourd'hui, bien qu'on dise que nous les possé- matinées du jeudi. On la joue. Elle va aux nues,
dons toutes. el c'élail justice.

L'année qui va finir n'aura rien donné de com- Devant l'enthousiasme du public, la critique,

Plet si nous nous plaçons au point de vue de l'art qui est lâche, capitule et déclare que la pièce
nouveau. Il y a des essais intéressants, des ten- est bonne. Seulement la critique roublarde,
latives vraiment curieuses, mais la formule défi- savait bien ce qu'elle faisait. Les Jobards devaient
nitive est toujours à Irouver. être joués deux fois en tout, ce n'était pas dan-

Dans la littérature dramatique, une œuvre gereux.
s'impose, qui malheureusement a été étranglée Mais l'histoire fait du bruit, la foule veut

Par la critique avec un ensemble tout à fait lou- voir cette pièce qui est de deux jeunes et qui
chant. est bonne — un phénomène ! Alors parait dans

Je veux parler de la Mer, de M. Jean Jullien. les journaux la note suivante qui, dans son



l'oubli à perpétuité:

Il y avait pourtant quelque chose de neuf à
faire dans ce bâtiment neuf. On pouvait, en
fixant ainsi son époque, le donner comme abri
à l'art moderne nouveau-né. On a permis à
Besnard d'approcher et l'on a enlre-bâillé la
porte à Carrière, que j'oubliais, et c'est lout;
mais en revanche parloul flamboie l'art éton-
nant dont M. Gérôme est le prophète. Pom-
pier Ier règne en maitre absolu.

*

* *

Par la critique avec un ensemble tout à fait lou-
chant.

■le veux parler de la Mer, de M. Jean Jullien.

Deux fois j'ai été écouler cette pièce qui, par j genre, est un chef-d'œuvre :
BULLETINS DE L'ART POUR TOUS. — N° 72.

En revenant, un peu triste, j'ai passé une
heure au Louvre. C'est bien plus beau que les
peintures de l'Hôtel de Ville.

Un vieil habitué du Musée, rencontré devant
 
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